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04/06/2021 | FRANCE | N°20NT02380

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 04 juin 2021, 20NT02380


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés du 5 juillet 2020 de la préfète d'Indre-et-Loire l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée de deux ans d'une part et ordonnant son assignation à résidence, d'autre part.

Par un jugement n° 2002193 du 9 juillet 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté

portant assignation à résidence et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés du 5 juillet 2020 de la préfète d'Indre-et-Loire l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée de deux ans d'une part et ordonnant son assignation à résidence, d'autre part.

Par un jugement n° 2002193 du 9 juillet 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté portant assignation à résidence et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2020 M. B... A..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 9 juillet 2020 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'annuler ce même arrêté du 5 juillet 2020 ;

4°) de confirmer l'annulation de l'arrêté du même jour portant assignation à résidence ;

5°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les arrêtés contestés ne lui ont pas été notifiés en arabe, langue qu'il comprend ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté portant assignation à résidence est illégal en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cet arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée le 29 septembre 2020 à la préfète d'Indre-et-Loire, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 2 juillet 1995 entré en France en 2017, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans par un arrêté du 7 mai 2018 du préfète d'Indre-et-Loire, confirmé par un jugement du 22 juin 2018 du tribunal administratif d'Orléans. L'intéressé serait à nouveau entré en France le 20 mai 2018 et, par un arrêté du 2 juillet 2020, la préfète d'Indre-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit un retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un autre arrêté du même jour, la préfète a ordonné son assignation à résidence. Le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans ayant, par jugement du 9 juillet 2020, annulé l'arrêté portant assignation à résidence et rejeté la demande de M. B... A... tendant à l'annulation du premier de ces arrêtés, ce dernier doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté sa demandes dirigée contre cet arrêté du 2 juillet 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend. ".

4. Les conditions de notification d'une décision administrative sont par elles-mêmes sans incidence sur leur légalité. Par suite, M. B... A..., qui au demeurant a été assisté d'un interprète lors de la notification de l'arrêté contesté, ne peut utilement se prévaloir de ce que cette notification aurait été effectuée sans remise de document traduit en arabe, langue qu'il comprend.

5. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. En premier lieu, M. B... A... fait valoir qu'il est marié depuis le 15 juin 2019 à une ressortissante française avec laquelle il a noué une relation en novembre 2018, qu'un enfant est né de leur union le 25 avril 2020 et que des membres de sa famille résident en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la communauté de vie invoquée, qui n'est pas établie avant le mois de janvier 2019, ainsi que la naissance de l'enfant de l'intéressé étaient relativement récentes à la date de l'arrêté contesté et que M. B... A... ne conteste pas être entré irrégulièrement en France le 20 mai 2018 après un précédent séjour, alors qu'il était sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français et d'une interdiction de retour de deux ans prises le 7 mai 2018. En outre, le requérant ne justifie ni d'une particulière intégration, notamment sociale et linguistique, ni d'une situation professionnelle susceptible de lui permette de subvenir aux besoins de son foyer. Par ailleurs, l'intéressé n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où résident ses parents et ses frères et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. B... A..., ainsi que de la possibilité de solliciter la délivrance d'un visa d'entrée en France après être retourné en Algérie, la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, la préfète d'Indre-et-Loire n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En second lieu, compte tenu de la nature des attaches en France de l'intéressé, marié à une ressortissante française avec laquelle il a eu un enfant, l'interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans constitue pour cette même durée un obstacle significatif au maintien par le requérant de ses liens familiaux avec son épouse et son enfant se trouvant en France et porte ainsi une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, la préfète d'Indre-et-Loire ne pouvait prendre cette décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans sans méconnaitre les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

Sur les frais liés au litige :

9. M. B... A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me E... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 2002193 du 9 juillet 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. B... A... dirigées contre l'arrêté du 5 juillet 2020 de la préfète d'Indre-et-Loire en ce qu'il lui interdit un retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Article 2 : L'arrêté du 5 juillet 2020 de la préfète d'Indre-et-Loire est annulé en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français de M. B... A... pour une durée de deux ans.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. B... A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente,

- Mme C..., présidente-assesseure,

- M Berthon , premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2021.

La rapporteure

C. C...

La présidente

I. Perrot

La greffière

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20NT023802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02380
Date de la décision : 04/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : ADVENTIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-04;20nt02380 ?
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