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23/04/2021 | FRANCE | N°20NT02638

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 23 avril 2021, 20NT02638


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2018 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire a prononcé la saisie définitive de ses armes et de ses munitions remises à l'autorité administrative en exécution de l'arrêté du 25 novembre 2016, a ordonné leur vente aux enchères publiques et lui a interdit d'acquérir ou de détenir les catégories d'armes ou types d'armes faisant l'objet de la saisie.

Par un jugement n° 1801614 du 7 novembre 2019, le tribun

al administratif d'Orléans a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2018 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire a prononcé la saisie définitive de ses armes et de ses munitions remises à l'autorité administrative en exécution de l'arrêté du 25 novembre 2016, a ordonné leur vente aux enchères publiques et lui a interdit d'acquérir ou de détenir les catégories d'armes ou types d'armes faisant l'objet de la saisie.

Par un jugement n° 1801614 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 août 2020, M. B... A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801614 du tribunal administratif d'Orléans du 7 novembre 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 janvier 2018 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire a prononcé la saisie définitive de ses armes et munitions, et d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire à titre principal de lui restituer ses armes, ou à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de sa situation, dans un délai de 15 jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- il n'a pas été mis à même de présenter ses observations en méconnaissance des articles L. 312-9 et R. 312-69 du code de la sécurité intérieure ;

- il n'est pas établi que le signataire de l'arrêté du 9 janvier 2018 soit compétent ;

- le tribunal administratif a omis de soulever d'office le moyen tiré de l'incompétence du signataire ;

- l'arrêté du 9 janvier 2018 est insuffisamment motivé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- les dispositions de l'article L. 312-9 du code de la sécurité intérieure ont été méconnues ; l'arrêté du 9 janvier 2018 a été adopté au-delà du délai d'un an après la remise effective des armes, le 25 octobre 2017 ;

- l'arrêté du 9 janvier 2018 est entaché d'inexactitude matérielle des faits et d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2020, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) à titre principal de prononcer sa mise hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête de M. A... ;

Il soutient qu'en application des dispositions de l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative, seule la préfète d'Indre-et-Loire est compétente pour défendre dans la présente instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2021, la préfète d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E..., première conseillère,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a été convoqué le 25 octobre 2016 à la brigade de gendarmerie du Grand-Pressigny (Indre-et-Loire) dans le cadre d'une enquête le concernant afin d'être placé en garde-à-vue. A la suite d'un malaise, il a été hospitalisé au sein de l'hôpital de Loches. Pendant l'hospitalisation de M. A..., une perquisition a été menée à son domicile et sa compagne a remis au service de gendarmerie les armes de M. A..., à savoir un fusil de chasse Le Moderne, une carabine de chasse Remington modèle 700 avec lunette et des cartouches, un fusil à pompe Escort, une carabine de chasse Harrington et Richardson, un fusil de chasse Decastel, un fusil à canon sans marque et un pistolet à poudre sans marque. En raison de l'état psychologique de M. A..., les gendarmes ont décidé de les entreposer à titre conservatoire dans la chambre forte de la gendarmerie. Par un arrêté du 25 novembre 2016, la préfète d'Indre-et-Loire a ordonné la remise des armes et la conservation des armes et munitions pendant une durée maximale d'un an aux services de la gendarmerie du Grand-Pressigny. Par un nouvel arrêté du 9 janvier 2018, la préfète d'Indre-et-Loire a prononcé la saisie définitive des armes et munitions de M. A... qui avaient été saisies à titre conservatoire en octobre 2016 et lui a interdit d'acquérir ou de détenir les catégories d'armes ou les types d'armes faisant l'objet de la saisie. M. A... a exercé, par courrier du 18 avril 2018, un recours administratif qui a été rejeté par une décision de la préfète d'Indre-et-Loire du 4 mai 2018. Il relève appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2018 et du rejet de son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux du 9 janvier 2018 a été signé, pour la préfète d'Indre-et-Loire et par délégation, par Mme C..., sous-préfète et directrice de cabinet de la préfète. Si M. A... soutient que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'irrégularité en ne soulevant pas d'office le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté, un tel moyen, qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué, ne peut en tout état de cause être utilement invoqué pour contester sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus au point 2 du présent arrêt, l'arrêté litigieux du 9 janvier 2018 a été signé, pour la préfète d'Indre-et-Loire et par délégation, par Mme C... directrice de cabinet. Il ressort des pièces du dossier d'appel que par un arrêté du 6 novembre 2017, publié au recueil des actes administratifs spécial du 7 novembre 2017, la préfète d'Indre-et-Loire a donné délégation à Mme C... à l'effet de signer, notamment " les actes, décision, actes, correspondances et documents relevant des attributions des services placés sous son autorité (...) ". Par ailleurs, il ressort de l'arrêté du 29 juin 2017 portant organisation des services de la préfecture d'Indre-et-Loire publié au recueil des actes administratifs spécial du 16 octobre 2017, arrêté entré en vigueur le 1er novembre 2017, que la police des armes et explosifs est attribuée au bureau de l'ordre public au sein de la direction des sécurités, et relève des services du cabinet du préfet. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté du 9 janvier 2018 n'est pas fondé et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, l'article L. 312-9 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction applicable, dispose que : " La conservation de l'arme et des munitions remises ou saisies est confiée pendant une durée maximale d'un an aux services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétents. / Durant cette période, le représentant de l'Etat dans le département décide, après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations, soit la restitution de l'arme et des munitions, soit la saisie définitive de celles-ci. / Les armes et les munitions définitivement saisies en application du précédent alinéa sont vendues aux enchères publiques. Le produit net de la vente bénéficie aux intéressés ". Par ailleurs, l'article R. 312-69 du code de la sécurité intérieure dispose que : " Avant de prendre la décision prévue au deuxième alinéa de l'article L. 312-9, le préfet invite la personne qui détenait l'arme et les munitions à présenter ses observations, notamment quant à son souhait de les détenir à nouveau et quant aux éléments propres à établir que son comportement ou son état de santé ne présente plus de danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui, au vu d'un certificat médical délivré par un médecin spécialiste mentionné à l'article R. 312-6 ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier daté du 31 mars 2017, la préfète d'Indre-et-Loire a informé M. A... de ce que les armes remises étaient conservées par les services de la gendarmerie de Grand-Pressigny pendant une durée maximale d'un an courant jusqu'au 25 octobre 2017 et qu'il lui appartenait, le cas échéant, de solliciter la restitution de ses armes en lui transmettant ses observations accompagnées d'un certificat médical délivré par un médecin spécialiste pour justifier que son comportement ou son état de santé ne présentait plus un danger grave et immédiat pour lui-même ou pour autrui et qu'il n'était pas incompatible avec la détention d'armes et de munitions. Ce courrier a été adressé à la maison d'arrêt de Tours, au sein de laquelle M. A... était incarcéré, et a été remis au greffe de la maison d'arrêt le 10 avril 2017 pour être transmis à l'intéressé. Le moyen tiré de l'absence de procédure contradictoire préalable en méconnaissance des dispositions des articles L. 312-9 et R. 312-69 du code de la sécurité intérieure n'est donc pas fondé et doit être écarté.

