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26/05/2021 | FRANCE | N°20NT01830

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 26 mai 2021, 20NT01830


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E..., agissant en tant que représentante légale de l'enfant C... G... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 31 juillet 2019 du consul général de France à Alger (Algérie) refusant de délivrer l'enfant C... G... un visa de long séjour, ainsi que cette décision.

Par un jugement n° 2000752 du 4 jui

n 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E..., agissant en tant que représentante légale de l'enfant C... G... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 31 juillet 2019 du consul général de France à Alger (Algérie) refusant de délivrer l'enfant C... G... un visa de long séjour, ainsi que cette décision.

Par un jugement n° 2000752 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2020, Mme F... E..., agissant en tant que représentante légale de l'enfant C... G... B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 juin 2020 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision consulaire de refus de visa et la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du 31 juillet 2019 du consul général de France à Alger (Algérie) refusant de délivrer à l'enfant C... G... B... un visa de long séjour, ainsi que cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le mémoire en défense du ministre a été communiqué, alors que l'instruction était close, et sans que ne soit intervenue une ordonnance de réouverture de l'instruction ; le mémoire en défense, produit le 24 avril 2020, soit 15 jours après la clôture de l'instruction, ne lui a pas été communiqué dans un délai suffisant pour lui permettre de répondre utilement avant l'audience, fixée le 14 mai 2020 ; elle n'a pas eu de réponse à sa demande de renvoi ; le jugement attaqué n'a pas répondu au moyen tiré de l'irrecevabilité du mémoire en défense ; le jugement méconnaît, pour toutes ces raisons, les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;

- les décisions contestées sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation ;

- les décisions contestées méconnaissent les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- les décisions contestées méconnaissent les stipulations des articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé ;

Mme F... E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... E..., ressortissante français née le 2 décembre 1970, s'est vu confier l'enfant C... G... B..., ressortissante algérienne né le 27 novembre 2015, dont elle est la tante, par un acte de recueil légal (Kafala) du 6 novembre 2018 de la présidente de la section aux affaires familiales du tribunal de Hussein Dey (Algérie). Les autorités consulaires françaises à Alger ayant refusé de délivrer à l'enfant l'enfant C... G... B... un visa de long séjour par une décision du 31 juillet 2019, elle a formé un recours devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Ce recours a été implicitement rejeté par la commission. Le recours formé par Mme F... E... contre ces décisions a été rejeté par un jugement du 4 juin 2020 du tribunal administratif de Nantes. Mme F... E... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Par suite, en décidant de verser au contradictoire après la clôture de l'instruction le mémoire en défense du ministre qui a été produit après celle-ci, le président de la formation de jugement du tribunal administratif, qui doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction, n'a pas entaché le jugement attaqué d'irrégularité.

3. En second lieu, le juge, auquel il incombe de veiller à la bonne administration de la justice, n'a aucune obligation de faire droit à une demande de délai supplémentaire formulée par une partie pour produire un mémoire et peut, malgré cette demande, mettre au rôle l'affaire, hormis le cas où des motifs tirés des exigences du débat contradictoire l'imposeraient. Il n'a pas davantage à motiver le refus qu'il oppose à une telle demande. Aucune disposition du code de justice administrative ne lui impose de viser cette demande de délai supplémentaire.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... a reçu, le 24 avril 2020, communication du mémoire en défense du ministre de l'intérieur, alors que son affaire était mise au rôle de l'audience du tribunal administratif du 14 mai 2020. Contrairement à ce qu'elle soutient, elle a ainsi disposé d'un délai raisonnable pour en prendre connaissance et, le cas échéant, y répondre. Dès lors, si Mme E... a formulé devant le tribunal, le 4 mai 2020, une demande visant à obtenir un délai supplémentaire pour produire un mémoire ainsi que le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure, aucun motif tiré des exigences du débat contradictoire n'imposait au président de la formation de jugement d'y faire droit. Dans ces conditions, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière et en méconnaissance des stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, prise sur recours préalable obligatoire, s'est substituée à la décision consulaire du 31 juillet 2019. Il suit de là que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme E... doivent être regardées comme étant dirigées contre la seule décision de la commission de recours et les moyens dirigés contre la décision de l'autorité consulaire doivent être écartés comme inopérants.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... a demandé la communication des motifs de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté sa demande. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision implicite ne peut qu'être écarté.

8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces que la décision contestée serait entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de Mme E... et de l'enfant C... G... B....

9. En quatrième lieu, aux termes de de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations (...) ".

10. Il ne ressort, ni des pièces du dossier, ni des écritures en défense du ministre, que la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France serait fondée sur le caractère incomplet de la demande de visa. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir qu'en rejetant sa demande sans l'inviter préalablement à la compléter, la commission a méconnu les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration.

11. En cinquième lieu, l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale. Ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions qui viennent d'être indiquées, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille. En revanche et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt.

12. Il ressort du mémoire en défense produit en première instance par le ministre de l'intérieur que, pour rejeter la demande de visa, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'absence de ressources financières suffisantes de Mme E... pour pouvoir garantir des conditions de vie satisfaisantes à sa nièce, Dounia G... B..., qu'elle entendait accueillir, ainsi que sur l'absence de relations affectives avec cette dernière.

13. Le ministre allègue, sans être contredit, qu'à la date de la décision contestée, Mme E..., qui n'a jamais exercé d'activité professionnelle, percevait des revenus composés de l'aide au logement, d'une prime d'activité et du revenu de solidarité d'un montant mensuel total de 1 128 euros. Mme E..., qui loue un appartement composé de deux chambres, est mère de trois enfants, dont le dernier est à sa charge. Par ailleurs, si Mme E... rend visite à l'enfant en Algérie, elle n'établit pas contribuer à l'entretien ou à l'éducation de l'enfant, qui vit avec ses parents et son frère, âgé de 24 mois. Elle ne justifie pas mieux avoir développé des liens personnels avec sa nièce, ni que les parents de l'enfant ne pourraient pas la prendre en charge dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de délivrer le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2021.

Le rapporteur,

A. A...Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT01830


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01830
Date de la décision : 26/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : GIRSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-05-26;20nt01830 ?
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