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18/05/2021 | FRANCE | N°19NT03210

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 18 mai 2021, 19NT03210


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération des Entreprises de Boulangerie (FEB) a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 15 mai 2001 ordonnant dans ce département un jour par semaine de fermeture au public des établissements, parties d'établissements et dépôts, fixes ou ambulants, dans lesquels s'effectue la vente au détail ou la distribution de pain frais, emballé ou non.

Par un jugement n° 18035

14 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération des Entreprises de Boulangerie (FEB) a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 15 mai 2001 ordonnant dans ce département un jour par semaine de fermeture au public des établissements, parties d'établissements et dépôts, fixes ou ambulants, dans lesquels s'effectue la vente au détail ou la distribution de pain frais, emballé ou non.

Par un jugement n° 1803514 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 août 2019, le 27 février 2020 et le 24 août 2020, la FEB, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juin 2019 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 15 mai 2001 ordonnant dans ce département un jour par semaine de fermeture au public des établissements, parties d'établissements et dépôts, fixes ou ambulants, dans lesquels s'effectue la vente au détail ou la distribution de pain frais, emballé ou non ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire d'abroger l'arrêté préfectoral du 15 mai 2001, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 15 mai 2001 méconnait les dispositions de l'article L. 3132-29 du code du travail, en ce que l'administration n'a pas produit les éléments statistiques probants sur lesquels elle s'est nécessairement fondée, au jour de l'arrêté, pour vérifier qu'existait bien une majorité indiscutable des professionnels concernés en faveur de cette mesure ; il s'agit d'une violation de l'exigence de l'égalité des armes et, en conséquence, du droit fondamental à un procès équitable au sens de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- seule la fédération professionnelle de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie du Maine-et-Loire a signé l'accord préalable à l'arrêté, à l'inverse des autres organisations consultées, et l'ensemble des professionnels concernés par la vente de pain n'ont pas été invités ni consultés ;

- lors de la demande d'abrogation, en 2018, l'accord préalable et la dernière vérification de majorité dataient de 2001, soit il y plus de dix-sept ans, l'arrêté préfectoral ne réunit donc plus les conditions de légalité au jour du refus d'abrogation, à défaut d'une majorité indiscutable de professionnels intéressés favorables à son maintien ;

- le projet de synthèse des résultats de la nouvelle consultation organisée par le préfet confirme qu'il n'existe aucune majorité indiscutable favorable au maintien de l'obligation de fermeture hebdomadaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2020, la ministre du travail s'en remet à la sagesse de la cour.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 janvier 2020 et le 27 juillet 2020, la fédération professionnelle de la boulangerie et boulangerie pâtisserie de Maine-et-Loire, représentée par la SCP Sultan-Pedron-B...-De Logiviere-Rabut, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la fédération des entreprises de boulangerie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons, rapporteur,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., substituant Me A..., représentant la fédération des entreprises de boulangerie, et de Me C..., substituant Me B..., représentant la fédération professionnelle de la boulangerie et boulangerie pâtisserie de Maine-et-Loire.

Une note en délibéré, enregistrée le 3 mai 2021, a été produite pour la fédération des entreprises de boulangerie.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la conclusion, le 14 mai 2001, d'un accord entre certains syndicats d'employeurs et de salariés concernés, le préfet de Maine-et-Loire a, par un arrêté du 15 mai 2001, prescrit une fermeture d'un jour par semaine, au choix des intéressés, à tous les établissements, parties d'établissements, dépôts, fabricants artisanaux ou industriels, fixes ou ambulants, dans lesquels s'effectue à titre principal ou accessoire la vente au détail ou la distribution de pain frais, emballé ou non. Par courrier du 27 octobre 2017, la fédération des entreprises de boulangerie (FEB) a demandé l'abrogation de cet arrêté au préfet de Maine-et-Loire. La FEB relève appel du jugement du 7 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du rejet implicitement opposé par le préfet de Maine-et-Loire à sa demande d'abrogation de l'arrêté du 15 mai 2001.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur l'appréciation de la légalité de l'arrêté du 15 mai 2001 :

2. Aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ".

3. Le contrôle exercé par le juge administratif sur un acte qui présente un caractère réglementaire porte sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l'existence d'un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu'il énonce, lesquelles ont vocation à s'appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d'application tant qu'il n'a pas été décidé de les modifier ou de les abroger. Le juge administratif exerce un tel contrôle lorsqu'il est saisi, par la voie de l'action, dans le délai de recours contentieux. En outre, en raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, comme la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique.

4. Après l'expiration du délai de recours contentieux, une telle contestation peut être formée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de l'acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Elle peut aussi prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger l'acte réglementaire, comme l'exprime l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration. Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

5. La FEB soutient que l'arrêté préfectoral du 15 mai 2001 était illégal dès le jour de sa signature dès lors qu'il n'avait pas été précédé d'une négociation entre l'ensemble des organisations représentatives. Elle critique également l'attitude de l'administration qui s'est abstenue d'apporter auprès d'elle ou lors de la phase contentieuse des éléments statistiques de nature à établir que la consultation préalable à l'édiction de cet arrêté préfectoral avait permis d'établir l'existence d'une majorité indiscutable en faveur de l'accord au jour de son édiction.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que l'ensemble de cette argumentation, relative aux vices dont serait entachée la procédure d'édiction de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 15 mai 2001, lequel présente un caractère réglementaire, est sans incidence sur la légalité du refus d'abrogation en litige.

