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10/06/2021 | FRANCE | N°19NT03251

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre, 10 juin 2021, 19NT03251


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la modification du report déficitaire de l'année 2012 et la décharge, en droits et pénalités, des compléments de contributions sociales mis à sa charge au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1701630 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Rennes a déchargé, en droits et pénalités, M. B... des contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2012 (article 1er), rejeté le surplus de sa demande (artic

le 2) et mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la modification du report déficitaire de l'année 2012 et la décharge, en droits et pénalités, des compléments de contributions sociales mis à sa charge au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1701630 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Rennes a déchargé, en droits et pénalités, M. B... des contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2012 (article 1er), rejeté le surplus de sa demande (article 2) et mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 août et 24 décembre 2019, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 3 de ce jugement ;

2°) de rejeter les conclusions à fin de décharge présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes.

Il soutient que :

- la capacité à prendre des mesures nécessaires au redressement financier a été facilitée par le fait que M. B... a fondé en 1987 la société par actions simplifiée (SAS) Avilog Solutions et n'a pas cessé de l'accompagner sur les plans commercial, managérial et stratégique grâce à l'exécution d'une convention d'assistance conclue entre la société et l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Financière Tournon dont il est l'unique associé ;

- eu égard, d'une part, aux activités déployées auprès de la SAS Avilog Solutions préalablement au rachat de ses titres et de la créance de la société ACG Holding et, d'autre part, aux mesures prises en tant que maître de l'affaire pour redresser la situation financière de la SAS et permettre ainsi le recouvrement de la créance rachetée, le service a dûment estimé qu'une activité parallèle avait été déployée à titre personnel par M. B..., qu'elle était indépendante des fonctions de dirigeant qu'il exerçait au sein de la SAS, que cette activité avait procuré en 2012 un profit imposable correspondant à la différence entre la valeur nominale de la créance et le prix du rachat, soit 930 495 euros et que, essentiellement consacrée au recouvrement dans des délais très brefs de la créance rachetée à la société ACG Holding, cette activité pouvait être assimilée à une exploitation lucrative au sens du 1 de l'article 92 du code général des impôts passible de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et des prélèvements sociaux ; ainsi, M. B... a exercé une activité lucrative, personnelle et parallèle d'optimisation de sa créance ;

- en cas d'effet dévolutif de l'appel, il se réfère à ses écritures de première instance ; en particulier, le rehaussement en litige a été régulièrement soumis à la contribution sur les revenus du patrimoine sur le fondement de l'article 1600-0 C du code général des impôts.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 octobre 2019 et 21 janvier 2020, M. et Mme B..., représentés par Me D..., concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,

- et les observations de Me D..., représentant M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Le 4 juin 2012, M. B... a acquis, d'une part, auprès de la société Vadeo, pour un euro, l'intégralité des titres de la société par actions simplifiée (SAS) Avilog Solutions, qui a pour objet, à titre principal, une activité de gestion de contrats d'assurance santé et, à titre accessoire, une activité de conseil en système d'information, et, d'autre part, auprès de la société ACG Holding, pour un prix global de 279 999 euros, la créance que celle-ci détenait sur la SAS Avilog Solutions d'une valeur nominale de 1 210 494 euros. A la même date, M. B... a été nommé gérant de la société Avilog Solutions. Le compte courant d'associé ouvert au nom de M. B... dans les livres de la société Avilog Solutions a été crédité pour la somme de 1 210 494 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces de ses revenus au titre de l'année 2012, l'administration, par une proposition de rectification du 18 décembre 2015, à l'issue d'une procédure contradictoire, a estimé que la différence entre les valeurs d'inscription en compte courant de la créance et son prix d'acquisition, soit une somme de 930 495 euros, constituait pour M. B..., au titre de l'année 2012, un revenu taxable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, en application des dispositions du 1 de l'article 92 du code général des impôts. Le revenu global demeurant négatif compte tenu de déficits globaux antérieurs, seules des contributions sociales, en droits et pénalités, ont été mises à la charge de M. B... au titre de l'année 2012. Par un jugement du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Rennes a déchargé M. B..., en droits et pénalités, de ces contributions sociales (article 1er), a rejeté le surplus de sa demande (article 2) et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3). Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel des articles 1er et 3 de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale : " I. - Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3, L. 136-4 et L. 136-7 : (...) f) De tous revenus qui entrent dans la catégorie (...), des bénéfices non commerciaux (...), à l'exception de ceux qui sont assujettis à la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement définie aux articles L. 136-1 à L. 136-5. (...) ". Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés (...) comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices (...) de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. ".

