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21/05/2021 | FRANCE | N°20NT00203

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 21 mai 2021, 20NT00203


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 19 octobre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier Aunay-Bayeux l'a suspendu de ses fonctions à compter du 20 octobre 2018.

Par un jugement n°1802692 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 20 janvier et 20 mai 2020 M. A..., représenté par Me B..., demande à la cou

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1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 21 novembre 2019 ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 19 octobre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier Aunay-Bayeux l'a suspendu de ses fonctions à compter du 20 octobre 2018.

Par un jugement n°1802692 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 20 janvier et 20 mai 2020 M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 21 novembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision contestée du 19 octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier Aunay-Bayeux de le réintégrer dans ses fonctions dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Aunay-Bayeux la somme de 2 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure est irrégulière dès lors que le directeur du centre hospitalier n'a pas informé immédiatement le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers de sa décision de suspension ;

- les premiers juges ont à tort appliqué les dispositions de l'article 30 de la loi du 30 juillet 1983 qui ne concernent pas les praticiens hospitaliers ;

- la décision méconnait l'article L. 6143-7 du code de la santé et a fait une mauvaise appréciation des circonstances de l'espèce.

Par un mémoire enregistré le 20 avril 2020 le centre hospitalier Aunay-Bayeux, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le 15 avril 2021 les parties ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'incompétence du directeur du centre hospitalier d'Aunay-Bayeux pour prendre la décision en litige en l'absence de circonstances exceptionnelles de nature à mettre en péril la continuité du service et la sécurité des patients.

Un mémoire a été présenté le 21 avril 2021 par le centre hospitalier d'Aunay-Bayeux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... exerce depuis le 1er septembre 2001 au sein du centre hospitalier d'Aunay-Bayeux en qualité de praticien hospitalier. A la suite du décès d'une patiente survenu le 22 septembre 2018 des suites d'une hémorragie sur grossesse extra-utérine M. A..., qui était de garde ce jour-là, a, par une décision du 19 octobre 2018, été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire à compter du 20 octobre 2018 par le directeur du centre hospitalier. Par un jugement du 21 novembre 2018 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande présentée par celui-ci et tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. S'il appartient, en cas d'urgence, au directeur général de l'agence régionale de santé compétent de suspendre, sur le fondement de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, le droit d'exercer d'un médecin qui exposerait ses patients à un danger grave, le directeur d'un centre hospitalier, qui, aux termes de l'article L. 6143-7 du même code, exerce son autorité sur l'ensemble du personnel de son établissement, peut toutefois, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, décider lui aussi de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d'un praticien hospitalier au sein du centre, à condition d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné.

3. Il ressort des pièces du dossier que la patiente admise en urgence au centre hospitalier d'Aunay-Bayeux le 22 septembre 2018 à 12h30 à raison de vives douleurs abdominales y est décédée le jour même à 19h30 après une intervention chirurgicale en urgence pratiquée tardivement. Si cet accident a donné lieu, dès le lendemain, à une déclaration d'événement indésirable auprès de l'ARS par le centre hospitalier, le comité de retour d'expérience appelé à reconstituer la chronologie de la prise en charge de la patiente et à en apprécier la conformité aux règles de l'art ne s'est réuni que les 10 et 11 octobre 2018, son rapport n'étant communiqué à la direction de l'établissement hospitalier que le 12 octobre suivant, et la décision de suspension n'a été prise que le 19 octobre. Dans ces conditions, la survenue du décès de la patiente, pour dramatique qu'elle ait été, ne peut être regardée comme ayant révélé des circonstances exceptionnelles mettant en péril la continuité du service et la sécurité des patients.

4. Il suit de là que, à supposer même que le comportement professionnel du Dr A... ait été depuis un certain temps déjà à l'origine de difficultés dans le service, le directeur du centre hospitalier d'Aunay-Bayeux, en attendant quatre semaines avant de prononcer la suspension à titre conservatoire de M. A..., a fait une inexacte application des principes énoncés au point 2.

5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif de l'annulation prononcée par le présent arrêt de la décision du 19 octobre 2018, laquelle a été abrogée à compter du 6 avril 2020 par une décision du directeur du centre hospitalier prise le 2 avril 2020, il y a en l'espèce seulement lieu d'enjoindre au centre hospitalier de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais du litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par le centre hospitalier d'Aunay-Bayeux au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

8. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier d'Aunay Bayeux le versement de la somme de 1 500 euros qui sera versée à M A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1802692 du 21 novembre 2019 du tribunal administratif de Caen et la décision n° 2018/39 du 19 octobre 2018 du directeur du centre hospitalier d'Aunay-Bayeux sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier d'Aunay-Bayeux versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier d'Aunay Bayeux au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au centre hospitalier d'Aunay-Bayeux.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot président de chambre,

- Mme C..., président-assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2021.

Le rapporteur

C. C...

Le président

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT00203


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00203
Date de la décision : 21/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-05-21;20nt00203 ?
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