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04/06/2021 | FRANCE | N°19NT04672

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 04 juin 2021, 19NT04672


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme J... et Arnaud A..., en leur nom et en leur qualité de représentants légaux de leurs trois enfants mineurs, ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Nantes à leur verser la somme de 169 999,02 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'accident dont leur fille Azalie a été victime le 11 mai 2015 dans l'enceinte de l'école Jacques Prévert à Nantes.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique a d

emandé à ce même tribunal de condamner la commune de Nantes à lui verser la somm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme J... et Arnaud A..., en leur nom et en leur qualité de représentants légaux de leurs trois enfants mineurs, ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Nantes à leur verser la somme de 169 999,02 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'accident dont leur fille Azalie a été victime le 11 mai 2015 dans l'enceinte de l'école Jacques Prévert à Nantes.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Loire-Atlantique a demandé à ce même tribunal de condamner la commune de Nantes à lui verser la somme de 15 369,74 euros au titre des débours exposés pour Azalie A... et 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1603771 du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 décembre 2019, 20 mai 2020 et 30 juillet 2020 M. et Mme A..., en leur nom et en leur qualité de représentants légaux de leurs trois enfants mineurs, représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 octobre 2019 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de condamner la commune de Nantes à leur verser la somme de 169 999,02 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2016, date de réception de leur réclamation préalable, et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre les dépens à la charge de la commune de Nantes, ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité de la commune de Nantes est engagée en raison d'une faute dans l'organisation du service d'accueil périscolaire, Azalie n'ayant pas été suffisamment surveillée pendant l'activité périscolaire ;

- la responsabilité de la commune de Nantes est également engagée en raison du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public constitué par la structure de jeux d'où Azalie a chuté, la commune de Nantes n'apportant pas la preuve de cet entretien, en particulier des sols, ni de l'absence de vice de conception de cet ouvrage ;

- ils ont droit aux indemnités suivantes : 107 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 217 euros au titre des frais divers restés à leur charge, 17 472 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne, 2 237,23 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 45 000 euros au titre des souffrances endurées, 15 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 24 250 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 715,79 euros au titre des pertes de revenus des proches, 30 000 euros au titre du préjudice d'affection de M. et Mme A..., 30 000 euros au titre du préjudice d'affection d'Alice et Emma A..., soeurs d'Azalie.

Par des mémoires enregistrés les 24 janvier et 25 juin 2020 la CPAM de la Loire-Atlantique, représentée par Me I..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 octobre 2019 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de condamner la commune de Nantes à lui verser la somme de 15 369,74 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de cette collectivité la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et celle de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la commune de Nantes est engagée en raison d'une faute dans l'organisation du service d'accueil périscolaire et d'un défaut d'entretien normal de l'aire de jeux ;

- elle est fondée à obtenir le remboursement par la commune des débours qu'elle a exposés à la suite de l'accident d'Azalie.

Par des mémoires en défense enregistrés les 3 avril 2020, 21 juillet 2020 et 23 février 2021 (ce dernier n'ayant pas été communiqué) la commune de Nantes, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête de M. et Mme A... et des conclusions de la CPAM de la Loire-Atlantique, à ce que l'association Nantes action périscolaire (NAP) la garantisse d'une éventuelle condamnation et à ce que soit mise à la charge de M. et Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions de la CPAM de la Loire-Atlantique sont tardives et donc irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. et Mme A... et par la CPAM de la Loire-Atlantique ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 10 novembre 2020 l'association Nantes action périscolaire (NAP), représentée par Me E..., conclut au rejet de l'appel en garantie formé par la commune de Nantes et à que soit mise à la charge de cette commune la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'accident est dû à un défaut d'entretien normal de l'aire de jeux et qu'aucune faute dans la surveillance des enfants ne peut lui être reprochée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n°96-1136 du 18 décembre 1996 ;

- l'arrêté du 4 décembre 2020 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de Me F..., représentant M. et Mme A..., de Me I..., représentant la CPAM de la Loire-Atlantique et de Me E..., représentant l'association NAP.

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 mai 2015, l'enfant C... A..., alors âgée de trois ans, a chuté d'une structure de jeux de type " filet-tobbogan " installée dans la cour de récréation de l'école Jacques Prévert, à Nantes. Une fracture de la diaphyse fémorale droite a été diagnostiquée. M. et Mme A..., ses parents, ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Nantes à leur verser la somme de 169 999,02 euros en réparation de leurs préjudices. La CPAM de la Loire-Atlantique, appelée à la cause, a demandé que la commune soit condamnée à lui rembourser ses débours, à hauteur de 15 369,74 euros. Par un jugement du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ces demandes. M. et Mme A..., ainsi que la CPAM de la Loire-Atlantique, relèvent appel de ce jugement.

