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19/05/2021 | FRANCE | N°20NT01376

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 mai 2021, 20NT01376


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B... et Mme F... A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le département du Finistère à indemniser Mme C... A... B... de ses préjudices résultant d'un accident de la circulation dont elle a été victime au Sénégal le 12 juillet 2008, dans le cadre d'un " séjour de rupture ", et de condamner le département du Finistère, avec garantie de son assureur la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales, à leur verser une provision de 50 000 euros en r

éparation des préjudices subis par Mme C... A... B... et une somme de 5 000 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B... et Mme F... A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le département du Finistère à indemniser Mme C... A... B... de ses préjudices résultant d'un accident de la circulation dont elle a été victime au Sénégal le 12 juillet 2008, dans le cadre d'un " séjour de rupture ", et de condamner le département du Finistère, avec garantie de son assureur la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales, à leur verser une provision de 50 000 euros en réparation des préjudices subis par Mme C... A... B... et une somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis par sa mère Mme F... A... B..., d'ordonner par un jugement avant-dire droit une expertise médicale aux fins d'évaluer les préjudices subis, et à titre subsidiaire de condamner le département du Finistère à leur verser une somme de 82 456 euros au titre des préjudices subis par Mme C... A... B... et une somme de 8 000 euros au titre des préjudices de sa mère.

Par un jugement n° 1801631 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Rennes a, en premier lieu, condamné le département du Finistère à verser à Mme C... A... B... la somme de 47 975 euros, sous déduction, le cas échéant, de toutes indemnisations dont l'intéressée aurait pu bénéficier, de la part de la société Axa Sénégal, assureur du véhicule accidenté et de l'association sénégalaise JCLTIS ou de la société Groupama, assureur de l'association ADSEA, en deuxième lieu, condamné la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales à garantir le département du Finistère à hauteur de 100 % des condamnations prononcées, et en troisième lieu, mis à la charge du département du Finistère la somme de 1 500 euros à verser à Mme C... A... B... et Mme F... A... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 21 avril 2020, le 18 mai 2020 et le 3 novembre 2020, la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1801631 du tribunal administratif de Rennes du 5 mars 2020 en tant qu'il l'a condamnée à garantir le département du Finistère des condamnations mises à sa charge ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter sa responsabilité au titre de la garantie individuelle à la somme de 2 000 euros tous préjudices confondus ;

3°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a statué ultra petita ; le tribunal administratif de Rennes a alloué à Mme C... A... B... des sommes supérieures, pour certains postes de préjudices, aux sommes qui étaient demandées ;

- il n'existe aucun lien de causalité entre les fautes commises par le département et l'accident dont a été victime Mme C... A... B... :

o Mme A... B... aurait subi les mêmes préjudices consécutifs à son accident si le département avait souscrit une assurance couvrant l'ensemble des dommages ;

o sa garantie au titre du contrat d'assurance responsabilité du département ne pouvait être mobilisée intégralement dès lors que l'assurance souscrite par l'association organisatrice du voyage aurait due être mobilisée en premier lieu ;

- à titre subsidiaire, les sommes mises à sa charge doivent être limitées en application des articles 1.13 et 4.-3 du contrat d'assurance souscrit par le département du Finistère à un montant maximum de 2 000 euros ; l'insuffisance de la couverture assurantielle résulte d'une mauvaise définition de ses besoins par le département et ne saurait la contraindre à garantir le département de l'ensemble des sommes mises à sa charge ;

- en tout état de cause, les sommes accordées par le tribunal administratif de Rennes à Mme A... B... doivent être réduites au regard des indemnisations habituellement accordées par les juridictions administratives et ne sauraient excéder 29 337 euros, somme dont doit être déduites les sommes perçues de la part de la société Axa Sénégal, assureur du véhicule accidenté, et de la société Groupama, assureur de l'association ADSEA ;

- les préjudices invoqués par Mme F... A... B... ne sont pas en lien direct avec la faute commise par le département.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 juillet 2020 et le 14 septembre 2020, Mme C... A... B... et Mme F... A... B..., représentées par Me G..., demandent à la cour :

1°) par la voie de l'appel provoqué, de réformer le jugement n° 1801631 du tribunal administratif de Rennes du 5 mars 2020 en tant qu'il a limité à 47 975 euros la somme mise à la charge du département du Finistère au profit de Mme C... A... B... ;

2°) à titre principal, d'ordonner avant dire droit une expertise confiée à un neurologue et condamner le département du Finistère, avec garantie de la SMACL, à verser une provision de 50 000 euros à Mme C... A... B... et une provision de 5 000 euros à Mme F... A... B... ;

3°) à titre subsidiaire, le condamner le département du Finistère à verser :

- la somme de 90 731 euros à Mme C... A... B... ;

- la somme de 8 000 euros à Mme F... A... B....

