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18/05/2021 | FRANCE | N°20NT02266

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 18 mai 2021, 20NT02266


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler les arrêtés du 2 juin 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, de prendre en charge sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation d

ans un délai de 48 heures à compter de la notification du jugement à interveni...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler les arrêtés du 2 juin 2020 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, de prendre en charge sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 48 heures à compter de la notification du jugement à intervenir, et, en tout état de cause, de lui remettre une attestation de demandeur d'asile, enfin, de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2006196 du 6 juillet 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 20NT02266 le 28 juillet 2020, le 25 janvier 2021 et le 8 mars 2021, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 2 juin 2020 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de prendre en charge sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de 48 heures à compter de la notification du jugement à intervenir, et, en tout état de cause, de lui remettre une attestation de demandeur d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités espagnoles :

- la décision méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatif au droit à l'information ;

- la décision de remise méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatif à l'entretien individuel ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen personnalisé de sa demande ;

- la décision a été prise en méconnaissance des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et est, en conséquence, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- la décision est entachée d'incompétence ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités espagnoles ;

- la circonstance que la décision de transfert n'a pas été exécutée dans le délai de 6 mois à compter de sa notification demeure sans incidence sur les conclusions dirigées contre la décision l'assignant à résidence qui conservent leur objet.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 26 août 2020 et le 25 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. D... n'est fondé et indique à la cour que le jugement attaqué n'ayant pas été exécuté dans le délai de 6 mois à compter de sa notification, l'Espagne est désormais libérée de son obligation de prise en charge ; il convient, en conséquence, de prononcer un non-lieu s'agissant des conclusions dirigées contre l'arrêté prononçant le transfert de M. D... aux autorités espagnoles.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 20NT02273 le 28 juillet 2020, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2020 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en l'absence d'effet suspensif de l'appel formé, la décision de transfert aux autorités espagnoles peut être exécutée à tout moment ;

- les moyens soulevés dans le cadre de sa requête enregistrée sous le n° 20NT02266 sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et des décisions de transfert et d'assignation à résidence contestées.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions distinctes du 24 août 2020 pour la requête n° 20NT02266 et pour la requête n° 20NT02273.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur,

- et les observations de Me E..., représentant M. D....

Le préfet de Maine-et-Loire a produit une note en délibéré enregistrée le 3 mai 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant guinéen né le 12 mars 1987, entré irrégulièrement en France le 10 février 2020, a présenté une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 19 février suivant. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes avaient été précédemment enregistrées en Espagne le 18 décembre 2019. Le préfet a sollicité, le 21 février 2020, la prise en charge de l'intéressé par les autorités de ce pays, lesquelles ont expressément donné leur accord le 4 mars 2020. Par deux arrêtés du 2 juin 2020, le préfet de Maine-et-Loire a décidé, d'une part, le transfert de M. D... aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et, d'autre part, de l'assigner à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours renouvelables. Sous le n° 20NT02266, M. D... relève appel du jugement du 6 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés et demande à la cour, sous le n° 20NT02273, d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour se prononcer par un seul arrêt.

En ce qui concerne la requête n° 20NT02266 :

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution du transfert de M. D... vers l'Espagne a été interrompu par la saisine du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 6 juillet 2020 rendu par ce dernier. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, la décision de transfert litigieuse est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 rappelées ci-dessus. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. D... tendant à l'annulation du jugement du 6 juillet 2020 qui a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 2 juin 2020 portant transfert vers l'Espagne.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence :

5. L'arrêté portant assignation à résidence de M. D... ayant été exécuté et ayant produit des effets, il y a lieu de se prononcer sur sa légalité.

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'État membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article ".

7. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est vu remettre, le 19 février 2020, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées ainsi que les informations utiles prévues par l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'administration l'aurait privé d'une garantie au motif que l'information qui lui a été donnée par les services préfectoraux l'aurait été tardivement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a bénéficié de l'entretien individuel mentionné par les dispositions précitées, qui s'est déroulé le 19 février 2020 à la préfecture de la Loire-Atlantique. Aucun élément du dossier ne démontre que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. En outre, il résulte des termes du compte-rendu de cet entretien, qui a été signé par l'agent habilité et conduit en soussou, langue comprise par M. D..., avec l'assistance d'un interprète de la société ISM interprétariat, que l'intéressé a pu, à cette occasion, faire valoir ses observations, et notamment, indiquer qu'il souffre de plusieurs pathologies. Par ailleurs, M. D... ne fait état d'aucun élément, ni d'aucune circonstance particulière tenant au déroulement de cet entretien de nature à démontrer que celui-ci aurait été mené en l'absence des garanties prévues par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

12. Si M. D... soutient qu'il se trouve dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France dès lors qu'il présente des problèmes de santé, les éléments médicaux versés aux débats ne font pas état d'une difficulté particulière susceptible de faire regarder son transfert en Espagne comme l'exposant à un risque réel et avéré de détérioration significative et irrémédiable de son état de santé. Le certificat du docteur Billaud, en date du 19 mai 2020 se borne en effet à préciser que le requérant est porteur du VIH et qu'il bénéficie d'un traitement antiviral, nécessitant une surveillance. Il n'est pas contesté que le système de soins espagnol est susceptible de prendre en charge cette pathologie dans des conditions équivalentes à la France et que le traitement de M. D... pourra y être poursuivi. Dans ces conditions, le préfet a pu sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, décider du transfert de M. D... en Espagne.

13. En quatrième lieu, pour le surplus, M. D... se borne à reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens que ceux invoqués en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans les assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge et tirés de ce que l'arrêté du 2 juin 2020 décidant son transfert aux autorités espagnoles n'est pas entaché d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen personnalisé de sa demande.

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 13 que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de transfert aux autorités espagnoles contre l'arrêté l'assignant à résidence.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre l'arrêté portant assignation à résidence :

15. Aux termes, d'une part, de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ". L'article L. 742-5 du même code énonce que : " Les articles L. 551-1 et L. 561-2 sont applicables à l'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert dès la notification de cette décision (...) ". L'assignation à résidence prévue par ces dispositions constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code, dès lors que la mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable.

16. En premier lieu, l'arrêté décidant l'assignation à résidence de M. D... aux autorités espagnoles a été signé, pour le préfet de Maine-et-Loire et par délégation, par Mme A..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 8 octobre 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 11 octobre 2019, le préfet de Maine-et-Loire a donné délégation à Mme A... pour signer " j) les décisions d'application du règlement Dublin III (arrêtés de transfert, assignations à résidence) ". Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté comme manquant en fait.

17. En second lieu, la décision contestée comporte l'énoncé des motifs de droit et des considérations de fait qui en constituent le fondement permettant à l'intéressé de connaître, à sa seule lecture, les raisons pour lesquelles il fait l'objet d'une assignation à résidence. A cet égard, l'arrêté litigieux précise que M. D... répond aux conditions de l'article L. 561-2-I-1°bis, lesquelles permettent à l'autorité administrative de prendre une mesure d'assignation à résidence à l'encontre de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire, mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

18. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit aux points 14 à 17 que l'ensemble des moyens dirigés contre l'arrêté du 2 juin 2020 décidant d'assigner M. D... à résidence doit être rejeté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 juin 2020 l'assignant à résidence.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement :

20. La cour statuant au fond, les conclusions de la requête n° 20NT02273, par lesquelles M. D... demande qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué, sont dépourvues d'objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les frais d'instance :

21. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que doivent être rejetées les conclusions du requérant aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 20NT02273.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20NT02226 de M. D... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 juin 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.

Le rapporteur

O. COIFFETLe président

O. GASPON

La greffière

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 20NT02266, 20NT02273 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02266
Date de la décision : 18/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : PASTEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-05-18;20nt02266 ?
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