Sur la responsabilité de la commune de Nantes :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

2. Aux termes de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles : " La protection des mineurs, dès leur inscription dans un établissement scolaire en application de l'article L. 113-1 du code de l'éducation, qui bénéficient hors du domicile parental, à l'occasion des vacances scolaires, des congés professionnels ou des loisirs, d'un mode d'accueil collectif à caractère éducatif entrant dans une des catégories fixées par décret en Conseil d'Etat, est confiée au représentant de l'Etat dans le département. Ce décret définit, pour chaque catégorie d'accueil, la réglementation qui lui est applicable, et les conditions dans lesquelles un projet éducatif doit être établi. (...) ". Aux termes de l'article R. 227-1 de ce code : " Les accueils mentionnés à l'article L. 227-4 (...) sont répartis dans les catégories ainsi définies : (...) II.- Les accueils sans hébergement comprenant : 1° L'accueil de loisirs de sept mineurs au moins, en dehors d'une famille, pendant au moins quatorze jours consécutifs ou non au cours d'une même année sur le temps extrascolaire ou périscolaire pour une durée minimale de deux heures par journée de fonctionnement. Il se caractérise par une fréquentation régulière des mineurs inscrits auxquels il offre une diversité d'activités organisées ; L'accueil de loisirs extrascolaire est celui qui se déroule les jours où il n'y a pas école. L'effectif maximum accueilli est de trois cents mineurs. L'accueil de loisirs périscolaire est celui qui se déroule les jours où il y a école (...). ". Aux termes de l'article R. 227-16 de ce code : " Pour l'encadrement des enfants en accueils de loisirs périscolaires, lorsqu'il relève des dispositions de l'article L. 227-4, l'effectif minimum des personnes exerçant des fonctions d'animation est fixé comme suit : 1° Un animateur pour dix mineurs âgés de moins de six ans ; 2° Un animateur pour quatorze mineurs âgés de six ans ou plus. ".

3. Il résulte de l'instruction que, le 11 mai 2015, trente-cinq enfants étaient accueillis par le service d'accueil périscolaire, encadrés par quatre animateurs, et que dix de ces enfants pratiquaient une activité de jeu libre dans la cour de l'école, un animateur étant chargé de surveiller cette activité. Les normes d'encadrement imposées par les dispositions précitées étaient donc respectées. En outre, et eu égard à la nature de l'activité en cause, comportant, même bien menée et encadrée, des risques de chute, et à l'existence d'un aléa inhérent au comportement des jeunes enfants, il n'est pas établi que la chute d'Azalie, alors même qu'elle s'est produite en dehors du regard d'un adulte, serait due à un défaut de surveillance ou une carence dans l'organisation du service. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la commune de Nantes aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne la responsabilité pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage :

4. L'annexe au décret du 18 décembre 1996 fixant les prescriptions de sécurités relatives aux aires collectives de jeux, applicable à l'espèce, prévoit : " 4. Entretien et maintenance : a) Les exploitants ou gestionnaires doivent élaborer un plan d'entretien de l'aire de jeux et un plan de maintenance des équipements qui y sont implantés et respecter ces plans. Ces derniers doivent mentionner le nom ou la raison sociale du ou des organismes chargés de les exécuter ainsi que la nature et la périodicité des contrôles à effectuer ; b) Les exploitants ou gestionnaires doivent organiser l'inspection régulière de l'aire de jeux et de ses équipements, pour en vérifier l'état et pour déterminer les actions de réparation et d'entretien qui doivent être entreprises. La nature et la fréquence des inspections doivent être fonction, notamment, des instructions du fabricant, du degré de fréquentation de l'aire de jeux et des conditions climatiques ; (...) ".

5. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

6. D'une part, il résulte de l'instruction, et en particulier des photographies produites par les parties de l'ensemble " filet-tobbogan " installé en 1998, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, un garde-corps est présent au niveau de la plateforme, face à l'escalier. Si un espace vide se trouve sous ce garde-corps, il permet le passage des enfants d'un élément à l'autre de la structure, conformément à la destination de l'ouvrage, sans pour autant présenter un caractère de particulière dangerosité. Dès lors, aucun vice de conception n'affecte cet ouvrage.

7. D'autre part, la commune de Nantes justifie que le jeu en cause a été contrôlé le 5 août 2014 par un bureau de contrôle et les 15 janvier et 26 juin 2015 par ses services techniques, en fonction d'un plan de maintenance dont la fréquence n'est pas contestée par les requérants. Ces différentes inspections ont conclu à un état satisfaisant du jeu, notamment de son sol synthétique amortissant, et n'ont prescrit que des mesures d'entretien courant sans rapport avec la sécurité des usagers. Dans ces conditions, la commune de Nantes doit être regardée comme apportant la preuve de l'entretien normal de l'équipement public en cause.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions présentées par la CPAM de la Loire-Atlantique, que M. et Mme A... et cet organisme social ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Sur l'appel en garantie :

9. Aucune condamnation n'étant prononcée par le présent arrêt à l'encontre de la commune de Nantes, les conclusions aux fins d'appel en garantie présentées par celle-ci à l'encontre de l'association Nantes action périscolaire sont dépourvues d'objet.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A... les frais d'expertise engagés dans le cadre de la présente instance, taxés et liquidés par l'ordonnance du 9 novembre 2016 du président du tribunal administratif de Nantes à la somme de 1 000 euros.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Nantes, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. et Mme A..., à la CPAM de la Loire-Atlantique et à l'association NAP les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A... la somme demandée au même titre par la commune de Nantes.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... et les conclusions présentées par la CPAM de la Loire-Atlantique sont rejetées.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la commune de Nantes.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés par l'ordonnance du 9 novembre 2016 du président du tribunal administratif de Nantes à la somme de 1 000 euros, sont mis à la charge de M. et Mme A....

Article 4 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme J... A..., à la CPAM de la Loire-Atlantique, à la commune de Nantes et à l'association NAP.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- Mme Brisson, présidente assesseure

- M. H..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2021.

Le rapporteur,

E. H...La présidente,

I. Perrot

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04672


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04672
Date de la décision : 04/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL CADRAJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-04;19nt04672 ?
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