6. En troisième lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : /1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Par ailleurs, l'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

7. L'arrêté contesté du 9 janvier 2018 comporte, contrairement à ce que soutient M. A..., les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, notamment quant au comportement de l'intéressé. Le moyen tiré de son insuffisante motivation en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration doit donc être écarté.

8. En quatrième lieu, l'article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable, dispose que : " Si le comportement ou l'état de santé d'une personne détentrice d'armes et de munitions présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui, le représentant de l'Etat dans le département peut lui ordonner, sans formalité préalable ni procédure contradictoire, de les remettre à l'autorité administrative, quelle que soit leur catégorie ". L'article L. 312-10 du même code dans sa rédaction applicable dispose que : " Il est interdit aux personnes dont l'arme et les munitions ont été saisies en application de l'article L. 312-7 ou de l'article L. 312-9 d'acquérir ou de détenir des armes et des munitions, quelle que soit leur catégorie. /Le représentant de l'Etat dans le département peut cependant décider de limiter cette interdiction à certaines catégories ou à certains types d'armes. / Cette interdiction cesse de produire effet si le représentant de l'Etat dans le département décide la restitution de l'arme et des munitions dans le délai mentionné au premier alinéa de l'article L. 312-9. Après la saisie définitive, elle peut être levée par le représentant de l'Etat dans le département en considération du comportement du demandeur ou de son état de santé depuis la décision de saisie ".

9. Il résulte des dispositions des articles L. 312-7, L. 312-9 et L. 312-10 du code de la sécurité intérieure que, lorsque le préfet s'est fondé sur le danger présenté par une personne pour lui ordonner de remettre une arme à l'autorité administrative, cette mesure emporte pour l'intéressé une interdiction d'acquérir ou de détenir des armes et munitions qui produit effet tant que le préfet n'a pas décidé la restitution de l'arme. Le préfet dispose d'un délai d'un an pour décider, après avoir invité la personne à présenter ses observations, la restitution ou la saisie définitive de l'arme. L'expiration de ce délai ne le prive pas de la possibilité de prendre l'une ou l'autre de ces décisions mais ouvre seulement à l'intéressé la possibilité de rechercher la responsabilité de l'Etat au titre des préjudices que le retard apporté à la décision a pu lui causer. Il suit de là que le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté du 9 janvier 2018 en l'absence de décision de la préfète dans le délai d'un an à compter de la saisie effective des armes de M. A... doit être écarté.

10. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de gendarmerie établi à l'occasion de la saisie conservatoire des armes de M. A..., que ce dernier, mis en cause pour des faits d'agressions sexuelles sur mineures de quinze ans, a montré un état psychologique très affecté, nécessitant une hospitalisation en urgence au centre hospitalier de Loches. Les services de gendarmerie ont également relevé qu'en mai 2014, M. A... avait fait une tentative de suicide et ont estimé que son état psychologique présentait un danger grave pour lui-même ou pour sa compagne et les filles de celle-ci. En outre, M. A... n'a adressé, conformément aux dispositions de l'article R. 312-69 du code de la sécurité intérieure, aucun certificat médical attestant de la compatibilité de son état de santé avec la détention d'armes. Enfin, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'enquête menée par les services de gendarmerie en décembre 2017, qu'alors que rien ne permet d'anticiper la réaction de l'intéressé lors de sa libération de la maison d'arrêt, le domicile de son ancienne compagne et de ses deux filles est situé sur le territoire de la même commune que celui de M. A... et en est relativement proche. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation ni entacher sa décision d'erreur de fait que la préfète d'Indre-et-Loire a, par l'arrêté contesté, prononcé la saisie définitive des armes du requérant et lui a interdit de détenir ou d'acquérir les catégories d'armes et de munitions saisies.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 9 janvier 2018 et du rejet de son recours gracieux. Il suit de là que ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais du litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise pour information au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2021.

La rapporteure,

M. E...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02638


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02638
Date de la décision : 23/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SELARL ETHIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-23;20nt02638 ?
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