3. Comme il a été dit au point 1, M. B... a racheté à un prix inférieur à sa valeur nominale la créance que la société ACG Holding détenait sur la société Avilog Solutions dont il a par ailleurs pris la gérance. Cette créance a été inscrite au compte courant de l'intéressé dans les écritures de la société Avilog Solutions, en substitution du précédent créancier. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté qu'une augmentation rapide des résultats financiers de la société a été constatée après la prise de direction de la société par M. B.... Pour décharger M. et Mme B..., le tribunal administratif de Rennes a estimé que l'administration n'établit pas que M. B... avait développé à côté de son activité de dirigeant une activité personnelle et autonome spécifique visant à améliorer ses chances de recouvrer la créance rachetée au meilleur prix et permettant de qualifier le gain réalisé de bénéfice non commercial sur le fondement du 1 de l'article 92 du code général des impôts.

4. En premier lieu, l'administration soutient que l'augmentation du chiffre d'affaires est liée au fait que M. B..., qui a fondé en 1987 la société Avilog Solutions, n'a pas cessé de l'accompagner sur les plans commercial, managérial et stratégique grâce à l'exécution d'une convention d'assistance conclue entre la société et l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Financière Tournon dont il est l'unique associé. Toutefois, la convention d'assistance, au demeurant conclue le 21 juillet 2008, soit près de trois ans avant le rachat par M. B... de la créance sur la société Avilog Solutions à la société ACG Holding, ne concerne pas seulement la société Avilog Solutions mais aussi le groupe Alturia et la société Alturia, la rémunération de cette convention étant principalement supportée par cette dernière société, la société Avilog Solutions n'émargeant que marginalement. Ni la nature et le nombre des prestations de conseil et d'assistance dans le domaine commercial et managérial, qui auraient été effectivement dispensées à la société Avilog Solutions, ni le lien entre de telles interventions et le fait que M. B... a pu, au terme d'un an et demi, recouvrer sa créance sur cette société pour sa valeur nominale ne sont établis par l'administration.

5. En second lieu, l'administration n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause les affirmations de M. et Mme B... selon lesquelles, d'une part, la société Avilog Solutions n'a jamais été en difficulté financière, d'autre part, les importantes avances en compte courant faites par le groupe Alma étaient justifiées par la nécessité de financer des investissements destinés à garantir la capacité du système informatique à supporter un volume d'activité conforme aux besoins, enfin, la société n'a qu'un seul client avec lequel elle a réalisé l'intégralité de son chiffre d'affaires. De plus, l'administration ne conteste pas la circonstance que M. B... n'a pas modifié les conditions commerciales du contrat conclu par la société avec son unique client qui ont été basées sur une commission à taux fixe assise sur les primes qu'elle a encaissées au cours de la période écoulée, entraînant un effet d'aubaine en faveur de la société du fait de l'augmentation du nombre des assurés de son client.

6. Il suit de là que l'ensemble de ces circonstances ne permet pas d'établir que M. B... aurait déployé une activité personnelle excédant celle relevant de son activité normale de dirigeant d'entreprise qu'il venait de commencer le 4 juin 2012. Par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la plus-value litigieuse devait être regardée comme un profit tiré d'une activité lucrative assimilable à des bénéfices non commerciaux en application des dispositions du 1° de l'article 92 du code général des impôts.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a respectivement déchargé M. B... des impositions litigieuses et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme B... au titre des frais liés au litige.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme B... une somme de 1 500 euros au titre des frais liés au litige.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. et Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. C..., président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2021.

Le rapporteur,

J.E. C...Le président,

F. Bataille

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03251


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELARL DELPEYROUX ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre
Date de la décision : 10/06/2021
Date de l'import : 22/06/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19NT03251
Numéro NOR : CETATEXT000043677056 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-10;19nt03251 ?
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