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11/06/2021 | FRANCE | N°20NT04020

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 11 juin 2021, 20NT04020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours formé contre la décision du 12 avril 2018 des autorités consulaires françaises en poste à Douala rejetant sa demande de visa de court séjour.

Par un jugement n° 2005909 du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :>
Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2020, M. C... A... B..., représenté par Me E....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours formé contre la décision du 12 avril 2018 des autorités consulaires françaises en poste à Douala rejetant sa demande de visa de court séjour.

Par un jugement n° 2005909 du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2020, M. C... A... B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 novembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer le visa sollicité ou, à défaut, lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'assurer, en application de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêt n° 19NT00407 du 19 juin 2020 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'article 3 de l'arrêt n° 19NT00407 du 19 juin 2020 par lequel la cour met à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 1 000 euros n'a pas été exécuté ;

- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement en s'abstenant de se prononcer sur le bien-fondé du moyen tiré de l'absence de risque de détournement de l'objet du visa au regard des nombreuses justifications produites postérieurement à l'introduction de sa demande ;

- le refus de visa qui lui est opposé est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 16 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 avril 2021.

Un mémoire présenté par le ministre de l'intérieur a été enregistré le 21 mai 2021.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office et tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 21 mai, M. A... B... a présenté des observations sur ce moyen.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- - le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 avril 2018, M. A... B..., ressortissant camerounais, a sollicité la délivrance d'un visa de court séjour afin de rendre visite à son frère, de nationalité française, du 21 avril au 20 mai 2018. Les autorités consulaires françaises en poste à Douala ont, le 12 avril 2018, opposé un refus à cette demande au motif que sa volonté de quitter le territoire des Etats membres avant l'expiration du délai de visa n'était pas établie. Le recours que M. A... B... a, le 14 mai 2018, formé contre cette décision a été implicitement rejeté par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par un arrêt n° 19NT00407 du 19 juin 2020, la cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 décembre 2018 rejetant la demande d'annulation de cette décision implicite et a renvoyé M. A... B... devant le tribunal pour qu'il soit de nouveau statué sur cette demande. Par la requête visée ci-dessus, enregistrée sous le n° 20NT04020, M. A... B... relève appel du jugement du 9 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, après renvoi de l'affaire, de nouveau rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes du 1. de l'article 21 du règlement européen du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas : " Lors de l'examen d'une demande de visa uniforme, le respect par le demandeur des conditions d'entrée (...) est vérifié et une attention particulière est accordée à l'évaluation du risque d'immigration illégale (...) que présenterait le demandeur ainsi qu'à sa volonté de quitter le territoire des Etats membres avant la date d'expiration du visa demandé. ". Aux termes de l'article 32 du même règlement : " 1. (...) le visa est refusé : (...) / b) s'il existe des doutes raisonnables sur (...) la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. (...) ".

3. L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.

4. M. A... B..., âgé de 56 ans à la date de la décision contestée, a sollicité la délivrance d'un visa de court séjour afin de rendre visite à son frère et ses neveux de nationalité française. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est retraité de la fonction publique tandis que son épouse, enseignante, demeure en activité. Ils ont deux enfants, nés en 1994 et 1996. Par ailleurs, il est établi et d'ailleurs non contesté que M. A... B... est propriétaire foncier. A supposer même que la stabilité des revenus locatifs que le requérant soutient percevoir ne pourrait être regardée comme établie, aucun élément au dossier ne permet de douter de son intention de quitter le territoire français avant l'expiration du visa demandé ni, par suite, d'établir l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. L'exécution du présent arrêt implique seulement, eu égard aux motifs d'annulation sur lesquels il se fonde, que le ministre de l'intérieur réexamine la demande de visa de court séjour de M. A... B.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative :

7. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ". Aux termes du I de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public, reproduit à l'article L. 911-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné l'Etat au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice./ (...) A défaut d'ordonnancement dans les délais mentionnés aux alinéas ci-dessus, le comptable assignataire de la dépense doit, à la demande du créancier et sur présentation de la décision de justice, procéder au paiement ".

8. M. A... B... soutient que l'article 3 de l'arrêt n° 19NT00407 du 19 juin 2020 mettant à la charge de l'Etat le versement à son profit de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative n'a pas été exécuté. Il demande à la cour, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à ce versement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

9. D'une part, si l'exécution d'une décision juridictionnelle peut être recherchée dans les conditions définies par l'article L. 911-4 du code de justice administrative, la saisine du juge de l'exécution en application des dispositions de cet article doit prendre la forme d'une demande d'exécution autonome régie par les dispositions des articles R. 911-1 et suivants du code de justice administrative.

10. D'autre part, dès lors que les dispositions de l'article L. 911-9 du code de justice administrative permettent à la partie gagnante, en cas d'inexécution d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée, d'obtenir du comptable public assignataire le paiement de la somme que l'Etat est condamné à lui verser à défaut d'ordonnancement dans le délai prescrit, il n'y a, en principe, pas lieu de faire droit à une demande tendant à ce que le juge prenne des mesures pour assurer l'exécution de cette décision. Il n'en va différemment que lorsque le comptable public assignataire, bien qu'il y soit tenu, refuse de procéder au paiement.

11. Il suit de là que les conclusions présentées par M. A... B... sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, le versement à M. A... B... de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 novembre 2020 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa de M. A... B..., dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... B... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- Mme D..., première conseillère

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juin 2021.

La rapporteure,

K. D...

Le président,

A. PEREZLa greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT04020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 20NT04020
Date de la décision : 11/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : ESSOUMA MVOLA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-11;20nt04020 ?
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