4°) de mettre à la charge du département du Finistère la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur demande devant le tribunal administratif de Rennes était bien recevable, ne méconnaissait pas l'autorité de la chose jugée et n'était pas prescrite ;

- le jugement du tribunal administratif de Rennes est insuffisamment motivé puisque le tribunal administratif de Rennes a n'a pas répondu, sans motivation, à leurs demandes principales, à savoir la demande d'expertise médicale avant-dire droit et la demande de provisions ;

- la responsabilité pour faute du département du Finistère est engagée :

o la responsabilité du département est engagée du fait d'un défaut d'organisation du service, le département ayant confié des mineurs à des personnes n'offrant pas toutes les garanties de sérieux ;

o la responsabilité du département est engagée du fait du défaut de souscription d'une assurance disposant d'une couverture suffisante, de nature à assurer un niveau de protection similaire à celui applicable sur le territoire français ; compte tenu des conditions d'indemnisation restreintes, la couverture souscrite auprès de la SMACL était insuffisante ;

o la responsabilité du département est engagée du fait d'un défaut de prudence et de maitrise à l'origine de l'accident de la part du chauffeur du véhicule accidenté ;

o la responsabilité du département est engagée du fait du contrôle exercé sur l'Association pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence en Finistère et du défaut d'habilitation pour recevoir des jeunes au sein du dispositif d'accueil diversifié ;

o la responsabilité du département est fondé sur la responsabilité du gardien, régime hybride de responsabilité ; ce régime peut bénéficier à la victime malgré sa qualité d'usager du service public ;

- en ce qui concerne le lien de causalité :

o le préjudice subi par Mme C... A... B... consiste en une perte de chance d'être indemnisée de façon correcte des conséquences de l'accident ;

o contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Rennes, certains des préjudices de Mme F... A... B... sont bien en lien avec la faute commise par le département, Mme A... B... ayant servi de tierce personne à sa fille qui n'était pas suffisamment indemnisée pour payer les prestations d'une aide à domicile ;

- en ce qui concerne les préjudices :

o à titre principal, une expertise avant-dire droit doit être ordonnée en application des dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative pour examiner l'existence notamment d'un préjudice résultant du retentissement sur le plan professionnel et la détermination de ce qui relève d'un éventuel état antérieur ;

o dans l'attente des résultats de cette expertise avant-dire droit, une provision de 50 000 euros doit être accordée à Mme C... A... B... et une provision de 5 000 euros à Mme F... A... B... ;

o à titre subsidiaire, leurs préjudices doivent être liquidés en l'état :

* le préjudice professionnel de Mme C... A... B... doit être indemnisé à hauteur de 40 000 euros ; son déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé à hauteur de 9 975 euros ; son déficit fonctionnel permanent de 10 % doit être indemnisé à hauteur de 23 000 euros ; les souffrances endurées doivent être indemnisées à hauteur de 10 000 euros ; son préjudice esthétique doit être indemnisé à hauteur de 3 000 euros ; les frais restés à sa charge devant être indemnisés s'élèvent à la somme globale de 5 256 euros ;

* Mme F... A... B... doit se voir attribuer une indemnité de 8 000 euros au titre de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux ;

- la SMACL devra garantir le département en application du contrat souscrit le 1er G... 2004 ; les limitations ou exclusions prévues par ce contrat ne leur sont pas opposables en leur qualité de tiers ; la limitation de garantie prévue par l'article 4 du contrat ne s'applique pas puisque l'assureur n'est pas condamné à garantir les dommages subis de l'accident mais les dommages résultant de la perte de chance sérieuse pour Mme C... A... B... de voir indemniser correctement l'ensemble de ses préjudices en l'absence de souscription d'une garantie suffisante par le département du Finistère.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 août 2020 et le 13 G... 2021, le département du Finistère, représenté par Me H..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la SMACL et les conclusions de Mmes A... B... ;

