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04/06/2021 | FRANCE | N°21NT00621

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4eme chambre, 04 juin 2021, 21NT00621


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 novembre 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités maltaises pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle ce préfet l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2012069 du 7 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8

mars 2021, Mme A... C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 16 novembre 2020 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités maltaises pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle ce préfet l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2012069 du 7 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2021, Mme A... C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2012069 du tribunal administratif de Nantes du 7 décembre 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 16 novembre 2020 par lesquelles le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités maltaises et l'a assignée à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de huit jours, ou à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

. en ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités maltaises :

- la décision est insuffisamment motivée :

o elle ne comporte pas de justification du critère de détermination de l'Etat compétent ;

o l'article 13 § 1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne trouve pas à s'appliquer ;

o la motivation ne fait pas apparaitre sa situation au jour de la décision contestée ; il n'est pas précisé que ses empreintes ont été relevées deux fois à Malte ;

- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues :

o le jugement comporte un raisonnement erroné en retenant que la demande d'asile est réellement formalisée par la remise du dossier à la préfecture ;

o elle n'a pas bénéficié de l'information requise dès la présentation de sa demande d'asile auprès du point d'accueil des demandeurs d'asile ;

o elle n'a pas reçu une information complète et effective dans une langue qu'elle comprend ; les brochures lui ont été remises en langue française qu'elle ne comprend pas, alors qu'elle ne sait pas lire ; la traduction orale des brochures n'a pas d'incidence sur le vice de procédure ; le préfet ne démontre pas une information traduite et fournie de manière effective ;

- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues, ainsi que les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'apporte pas la preuve de la qualification de l'agent ayant conduit l'entretien ni de la nécessité de recourir à un interprète par voie téléphonique ; les observations figurant au résumé d'entretien sont en contradiction avec ses propos ;

- les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il n'y a pas eu d'examen du risque de méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors même qu'elle est en situation de vulnérabilité du fait de sa qualité de femme seule avec un enfant de deux ans ; la situation à Malte est caractérisée par des défaillances systémiques ;

- les autorités maltaises ont méconnu les dispositions des articles 9 et 14 du règlement 603/2013 Eurodac, ses mêmes empreintes ayant été enregistrées à deux dates différentes, une fois en franchissement irrégulier des frontières, et une fois en tant que demandeur d'asile ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; elle présente une situation de vulnérabilité en raison des persécutions subies dans son pays, de son passage éprouvant en Libye, de la traversée traumatisante de la Méditerranée, de son vécu difficile à Malte et de sa qualité de jeune femme isolée avec un enfant de deux ans ;

- l'intérêt supérieur de l'enfant a été méconnu en violation des dispositions de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et des stipulations de l'article 3. 1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ; le préfet n'a pas examiné l'intérêt supérieur de l'enfant ;

. en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert auprès des autorités maltaises ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; la mesure n'est pas adaptée, pas nécessaire et pas proportionnée ; la décision est entachée d'erreur de droit puisque non justifiée autrement que par la seule procédure Dublin initiée à son encontre ;

- la décision méconnait les stipulations de l'article 3.1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le délai de transfert de Mme C... vers Malte est reporté au 7 juin 2021 ;

- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante guinéenne née en mars 2001, est entrée en France en octobre 2020. Elle a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée le 9 octobre 2020. Par une décision du 16 novembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités maltaises pour l'examen de sa demande d'asile, et par une décision du même jour, a également prononcé son assignation à résidence. Mme C... relève appel du jugement du 7 décembre 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 16 novembre 2020.

Sur l'arrêté portant transfert auprès des autorités maltaises :

2. En premier lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

3. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

4. L'arrêté prononçant le transfert de Mme C... aux autorités maltaises vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que deux règlements portant modalité d'application de celui-ci, relève le caractère irrégulier de l'entrée en France de Mme C..., rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque Mme C... s'était présentée devant les services de la préfecture de la Loire-Atlantique et précise que la consultation du système Eurodac a montré que Mme C... était connue des autorités maltaises auprès desquelles elle avait sollicité l'asile et indique la date et le numéro de cette demande. Il en résulte que la décision portant transfert de l'intéressée auprès des autorités maltaises est ainsi suffisamment motivée en application des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, quand bien même la décision ne mentionne pas explicitement les dispositions du b) du c) ou du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ou l'existence d'une procédure de reprise en charge, la motivation retenue permettant de faire apparaitre qu'il a été fait application de ces dispositions.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... s'est vu remettre, le 9 octobre 2020, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue française. Si Mme C... relève qu'elle ne parle que le maninke, ce qui ressort également du recueil d'informations, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a apposé sa signature sous les mentions attestant que le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires lui avaient été remis dans une langue qu'elle avait déclaré comprendre, et que les informations contenues dans le guide du demandeur d'asile, ainsi que dans les brochures A et B lui ont été communiquées oralement et qu'elle reconnaissait les avoir comprises. Les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 prévoient en outre la possibilité d'une communication également orale des informations prévues par ces dispositions " si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur ". Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

9. Par ailleurs, l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de non-admission en France, de maintien en zone d'attente, de placement en rétention, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de non-admission, de maintien, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu au quatorzième alinéa du I de l'article L. 611-1-1. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français ". L'article L. 111-8 du même code dispose que : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".

10. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par Mme C... qu'elle a bénéficié le 9 octobre 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue maninke, que l'intéressée a déclaré comprendre, avec le concours par téléphone d'un interprète, dont l'identité est portée sur le compte rendu d'entretien, intervenant pour le compte de la société ISM Interprétariat, agréée par le ministère de l'intérieur. Si Mme C... soutient que les services de l'interprète en langue maninke ont été fournis par téléphone sans que le préfet n'en justifie la nécessité, conformément aux dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités techniques du déroulement de l'entretien l'auraient privée d'une garantie. Il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte-rendu qui en a été établi qui mentionne que Mme C... a perdu contact avec son époux lors de sa traversée en Libye, qu'elle a été hébergée dans un camp à Malte, qu'une demande d'asile a été enregistrée dans ce pays. Ce compte-rendu relate en outre les problèmes de santé de Mme C... et de sa fille, dont l'intéressée a fait état. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

11. En quatrième lieu, l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 dispose que : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend: / a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant; / b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n o 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives; / c) des destinataires des données; / d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées; / e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. / 2. Dans le cas de personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont relevées (...) 3. Une brochure commune, dans laquelle figurent au moins les informations visées au paragraphe 1 du présent article et celles visées à l'article 4, paragraphe 1, du règlement (UE) n o 604/2013 est réalisée conformément à la procédure visée à l'article 44, paragraphe 2, dudit règlement. / La brochure est rédigée d'une manière claire et simple, et dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend. / La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres peuvent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces informations spécifiques aux États membres portent au moins sur les droits de la personne concernée, sur la possibilité d'une assistance de la part des autorités nationales de contrôle, ainsi que sur les coordonnées des services du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle (...) ".

12. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. La méconnaissance de cette obligation d'information dans une langue comprise par l'intéressé ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles la France remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Dans ces conditions, la circonstance, à la supposer établie, que les autorités maltaises auraient méconnu les dispositions des articles 9 et 14 du règlement " Eurodac " est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 16 novembre 2020.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Par ailleurs, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

14. Mme C... fait état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile à Malte, mais les documents qu'elle produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités maltaises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que Malte est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, elle ne démontre pas davantage qu'elle serait exposée au risque de subir à Malte des traitements contraires aux dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et que la décision de transfert méconnaîtrait ainsi l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par ailleurs, il ressort de la motivation même de l'arrêté du 16 novembre 2020 que le préfet de Maine-et-Loire a entendu vérifier qu'il n'existait pas d'atteinte au droit d'asile à Malte.

15. En sixième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ".

16. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme C... et des conséquences de sa réadmission à Malte au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de son état de santé.

17. D'autre part, Mme C... ne produit pas de documents qui permettent de démontrer à eux seuls que son état de santé la placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France et se borne à invoquer sa situation de mère isolée avec une très jeune enfant sans établir, ni même soutenir, que la situation de sa petite fille exigerait un maintien en France. De même, la circonstance selon laquelle les conditions de vie de Mme C... ont été éprouvantes tout au long de son parcours migratoire, notamment en Lybie, et l'auraient été à Malte, ne suffisent pas à démontrer qu'elle se trouve dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité.

18. En dernier lieu, l'article 3.1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Mme C... n'invoque aucune circonstance, à l'exception du jeune âge de sa fille Kadiatou, née en 2018, relative à la situation de son enfant. Dans ces conditions, elle n'établit pas que la décision du 16 novembre 2020 portant transfert de la jeune femme et de son enfant auprès des autorités maltaises méconnaitre l'intérêt supérieur de l'enfant.

Sur la décision portant assignation à résidence :

19. L'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) / Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) ". L'article L. 561-1 du même code dispose que : " (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée (...) ". Par ailleurs, l'article R. 561-2 du même code dispose que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ".

20. En premier lieu, il résulte des points 2 à 18 du présent arrêt que Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités maltaises.

21. En deuxième lieu, il résulte des dispositions citées au point 19 du présent arrêt que du fait de l'existence d'un arrêté de transfert et dès lors que l'intéressée justifiait d'une adresse, le préfet a pu, sans entacher sa décision d'un défaut de base légale, assortir sa décision d'assignation à résidence de Mme C... de l'obligation pour celle-ci de se présenter une fois par semaine, à l'exception des jours fériés, aux services du commissariat de police de Nantes. Par ailleurs, il n'est pas démontré que cette obligation et ses modalités présenteraient pour la jeune femme ou sa petite fille, dont il n'est notamment pas soutenu qu'elle serait scolarisée, un caractère disproportionné. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation qui entacheraient la décision d'assignation doivent être écartés.

22. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il n'est ni établi ni même soutenu que la petite Kadiatou serait scolarisée. Dans ces conditions, l'assignation à résidence de sa mère et l'obligation qui lui est faite de se rendre une seule fois par semaine auprès du commissariat de police de Nantes ne méconnaissent pas l'intérêt supérieur de l'enfant de Mme C....

23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Loire-Atlantique du 16 novembre 2020. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2021.

La rapporteure,

M. D...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00621


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00621
Date de la décision : 04/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : PERROT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-04;21nt00621 ?
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