La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/2021 | FRANCE | N°20NT00082

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 04 juin 2021, 20NT00082


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier Côte de Lumière des Sables d'Olonne et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser solidairement la somme de 20 627,80 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à l'occasion de sa prise en charge par cet établissement.

Par un jugement n° 1702772 du 13 novembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a mis à la charge du centre hospitalier Côte de Lumière et

de la SHAM la somme de 230 euros à verser à Mme A... outre celle de 28,43 euros à v...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier Côte de Lumière des Sables d'Olonne et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser solidairement la somme de 20 627,80 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à l'occasion de sa prise en charge par cet établissement.

Par un jugement n° 1702772 du 13 novembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a mis à la charge du centre hospitalier Côte de Lumière et de la SHAM la somme de 230 euros à verser à Mme A... outre celle de 28,43 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 janvier 2020 Mme A..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a limité à 230 euros le montant de l'indemnité destinée à réparer son préjudice ;

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier Côte de Lumière et la SHAM, au besoin après avoir ordonné une expertise médicale, à lui verser la somme de 20 627,82 euros en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier Côte de Lumière et de la SHAM la somme de 4 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a statué ultra petita et a méconnu le principe du contradictoire en écartant toute réparation du préjudice lié aux souffrances endurées ;

- la responsabilité du centre hospitalier doit être engagée faute d'avoir dispensé des soins consciencieux, attentifs et conformes aux règles de l'art ;

- son préjudice doit être évalué à : 2 383,25 euros eu titre de la perte de gains professionnels, 10 000 euros au titre du préjudice professionnel, 1 744,55 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 3 000 euros au titre des souffrances endurées, 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 2 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 1 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

- subsidiairement, une expertise devra être confiée à un expert spécialisé en chirurgie de la main.

Par un mémoire enregistré le 10 août 2020 le centre hospitalier Côte de Lumière, des Sables d'Olonne, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., victime le 15 août 2012 d'une profonde coupure à la main droite dans le cadre d'un accident domestique, a été admise au centre hospitalier Côte de Lumière des Sables d'Olonne. Sa blessure à la main a été alors suturée, mais une reprise chirurgicale a dû être réalisée deux semaines plus tard dans un autre établissement. Mme A... a demandé la condamnation du centre hospitalier Côte de Lumière et de son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à lui verser la somme de 20 627,80 euros en réparation des préjudices découlant des manquements allégués dans sa prise en charge par cet établissement hospitalier. Par un jugement du 13 novembre 2019, le tribunal administratif de Nantes a mis à la charge solidaire du centre hospitalier et de la SHAM le versement à Mme A... de la somme de 230 euros et à la CPAM de Maine-et-Loire de la somme de 28,43 euros. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Alors même que le centre hospitalier avait, dans ses écritures de première instance, proposé de verser une somme de 1 500 euros en réparation des souffrances endurées par Mme A..., les premiers juges, à qui il appartenait de ne mettre à la charge de cet établissement que les sommes dont il était effectivement redevable, n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité en n'accordant à la victime aucune somme au titre de ce chef de préjudice. Par suite, les moyens tirés par Mme A... de ce que le tribunal administratif aurait statué au-delà des conclusions dont il était saisi, aurait méconnu le principe du contradictoire ou se serait fondé sur un moyen d'ordre public relevé d'office sans en avertir les parties ne peuvent qu'être écartés.

Sur la responsabilité du centre hospitalier Côte de Lumière :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que Mme A... a été admise au service des urgences du centre hospitalier Côte de Lumière le 15 août 2012. Une suture a été réalisée par le médecin des urgences et l'intéressée a pu regagner son domicile. Comme elle conservait des douleurs persistantes, cette dernière a consulté, le 27 août 2012, dans une clinique spécialisée de la main et a subi, le 31 août suivant, une intervention chirurgicale réparatrice accompagnée d'une greffe veineuse pour remédier à une rupture totale du nerf collatéral cubital et de l'artère du pouce droit. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que la plaie initiale nécessitait, dès le 15 août 2012, une exploration en bloc opératoire qui aurait permis de diagnostiquer l'étendue des lésions et de procéder immédiatement à une intervention chirurgicale. L'absence d'une telle exploration a retardé de 16 jours la prise en charge de la plaie nerveuse et vasculaire que l'intéressée présentait. Alors même que le pronostic de récupération nerveuse n'était pas, en l'état des connaissances médicales, susceptible d'être affecté par le délai ainsi constaté, l'absence d'investigations plus complètes par le centre hospitalier des Sables d'Olonne n'a pas permis une prise en charge de la plaie de Mme A... conforme aux données acquises de la science. Dès lors la requérante est fondée à soutenir qu'une faute a été commise par le centre hospitalier Côte de Lumière, de nature à engager sa responsabilité et celle de la SHAM, son assureur.