2°) par la voie de l'appel provoqué, d'annuler l'article 1er du jugement n° 1801631 du 5 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à Mme C... A... B... la somme de 47 975 euros et de rejeter les demandes de Mmes A... B... devant le tribunal administratif de Rennes ou, subsidiairement, de limiter les sommes allouées à Mmes A... B... au montant global de 23 434 euros et de condamner la SMACL à le garantir à 100 % des condamnations prononcées ;

3°) de mettre à la charge de la SMACL la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, le tribunal administratif de Rennes a statué ultra petita en faisant droit à certains postes de préjudice de manière plus importante que ce qui était demandé ;

- à titre subsidiaire, en ce qui concerne l'appel de la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales, la garantie prévue dans le contrat d'assurance prévoit une garantie du département à hauteur de 100 % ; l'article 1.13 du contrat invoqué par la SMACL n'est pas applicable dans le cadre de la mise en oeuvre de la garantie, les fautes reprochées par le tribunal administratif de Rennes résultant d'un défaut de vérification de la couverture d'assurance dont bénéficiait Mme A... B... et d'un défaut de contrôle de l'association, fautes différentes de la survenance de l'accident et des fautes couvertes par l'article 1.3 du contrat ;

- aucun autre fondement de responsabilité à son encontre ne peut être retenu ;

- en ce qui concerne les préjudices invoqués :

o Mme F... A... B... ne présente pas de préjudice propre en lien avec la faute reconnue par le tribunal administratif ;

o plusieurs des préjudices invoqués par Mme C... A... B..., notamment quant à l'incidence professionnelle, ne sont pas établis.

Vu le courrier du 1er décembre 2020 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

L'instruction a été close au 19 G... 2021, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code des assurances ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I..., première conseillère,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant le département du Finistère.

Considérant ce qui suit :

1. La jeune C... A... B..., née en décembre 1991, a été confiée au service de l'aide sociale à l'enfance du département du Finistère pour un accueil provisoire entre le 26 juin 2008 et le 1er octobre 2008. Le département a confié la garde de la jeune C... à l'Association départementale de sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence (ADSEA) du Finistère, pour l'organisation d'un " séjour de rupture " au Sénégal, en lien avec une association sénégalaise partenaire de l'ADSEA, dénommée " Jeunesse, Culture, Loisirs, Technique, Interventions Sociales " (JCLTIS). Le 12 juillet 2008, alors que la jeune C... se trouvait à bord d'un véhicule appartenant à l'association sénégalaise JCLTIS, conduit par un membre de celle-ci, elle a été victime, au Sénégal, d'un grave accident de la route ayant entrainé, notamment, un traumatisme crânien. C... Le B... a été rapatriée en France le 15 juillet 2008 pour être prise en charge par le centre hospitalier régional de Brest jusqu'au 25 juillet 2008, puis dans un centre de rééducation pour enfants jusqu'en mars 2009. Le 14 décembre 2015, Mme C... A... B... et sa mère, Mme F... A... B..., ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation, sur le fondement de la responsabilité sans faute, du département du Finistère à les indemniser des préjudices résultant de l'accident survenu au Sénégal le 12 juillet 2008 et à ce que l'assureur du département, la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), garantisse le département des condamnations prononcées. Par un jugement du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mmes C... et F... A... B.... Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 25 octobre 2019. Postérieurement au jugement du tribunal administratif de Rennes, Mmes A... B... ont saisi le département du Finistère d'une nouvelle demande indemnitaire préalable fondée sur la responsabilité pour faute du département. Après rejet de leur demande par une décision du président du conseil départemental du 26 février 2018, Mme C... A... B... et Mme F... A... B... ont saisi le tribunal administratif de Rennes d'une nouvelle demande tendant à la condamnation du département du Finistère. Par un jugement du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Rennes a condamné le département à verser à Mme C... A... B... la somme de 47 975 euros, sous déduction, le cas échéant, de toutes indemnisations dont l'intéressée aurait pu bénéficier, de la part de la société Axa Sénégal, assureur du véhicule, et de l'association sénégalaise JCLTIS ou de la société Groupama, assureur de l'association ADSEA. Par l'article 2 du même jugement, le tribunal administratif de Rennes a condamné la SMACL à garantir le département du Finistère à hauteur de 100 % des condamnations prononcées à l'article 1er du jugement. La SMACL relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à garantir en totalité le département du Finistère.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si la SMACL invoque la circonstance que certains postes de préjudice de Mme C... A... B... ont été évalués par les premiers juges à des sommes supérieures à celles demandées à ce titre par l'intéressée, elle n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Rennes aurait statué au-delà des conclusions dont il était saisi dès lors que le montant total des indemnités allouées à Mme C... A... B... par le jugement, soit 47 975 euros, n'a pas excédé la totalité des demandes qu'elle a présentées en première instance, s'élevant à 82 456 euros.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'appel principal de la SMACL :

