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23/04/2021 | FRANCE | N°20NT02140

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 23 avril 2021, 20NT02140


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 6 avril 2020 du préfet de la Sarthe l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, ainsi que l'arrêté du 15 avril 2020 du préfet d'Ille-et-Vilaine ordonnant son assignation à résidence.

Par un jugement nos 2001750, 20017633 du 27 avril 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de

Rennes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 6 avril 2020 du préfet de la Sarthe l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, ainsi que l'arrêté du 15 avril 2020 du préfet d'Ille-et-Vilaine ordonnant son assignation à résidence.

Par un jugement nos 2001750, 20017633 du 27 avril 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2020 M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 27 avril 2020 ;

2°) d'annuler ces arrêtés des 6 et 15 avril 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- dès lors qu'il justifie d'une résidence régulière en France de plus de trois mois, il ne pouvait faire l'objet d'une telle décision sur le fondement des dispositions du 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est illégale dès lors que le fichier relatif au traitement des antécédents judiciaires a été consulté irrégulièrement au regard des dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ;

- le préfet a estimé à tort, pour prendre cette décision, que sa présence constituait une menace pour l'ordre public ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, le préfet a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions du c) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions du II de l'article L. 511-1 du même code ;

- l'arrêté portant assignation à résidence a été pris par une autorité incompétente ;

- en l'absence de perspective raisonnable d'éloignement, cet arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 novembre 2020, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte à ses écritures de première instance, qu'il produit devant la cour.

La requêté a été communiquée le 12 novembre 2020 au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant albanais né le 15 août 2000, est entré irrégulièrement en France le 22 février 2017. Après avoir été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance, il a bénéficié d'un titre de séjour à compter du 8 janvier 2019, dont il n'a pas sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 6 avril 2020, le préfet de la Sarthe l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit un retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un arrêté du 15 avril 2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine a également ordonné son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 27 avril 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes rejetant ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation dont la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le premier juge.

3. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la validité du titre de séjour délivré à M. B... le 8 janvier 2019 a expiré le 7 janvier 2020, sans que l'intéressé n'en sollicite le renouvellement. Par suite, en prenant à son encontre, le 6 avril 2020, une obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Sarthe n'a commis ni erreur de droit ni erreur de fait au regard de la condition de durée du séjour irrégulier prévue par les dispositions précitées.

5. M. B... soutient que le préfet de la Sarthe, qui s'est notamment fondé sur la circonstance que l'intéressé était connu des services de police pour des faits de vol par effraction commis en 2018 mentionnés dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ), ne justifie pas d'une consultation de ce fichier dans des conditions conformes aux dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale. Toutefois, pour caractériser l'existence d'une menace à l'ordre public, le préfet de la Sarthe s'est également fondé sur des agissements de M. B..., établis par une une fiche pénale établie à son nom, qui lui ont valu un placement en détention provisoire pour une durée initiale de 12 mois à compter du 5 avril 2019 dans le cadre d'une procédure criminelle engagée pour des faits de vol avec arme et violence aggravée et un maintien en détention à l'occasion de son renvoi devant le tribunal correctionnel, avant une condamnation le 27 août 2019 par le tribunal correctionnel de Rennes à une peine d'emprisonnement de 18 mois pour vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours. A la suite de cette condamnation, l'intéressé a été maintenu en détention, s'est vu ultérieurement refuser un aménagement de peine puis retirer un crédit de réduction de peine. Il ressort des pièces du dossier que, eu égard à la gravité des faits en cause et du traitement judiciaire dont a fait l'objet M. B..., le préfet de la Sarthe aurait pris la même décision s'il n'avait pas consulté le fichier TAJ et alors, au surplus, que l'implication de l'intéressé dans un vol commis en septembre 2018, pour laquelle il aurait exprimé des regrets, est également mentionnée dans le rapport établi le 13 novembre 2018 par ses éducateurs référents que le requérant produit. Par suite, à supposer que la consultation de ce fichier n'aurait pas été effectuée dans des conditions régulières, cette circonstance est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

6. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5 et alors que M. B... ne justifie d'aucune perspective concrète d'insertion sociale et professionnelle, en obligeant l'intéressé à quitter le territoire français, le préfet de la Sarthe n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant qu'il représentait une menace pour l'ordre public au sens du 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. M. B... fait valoir qu'il est venu en France en 2017 pour fuir son père violent, que le centre de ses intérêts et de ses attaches se trouve sur le territoire français. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et sans enfant, n'établit ni avoir des attaches particulières en France ni être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où résident ses parents et ses soeurs et où il a vécu l'essentiel de son existence. Le requérant ne justifie pas davantage, eu égard à ce qui a été dit aux points 5 et 6, de la mobilisation qu'il allègue en vue de son insertion dans la société française. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de l'intéressé, la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet de la Sarthe n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

8. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entachée la décision portant refus de délai de départ volontaire par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le premier juge.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour :

9. Aux termes du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

10. Eu égard à ce qui a été dit aux points 5, 6 et 7 sur la durée de la présence de France de M. B..., la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France et la menace à l'ordre public qu'il représente, le préfet de la Sarthe n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

11. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, les moyens tirés de ce que l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine ordonnant l'assignation à résidence de M. B... aurait été pris par une autorité incompétente et méconnaîtrait, en l'absence de perspective raisonnable d'éloignement, les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du

10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président,

- Mme C..., président-assesseur,

- M Berthon premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2021.

Le rapporteur

C. C... Le président

I. PerrotLe greffier

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20NT021402


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02140
Date de la décision : 23/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CABINET MAXIME GOUACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-23;20nt02140 ?
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