Sur l'évaluation du préjudice subi :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

5. Mme A..., qui occupait un emploi à durée indéterminée en qualité d'agent polyvalent dans le secteur de la restauration, fait valoir que la blessure dont elle a été victime a entraîné un arrêt de travail du 27 août 2012, fin de ses congés annuels, jusqu'au 23 novembre 2012, date à laquelle elle a été licenciée pour inaptitude physique. Il résulte de l'instruction que l'intéressée a perçu l'intégralité de sa rémunération au cours de ses congés annuels courant jusqu'au 26 août 2012 inclus et a été placée en arrêt de maladie du 28 au 31 août 2012, période au cours de laquelle elle avait vocation à bénéficier d'une rémunération de 277,89 euros. La caisse primaire d'assurance maladie de Maine-et-Loire lui a versé pour la même période des indemnités journalières s'élevant à 28,43 euros par jour. Dans ces conditions, le préjudice lié à la perte de revenus subi par Mme A... peut être évalué à la somme de 192,60 euros (277,89 - 85,29) arrondie à 193 euros.

6. Si Mme A..., qui reste atteinte d'un déficit permanent de 1%, fait valoir que postérieurement à son licenciement pour inaptitude physique prononcé le 23 novembre 2012, elle éprouve, à raison des séquelles qu'elle conserve à la main, des difficultés pour retrouver un emploi pérenne, ce préjudice se rattache non pas au retard de prise en charge mais à l'accident initial dont elle a été victime. Il s'ensuit qu'elle n'est pas fondée à demander le versement d'une somme au titre de la perte de gains professionnels postérieure à la date de sa consolidation constatée le 31 août 2013 ni à raison de l'incidence professionnelle.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

7. Il ressort de l'expertise mentionnée ci-dessus que Mme A... a subi, au cours de la période de 16 jours durant lesquels elle n'a pas reçu de traitement approprié, un déficit fonctionnel temporaire de classe I. En évaluant à 50 euros ce chef de préjudice les premiers juges en ont fait une équitable appréciation.

8. Mme A... a supporté du fait du retard évoqué ci-dessus un surcroît de souffrance au cours de cette période de 16 jours, évaluées à 1 sur une échelle de 1 à 7 par l'expert. Il y a lieu en l'espèce de fixer à 200 euros la somme due à la requérante à ce titre.

9. L'intéressée a également été astreinte à porter, pendant une période prolongée de 16 jours, une orthèse. Il sera fait une équitable appréciation de ce préjudice en l'arrêtant à 30 euros.

10. Si la requérante se prévaut de la limitation des mouvements de la main dont elle reste affectée et qui a conduit l'expert à proposer un taux de déficit fonctionnel permanent de 1%, ce préjudice est en lien exclusif avec son accident du 15 août 2012 et non avec le retard mentionné ci-dessus. Mme A... n'est dès lors pas fondée à demander le versement d'une somme à ce titre.

11. Enfin, les cicatrices affectant Mme A... sont directement liées à son accident initial et à la nécessité de remédier aux plaies artérielle et nerveuse dont elle était atteinte. Ce préjudice ne saurait donner lieu à indemnisation.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que Mme A... est fondée à soutenir qu'en condamnant le centre hospitalier Côte de Lumière à lui verser une somme de 230 euros, le tribunal administratif de Nantes a fait une évaluation insuffisante de ses préjudices. Il y a lieu de porter les indemnités allouées à la somme de 473 euros, qui s'imputera sur la provision de 1 000 euros déjà versée par la SHAM à l'intéressée, et de réformer le jugement en ce sens.

Sur les frais liés au litige :

13. En application de l'article R.761-1 du code de justice administrative il y a lieu de laisser les frais d'expertise, tels que liquidés et taxés par le président du tribunal administratif de Nantes par une ordonnance du 29 juin 2016 à la somme de 1 000 euros, à la charge définitive et solidaire du centre hospitalier Côte de Lumière des Sables d'Olonne et de la SHAM.

14. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de Mme A... les sommes qu'elle a exposées au titre des frais non compris dans les dépens prévus à l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 230 euros que le centre hospitalier Côte de Lumière des Sables d'Olonne a été condamné à verser à Mme A... est portée à 473 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1702772 du tribunal administratif de Nantes du 13 novembre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 4 : Les frais de l'expertise sont laissés à la charge du centre hospitalier Côte de Lumière et de la SHAM.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au centre hospitalier Côte de Lumière des Sables d'Olonne, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot présidente de chambre,

- Mme C..., présidente-assesseure,

- M. Berthon, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2021

La rapporteure

C. C...

La présidente

I. Perrot

La greffière

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT00082


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00082
Date de la décision : 04/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL ATLANTIQUE AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-04;20nt00082 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award