3. En premier lieu, comme le soutient la SMACL, il n'existe pas de lien de causalité entre la faute du département retenue par les premiers juges, consistant à n'avoir pas souscrit une assurance permettant une indemnisation complète des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux subis en cas d'accident, et l'accident survenu à la jeune C... A... B... au Sénégal en juillet 2008. Toutefois, le fait que la jeune C... A... B... se soit vu proposer par la société Axa Sénégal, assureur de l'association sénégalaise JCLTIS, une indemnisation à hauteur de seulement 1 127, 16 euros calculée en application du code " conférence interafricaine des marchés de l'assurance ", somme dont il est constant qu'elle ne peut indemniser l'ensemble des préjudices extra-patrimoniaux et patrimoniaux subis par la jeune fille, est quant à lui en lien direct avec la première faute commise par le département reconnue par le jugement attaqué. En outre, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il n'est pas contesté que la société Groupama, assureur de l'association française ADSEA du Finistère, ne pouvait pas prendre en charge des préjudices de la nature de ceux en cause. Dès lors, la SMACL n'est pas fondée à soutenir que la garantie de la société Groupama aurait dû être mobilisée à l'exclusion de la sienne.

4. En deuxième lieu, l'article 1.3 du contrat conclu entre le département du Finistère et la SMACL, avec effet au 1er G... 2004, stipule que : " La garantie s'étend : (...) / 1.3.3 du fait des activités du Département et à tous services, y compris les services annexes, quant à leur fonctionnement, non fonctionnement, mauvais fonctionnement ou fonctionnement tardif (...) ". L'article 1.13 du même contrat stipule : " Service de l'aide sociale à l'enfance : / Le contrat couvre les indemnités contractuellement définies en cas d'accidents subis par les enfants mineurs ou majeurs sous tutelle, sous la responsabilité, sous la garde ou suivis par les services du Département, conformément aux montants de garantie prévus à l'article 4.3 et aux définitions de l'annexe n° 2 ci-jointe (...) ". L'article 3.9, inscrit dans la section relative aux exclusions, stipule que le contrat ne couvre pas : " Les dommages causés par les véhicules à moteur non réquisitionnés pour le compte de de l'assuré sous réserve des extensions de garanties prévues aux présentes conditions particulières (...) et de celles relatives aux indemnités contractuelles et sauf pour l'utilisation, à l'insu de l'assuré, par une personne dont il a la garde, d'un véhicule dont l'assuré n'a ni la propriété ni la garde (...) ". Enfin la section 4 " montants des garanties " prévoit les limites des engagements de l'assureur. Dans le cas de la " responsabilité générale ", le contrat prévoit un montant maximal de 15 000 000 euros pour l'ensemble des dommages corporels, matériels et immatériels, de 7 500 000 euros pour les dommages corporels, de 3 000 000 euros pour les dommages matériels et immatériels consécutifs, et de 1 500 000 euros pour les dommages immatériels non consécutifs. Enfin, l'article 4.3 prévoit " au titre de l'article 1.13 - Service de l'aide sociale à l'enfance ", un montant maximal d'indemnisation de " 30 000 euros pour l'IPT (réduite au prorata de l'invalidité) ", de 3 000 euros pour les frais médicaux, de 3 000 euros pour les frais de recherche, secours, rapatriement et l'article 10 de l'annexe 1 de ce contrat stipule que : " Indemnités contractuelles:/ S'agissant des dommages corporels subis par les bénéficiaires de cette garantie : / (...). En cas d'incapacité permanente, le capital assuré s'élève à 20 000 euros sur lequel s'appliquera le taux d'incapacité permanente résultant de l'accident, étant toutefois précisé qu'aucune indemnité ne sera versée lorsque le taux d'invalidité sera inférieur ou égal à 9 % (...) ".

5. Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, le département du Finistère a été condamné à indemniser Mme C... A... B... non directement au titre de l'accident subi par elle en sa qualité de mineure placée sous sa garde mais en raison de la faute commise par le département en ne veillant pas à souscrire une couverture assurantielle suffisante pouvant couvrir l'ensemble des dommages susceptibles d'être encourus par la jeune fille, notamment lors du déplacement au Sénégal. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la SMACL, les stipulations citées de l'article 1.13 du contrat d'assurance ne sont pas applicables dès lors qu'elles concernent l'application de la garantie souscrite par le département au profit des mineurs placés sous sa garde. Dès lors, la limitation des indemnités contractuelles prévue par les stipulations de l'article 4.3 du contrat, auxquelles renvoient les stipulations de l'article 1.13, n'est pas applicable en l'espèce. En revanche, ainsi que l'a estimé le tribunal administratif de Rennes, seules sont applicables les limitations de garantie au titre de la responsabilité générale du département, prévues par les stipulations de l'article 4.1 du contrat, qui prévoient un montant maximal de garantie à hauteur de 15 000 000 euros, dont 7 500 000 au titre des dommages corporels et 3 000 000 euros au titre des dommages matériels et immatériels consécutifs.

6. En dernier lieu, les premiers juges ont évalué à 9 975 euros le déficit temporaire subi par Mme C... A... B..., qui a subi une incapacité temporaire totale entre le 12 juillet 2008 et le 19 février 2009, puis une incapacité temporaire de 25 % jusqu'au 30 juillet 2011. Par ailleurs, le tribunal administratif de Rennes a évalué à 10 000 euros les souffrances endurées par la jeune femme, estimées à 4 sur 7 par l'expertise, à 22 500 euros le déficit fonctionnel permanent de 10 % dont la jeune C... demeure atteinte, et à 3 000 euros le préjudice esthétique subi noté 2 sur 7 par l'expert. Enfin, les premiers juges ont estimé que si la majeure partie des difficultés professionnelles connues par Mme C... A... B... étaient à relier à un état antérieur, ils ont estimé que le grave accident subi en juillet 2008 avait forcément eu des conséquences et aggravé les difficultés de la jeune femme, aggravation qu'ils ont évaluée à 2 500 euros. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment de l'expertise médicale d'avril 2013, et de l'ensemble des documents relatifs à la situation de Mme C... A... B... que ces préjudices auraient été manifestement surévalués, compte tenu en particulier de l'âge de la victime. Enfin, il résulte du point 24 du jugement attaqué que l'indemnité à laquelle le département du Finistère a été condamné au profit de la jeune femme a été diminuée des indemnisations versées par la société Axa Sénégal ou par la société Groupama, tandis qu'aucune indemnisation n'a été reconnue au profit de Mme F... A... B... en raison d'une absence de lien de causalité entre ses préjudices et la faute commise par le département.

7. Il résulte de ce qui précède que la SMACL n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à garantir le département du Finistère en totalité.

En ce qui concerne les conclusions d'appel provoqué du département du Finistère :

8. Les conclusions du département du Finistère tendant à l'annulation de l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rennes le condamnant à verser à Mme C... A... B... une indemnité de 47 975 euros ou subsidiairement à la réduction de l'indemnisation accordée à celle-ci, présentées d'intimé à intimé, constituent un appel provoqué. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les conclusions de la requête de la SMACL ne sont pas accueillies, la situation du département du Finistère ne se trouve pas aggravée et ses conclusions ne sont pas recevables.

Sur les conclusions de Mmes A... B... :

9. Les conclusions de Mme C... A... B... tendant à ce que son indemnité soit portée à une provision de 50 000 euros avant expertise ou subsidiairement à 90 731 euros, de même que les conclusions tendant à l'octroi à sa mère d'une indemnité de 8 000 euros, sont des conclusions d'appel provoqué puisqu'elles sont dirigées contre le département du Finistère, autre intimé devant la cour. Elles sont donc irrecevables, dès lors que la situation des intéressées n'est pas aggravée par ce que juge le présent arrêt sur l'appel principal de la SMACL, et doivent être rejetées sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée.

Sur les frais du litige :

10. Il n'apparait pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais d'instance qu'elles ont exposés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département du Finistère et de Mmes C... et F... A... B... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales, à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Finistère et du Morbihan, à Mme C... A... B..., à Mme F... A... B..., au département du Finistère.

Délibéré après l'audience du 20 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme I..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2021.

La rapporteure,

M. I...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT01376


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01376
Date de la décision : 19/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SIAM CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-05-19;20nt01376 ?
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