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11/06/2021 | FRANCE | N°20NT01401

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2eme chambre, 11 juin 2021, 20NT01401


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... H... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision en date du 15 février 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision de l'autorité consulaire française à Port-au-Prince refusant un visa de long séjour à Mme E... A... au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 1703523 du 10 avril 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cou

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Par une requête enregistrée le 28 avril 2020 sous le n°20NT01401, et un mémoire enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... H... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision en date du 15 février 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision de l'autorité consulaire française à Port-au-Prince refusant un visa de long séjour à Mme E... A... au titre du regroupement familial.

Par un jugement n° 1703523 du 10 avril 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 avril 2020 sous le n°20NT01401, et un mémoire enregistré le 30 mars 2021, Mme E... A... et M. B... H... A..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 avril 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 15 février 2017 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans le délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions d'astreinte et de délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation de la réalité du lien de filiation .

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant haïtien, né le 3 octobre 1962 et entré en France en 1989, a formulé une demande de regroupement familial en faveur de E... A..., née le 18 novembre 2000, qu'il présente comme sa fille. Par une décision du 28 juillet 2014, le préfet de l'Essonne a autorisé le regroupement sollicité. Par une décision en date du 13 septembre 2016 l'autorité consulaire française à Port-au-Prince a refusé de délivrer le visa demandé. Le recours formé contre cette décision par M. A... devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, a été rejeté le 15 février 2017. M. A... a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement n° 1703523 du 10 avril 2020, le tribunal a rejeté sa demande. M. A... et Mme E... A..., désormais majeure, demandent à la cour d'annuler ce jugement et la décision en litige.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa de long séjour présentée pour E... A... au motif que, d'une part, l'identité de Mme A... et son lien familial avec M. A... ne sont pas établis dès lors que l'acte de naissance de la demanderesse, dressé plus de deux ans après sa naissance, n'est pas conforme à l'article 55 du code civil haïtien qui fixe un délai maximal d'un mois pour déclarer une naissance et, d'autre part, que le regroupant n'apporte pas d'éléments suffisamment probants permettant d'établir qu'il ait contribué ou contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de la demanderesse, ni qu'il lui apporterait un soutien affectif et qu'il communiquerait régulièrement avec elle.

3. Le ministre de l'intérieur convient que, comme le soutiennent pour la première fois en appel les requérants, le premier motif de la décision attaquée est erroné dès lors que par l'arrêté du 1er février 2002 le gouvernement haïtien a accordé à toute personne dépourvue d'état civil un délai de cinq ans à compter de la publication de cet arrêté, pour faire régulariser son état civil, prolongeant le délai de déclaration prévu à l'article 55 du code civil haïtien. Ainsi, la circonstance que l'acte de naissance établi le 13 mai 2003, qui vise d'ailleurs le décret précité du 1er février 2002, ait été dressé deux ans après la naissance de l'intéressée n'est pas de nature à établir son caractère irrégulier ou inauthentique.

4. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis l'auteur du recours à même de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

5. Le ministre de l'intérieur demande, dans ses écritures en défense, que la cour procède à une substitution de motifs en regardant désormais la décision en litige comme fondée sur la circonstance que l'acte de naissance de E... A..., établi par un officier d'état-civil incompétent, est dépourvu de tout caractère probant, que le passeport de Mme A..., délivré le 30 juin 2016 indique une troisième commune de naissance et que les éléments de possession d'état dont se prévalent les requérants n'établissent pas la filiation.

6. Ainsi, le ministre de l'intérieur soutient que l'acte de naissance de Mme E... A... a été établi par un officier d'état civil territorialement incompétent puisqu'officiant dans une commune différente du lieu de naissance et de domicile de la mère, alors que l'article 55 du code civil haïtien dispose que : " 1°) Les déclarations de naissance seront faites (...) à l'officier de l'Etat Civil du lieu du domicile de la mère ou du lieu de naissance de l'enfant ; (...) ".

7. Il ressort des mentions portées sur l'acte de naissance et du cachet du centre d'état-civil apposé au bas de l'acte qu'il a été établi par le " centre d'état civil de la Croix-des-Missions, commune de Tabarre ". Il est également indiqué que le père de l'enfant est Jean H... A..., qu'il demeure et est domicilié à " Bon Repos, commune de Tabarre " ainsi que la mère, Mme G... D.... Ainsi, il ne ressort pas de ces mentions que le domicile de la mère, Bon Repos, soit ou dépende d'une commune différente de celle du centre d'état-civil. Faute pour le ministre de l'intérieur d'apporter de plus amples précisions, et alors que les requérants déclarent de leur côté que la localité Bon Repos dépend de la commune de la Croix-des-Missions, il ne ressort pas de l'ensemble des pièces du dossier que l'acte de naissance de Mme A... doive être écarté comme dépourvu de valeur probante.

8. Le passeport de Mme A... mentionne effectivement un lieu de naissance différent de celui qui est mentionné sur l'acte de naissance, dont le ministre fait valoir qu'il serait distant de 8 kilomètres. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision au vu de cette seule discordance.

9. Il n'y a donc pas lieu de procéder à la substitution demandée.

10. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en refusant de délivrer le visa sollicité.

11. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

12. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, et sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, implique de délivrer à Mme A... le visa de long séjour sollicité. Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle le voyage de l'intéressée vers la France sera compatible avec les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19, sans qu'il y ait lieu, en l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte

Sur les frais liés au litige :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 avril 2020 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 15 février 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme E... A... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle le voyage de l'intéressée vers la France sera compatible avec les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... H... A..., à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme C..., présidente-assesseure,

- M. Lhirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2021.

La rapporteure,

H. C...

Le président,

A. PÉREZ

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT01401


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01401
Date de la décision : 11/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Helene DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SALIGARI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-11;20nt01401 ?
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