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04/06/2021 | FRANCE | N°20NT02352

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 04 juin 2021, 20NT02352


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme M'A... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2019 de la préfète d'Indre-et-Loire refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2000116 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2020, Mme D..

., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme M'A... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2019 de la préfète d'Indre-et-Loire refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2000116 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2020, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 2 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- en l'absence de signature de l'un des trois membres du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et de preuve de la régularité du rapport médical sur la base duquel a été rendu l'avis de ce collège, la régularité de ce même avis ne peut être tenue pour établie ;

- la préfète s'est estimée lié à tort par cet avis ;

- compte tenu de l'impossibilité de bénéficier des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine, la décision contestée portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- pour les mêmes motifs, la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- pour les mêmes motifs, la décision fixant le pays de renvoi a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée le 3 novembre 2020 à la préfète d'Indre-et-Loire qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 31322, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante guinéenne née le 1er août 1966, serait entrée en France le 9 mai 2018. L'intéressée a présenté une demande de titre de séjour pour raisons médicales le 19 octobre 2018. Par arrêté du 16 septembre 2019, la préfète d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... relève appel du jugement du 2 juillet 2020 du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L 311-11 11°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". Aux termes de l'article R. 313-22 dudit code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...)/ le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

3. En premier lieu, le grief tiré de l'absence de preuve de la régularité du rapport médical sur la base duquel a été rendu l'avis du 16 avril 2019 du collège de médecins de l'OFII n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peut, par suite, qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, si les prescriptions de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique, invoquées par la requérante, sont au nombre des règles professionnelles que l'auteur du rapport médical et les membres du collège de médecins de l'OFII doivent respecter, elles ne régissent toutefois pas la procédure administrative au terme de laquelle la préfète se prononce sur une demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis précité du collège de médecins de l'OFII que celui-ci comporte, outre la mention qu'il a été rendu par le collège de médecins de l'Office au terme d'un délibéré, les noms, prénoms et qualités des médecins qui l'ont rendu. Ces informations sont confirmées par le bordereau de transmission de l'avis par le directeur général de l'OFII à la préfète d'Indre-et-Loire. Il ne ressort pas de la copie de l'avis produite par la préfète que cet avis n'aurait pas été signé par les trois médecins composant le collège, bien qu'en raison d'une piètre qualité de reproduction, la signature d'un des médecins, affecté au service médical de l'OFII, soit, il est vrai, peu visible. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du 16 avril 2019 du collège de médecins de l'OFII doit être écarté.

5. En troisième lieu, par ce même avis, que la préfète d'Indre-et-Loire s'est appropriée, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé notamment que si l'état de santé de Mme D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à cet avis du 16 avril 2019, l'intéressée a subi le 6 septembre une thyroïdectomie totale, assortie d'un suivi de contrôle à échéance de quinze jours et de six semaines ainsi que d'une prescription notamment de Levothyrox (r)150 µg. La requérante soutient que l'évolution de sa thyroïde n'aurait pu être réalisée en Guinée et que ce médicament n'y est pas disponible. Toutefois les justificatifs qu'elle produit, établis postérieurement à l'arrêté contesté et présentés comme un courrier d'un chef de service du centre hospitalier universitaire de Conakry lui suggérant de revoir son médecin traitant pour bénéficier d'un suivi correct et l'attestation d'un pharmacien guinéen faisant état d'une indisponibilité en Guinée du " Levothyrox 150 mg " ne permettent pas, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, d'établir qu'elle ne pourrait ni bénéficier effectivement d'une prise en charge adaptée à son état de santé dans son pays d'origine et ni y avoir au traitement qui lui a été prescrit ou à un médicament équivalent. Par suite, en refusant de délivrer à Mme D... le titre de séjour qu'elle avait sollicité pour raisons médicales, la préfète d'Indre-et-Loire n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de ce que la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, Mme D... n'établit pas être dans l'impossibilité de bénéficier effectivement d'une prise en charge adaptée à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

9. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens tirés de ce que la décision contestée portant refus de titre de séjour serait entachée d'une insuffisance de motivation et d'une erreur de droit au motif de ce que la préfète d'Indre-et-Loire se serait estimé lié par l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII et de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme M'A... D..., épouse B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente,

- Mme C..., présidente-assesseure,

- M Berthon premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2021.

La rapporteure,

C. C...

La présidente,

I. Perrot

La greffière,

A Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20NT023522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02352
Date de la décision : 04/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : EQUATION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-04;20nt02352 ?
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