Sur l'appréciation de la légalité de la décision de refus d'abrogation de l'arrêté du 15 mai 2001 :

7. La juridiction compétente pour statuer sur l'exception tirée de l'illégalité d'un règlement peut être invitée à rechercher, non seulement si ce règlement a été légalement pris, mais s'il était resté légalement en vigueur à la date à laquelle il en a été fait application.

8. Aux termes de l'article L. 3132-29 du code du travail : " Lorsqu'un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs d'une profession et d'une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos. / A la demande des organisations syndicales représentatives des salariés ou des organisations représentatives des employeurs de la zone géographique concernée exprimant la volonté de la majorité des membres de la profession de cette zone géographique, le préfet abroge l'arrêté mentionné au premier alinéa, sans que cette abrogation puisse prendre effet avant un délai de trois mois ".

9. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que la fermeture au public des établissements d'une profession ne peut légalement être ordonnée, par arrêté préfectoral, sur la base d'un accord syndical que dans la mesure où cet accord correspond pour la profession à la volonté de la majorité indiscutable de tous ceux qui exercent cette profession à titre principal ou accessoire dans la zone géographique considérée et dont l'établissement ou une partie de celui-ci est susceptible d'être fermé, et, d'autre part, que l'administration est tenue d'abroger l'arrêté en cause à la demande, notamment, d'organisations représentatives des employeurs de la zone géographique concernée exprimant la volonté de la majorité des membres de la profession.

10. Il appartient en outre au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non contredites par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

11. En l'espèce, si la fédération requérante fait valoir que, lors de la demande d'abrogation, en 2018, l'accord préalable et la dernière vérification de majorité dataient de 2001, soit il y plus de dix-sept ans, et que l'arrêté préfectoral ne réunit donc plus les conditions de légalité au jour du refus d'abrogation, à défaut d'une majorité indiscutable de professionnels intéressés favorables à son maintien, elle se borne à affirmer que seule la fédération professionnelle de la boulangerie et boulangerie pâtisserie de Maine-et-Loire est favorable à la fermeture hebdomadaire des entreprises vendant du pain et ne produit à l'appui de ces allégations que des arrêtés de préfets d'autres départements abrogeant des arrêtés similaires pour défaut de majorité à la date des arrêtés suite à de nouvelles consultations. En outre, le 9 juillet 2018, le préfet de Maine-et-Loire, répondant à la demande d'abrogation de son arrêté du 15 mai 2001 présentée par la FEB, a engagé une nouvelle consultation des adhérents des organisations professionnelles intéressées afin de s'assurer de la persistance d'une volonté majoritaire de la profession pour le maintien de son arrêté de fermeture hebdomadaire. Les résultats de cette consultation, auprès de 1037 établissements du département - liste ramenée à 905 établissements après retraitement des cessations d'activité-, ont fait apparaître que plus de 60 % des répondants et une majorité relative de l'ensemble des établissements consultés demeuraient favorables au maintien d'une journée de fermeture hebdomadaire dans tous les points de vente de pain du département de Maine-et-Loire, ainsi que l'a indiqué à l'ensemble des partenaires sociaux le préfet dans un courrier du 12 septembre 2019. Dans ces conditions, la FEB ne démontre pas que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'illégalité en refusant une demande d'abrogation qui émanerait, au sens de l'article L. 3132-29 du code du travail, de la majorité des membres de la profession de cette zone géographique.

12. Il résulte de ce qui précède que la FEB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la FEB, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance, il n'y a pas lieu de mettre à sa charge, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme au titre des frais engagés pour l'instance par la FEB. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la FEB la somme de 1 500 euros à verser à la fédération professionnelle de la boulangerie et boulangerie pâtisserie de Maine-et-Loire au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la fédération des entreprises de boulangerie est rejetée.

Article 2 : La fédération des entreprises de boulangerie versera la somme de 1 500 euros à la fédération professionnelle de la boulangerie et boulangerie pâtisserie de Maine-et-Loire, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la fédération professionnelle de la boulangerie et boulangerie pâtisserie de Maine-et-Loire est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération des entreprises de boulangerie, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, à la fédération professionnelle de la boulangerie et boulangerie pâtisserie de Maine-et-Loire, aux magasins Leclerc d'Angers, Cholet, Saumur et Segré, à la section départementale de la confédération générale de l'alimentation en détail de Maine-et-Loire, au groupement indépendant des terminaux de cuisson, à la fédération des entreprises de commerce et de la distribution, à ITM Ouest, à l'union départementale des syndicats CGT de Maine-et-Loire, à l'union départementale des syndicats CFDT de Maine-et-Loire, à l'union départementale des syndicats CFE-CGC de Maine-et-Loire, à l'union départementale des syndicats CGT-FO de Maine-et-Loire, à l'union départementale des syndicats CFTC de Maine-et-Loire et au préfet de de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 30 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mai 2021.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03210


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03210
Date de la décision : 18/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP SULTAN PEDRON LUCAS DE LOGIVIERE RABUT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-05-18;19nt03210 ?
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