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21/05/2021 | FRANCE | N°20NT02936

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 21 mai 2021, 20NT02936


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... et Mme E... C... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre une décision implicite des autorités consulaires françaises à Alger refusant de délivrer à M. B... un visa de long séjour en France en qualité de conjoint de Français.

Par un jugement n° 1911013 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes

a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... et Mme E... C... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre une décision implicite des autorités consulaires françaises à Alger refusant de délivrer à M. B... un visa de long séjour en France en qualité de conjoint de Français.

Par un jugement n° 1911013 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 septembre 2020 sous le n°20NT02936 et un mémoire enregistré le 18 février 2021, M. B... et Mme C... épouse B..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 juin 2020 ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à M. B... ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme B..., qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- M. B... ne représente pas une menace à l'ordre public ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation de la réalité de leurs liens matrimoniaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... et Mme C... épouse B... ne sont pas fondés.

Mme C... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 août 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me D..., représentant M. B... et Mme C... épouse B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et Mme C... épouse B... relèvent appel du jugement du 4 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé le 17 juin 2019 contre une décision des autorités consulaires françaises à Alger refusant de délivrer à M. B... un visa de long séjour en France sollicité en qualité de conjoint de Français le 9 décembre 2018.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France :

2. M. B..., ressortissant algérien né le 5 février 1995, est entré en France irrégulièrement le 12 février 2016. Sa demande d'asile a été rejetée. Il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 5 juillet 2017. Il a épousé Mme C..., ressortissante française née le 2 janvier 1978, le 12 octobre 2018 à Bordeaux. M. B... a déposé une demande de visa le 9 décembre 2018, implicitement rejetée par l'autorité consulaire française à Alger. Le recours préalable obligatoire formé le 17 juin 2019 contre cette décision a été également implicitement rejeté par la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France.

3. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article ". En application de ces dispositions, il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français, dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire, le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. La circonstance que l'intention matrimoniale d'un des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle, à elle seule, à ce qu'une telle fraude soit établie.

4. Il résulte des écritures en défense du ministre devant le tribunal administratif et reprises en appel que la décision de refus de visa est fondée sur l'existence d'une menace à l'ordre public et sur l'absence de vie commune et de réalité du lien matrimonial.

5. En premier lieu, pour établir l'absence de sincérité du lien matrimonial, le ministre de l'intérieur fait valoir que les circonstances de la rencontre entre les deux époux, que ces derniers situent au début de l'année 2018, soit quelques mois après l'édiction à l'encontre de M. B... d'une obligation de quitter le territoire, ne sont pas précisées, qu'ils ont contracté mariage en octobre 2018 peu de temps après leur rencontre et que les preuves de vie commune sont insuffisantes. Il ressort des attestations de deux membres de la famille de Mme C... épouse B... ainsi que d'un courrier EDF daté de mai 2018, que M. et Mme B... cohabitent vraisemblablement depuis cette date. Si ces éléments sont essentiellement déclaratifs ils sont toutefois concordants avec les indications données par M. B... et Mme C... épouse B.... Les attestations de plusieurs proches de Mme C... épouse B... attestent d'une relation nouée au cours de l'année 2018. Il ressort également des pièces du dossier que Mme C... épouse B... a séjourné à Alger en mars 2019, au domicile des parents de M. B.... Ces circonstances ne permettent pas d'écarter l'existence d'une relation matrimoniale à la date de la décision attaquée, nonobstant l'absence de précision apportée par les intéressés sur les conditions de leur rencontre et la situation de M. B... au regard de son droit au séjour en France. Dans ces conditions, faute d'indices suffisamment précis et concordants attestant du caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter l'établissement en France de M. B..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.

6. En second lieu, pour établir la menace à l'ordre public que représenterait M. B..., le ministre fait valoir la condamnation prononcée le 11 mai 2016 par le tribunal correctionnel de Bordeaux, à une peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis pour vol avec violence n'ayant pas entraîné d'ITT, ainsi qu'à une amende de 300 euros pour vol en réunion commis le 7 août 2016. Ces faits, bien que non dénués de gravité, ne sont toutefois pas suffisants en l'espèce pour faire regarder M. B... comme constituant une menace à l'ordre public.

7. Dans ces conditions, la commission a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. B... le visa qu'il sollicitait en qualité de conjoint de français.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que le ministre de l'intérieur délivre à M. B... un visa d'entrée et de long séjour en France, sous réserve d'un changement dans la situation de droit et de fait des intéressés et des conditions énoncées par le décret du 30 janvier 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

10. Mme B... épouse C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me D... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes et la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France refusant à M. B... un visa d'entrée et de long séjour sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. B... un visa d'entrée et de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera 1 200 euros à Me D... dans les conditions prévues à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... épouse B..., à M. F... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme A..., présidente assesseur,

- M. Lhirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2021.

Le rapporteur,

H. A...

Le président,

A. PÉREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02936


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02936
Date de la décision : 21/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. Entrée en France. Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : JOUTEAU CHRISTELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-05-21;20nt02936 ?
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