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23/04/2021 | FRANCE | N°19NT04178

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 23 avril 2021, 19NT04178


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier de Bayeux à lui verser la somme de 90 058 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des conditions de sa prise en charge par cet établissement de santé. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Calvados, appelée à la cause, a demandé le remboursement de ses débours, qu'elle a évalués à 65 334,82 euros.

Par un jugement n° 1602204 du 29 août 2019, le tribunal administratif

de Caen a condamné le centre hospitalier de Bayeux à verser 24 349,34 euros à M. A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier de Bayeux à lui verser la somme de 90 058 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des conditions de sa prise en charge par cet établissement de santé. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Calvados, appelée à la cause, a demandé le remboursement de ses débours, qu'elle a évalués à 65 334,82 euros.

Par un jugement n° 1602204 du 29 août 2019, le tribunal administratif de Caen a condamné le centre hospitalier de Bayeux à verser 24 349,34 euros à M. A... et

20 862,43 euros à la CPAM du Calvados.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 octobre 2019 la CPAM du Calvados, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 29 août 2019 en tant qu'il a limité le montant de son indemnité à 20 862,43 euros ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Bayeux à lui verser la somme totale de 56 645,14 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bayeux la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle a droit au remboursement intégral de la somme de 54 472,57 euros qu'elle a exposée pour le traitement de l'infection nosocomiale dont a souffert M. A... ;

- elle a également droit au remboursement de 20% de la somme de 10 862,85 euros exposée à raison de l'accident dont a été victime M. A....

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mai 2020 le centre hospitalier de Bayeux, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la CPAM du Calvados ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., alors âgé de 53 ans, a été victime d'une chute de cheval le

8 janvier 2011 à 18h30. Il a été transporté peu après au centre hospitalier de Bayeux et a été opéré le lendemain matin d'une fracture luxation de l'extrémité supérieure de l'humérus droit. Lors de cette intervention, M. A... a contracté une infection par staphylocoque qui a été soignée par des antibiotiques, puis a nécessité l'ablation d'une vis. Le 26 juillet 2012, il a de nouveau subi une intervention au cours de laquelle l'ensemble du matériel d'ostéosynthèse a été retiré en raison d'une suspicion d'infection chronique. Une nouvelle antibiothérapie a été prescrite.

2. M. A... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) de Basse-Normandie, qui a désigné deux experts, un chirurgien orthopédique et un médecin spécialisé en maladies infectieuses, lesquels ont remis leur rapport le 12 juin 2012. Dans son avis, rendu le 22 novembre 2012, la CCI a estimé que la réparation des préjudices de M. A... incombait au centre hospitalier de Bayeux et que son état de santé n'était pas consolidé. M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen la condamnation du centre hospitalier de Bayeux à lui verser la somme de 90 058 euros. Par un jugement du 13 juillet 2018, le tribunal a ordonné une nouvelle expertise, confiée à un chirurgien orthopédique, qui a déposé son rapport le 31 décembre 2018. Par un jugement du 29 août 2019, le tribunal a condamné le centre hospitalier de Bayeux à verser la somme de 24 349,34 euros à M. A... et celle de 20 862,43 euros à la CPAM du Calvados, appelée à la cause. La CPAM du Calvados relève appel de ce jugement.

Sur la responsabilité :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ". Il résulte par ailleurs des dispositions du II de l'article

L. 1142-1 du code de la santé publique que les hôpitaux sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. Toutefois, selon l'article L. 1142-1-1 du même code, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les hôpitaux s'ils correspondent à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à

25 %, ainsi que les décès provoqués par de telles infections.

4. Il résulte de l'instruction et est admis par les parties que, d'une part, le centre hospitalier de Bayeux a, en tardant à opérer M. A... de la fracture luxation dont il souffrait, commis une faute qui lui a fait perdre une chance évaluée à 20% d'éviter les séquelles dont il reste atteint aujourd'hui et que, d'autre part, M. A... a contracté lors de l'intervention du

9 janvier 2011 une infection nosocomiale sans conséquences fonctionnelles dont la réparation doit être intégralement assurée par le centre hospitalier de Bayeux.

Sur les préjudices :

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les frais exposés par la CPAM du Calvados pour la prise en charge de l'accident du 8 janvier 2011 doivent être indemnisés à hauteur de 20%, tandis que ceux qui correspondent au traitement de l'infection nosocomiale dont a souffert M. A... doivent lui être intégralement remboursés.

6. Il résulte de l'instruction que seules les hospitalisations du 8 au 14 avril 2011 et du 25 juillet au 1er août 2012 peuvent être rattachées à l'infection nosocomiale que M. A... a contractée le 9 janvier 2011. Les frais exposés par la caisse lors de ces hospitalisations, pour un montant total de 15 952,56 euros, doivent donc lui être intégralement remboursés. Les autres frais d'hospitalisation pris en charge par la caisse entre le 29 mars 2011 et le 31 août 2012, pour un montant total de 21 456,89 euros, correspondent à des soins de rééducation qui doivent être rattachés aux séquelles de l'accident de cheval de M. A... et n'ouvrent donc droit qu'à un remboursement à hauteur de 20%, pour un montant de 4 291,38 euros. Il y a donc lieu de mettre la somme totale de 20 243,94 euros à la charge du centre hospitalier de Bayeux au titre de ce chef de préjudice.

7. La CPAM du Calvados justifie par ailleurs avoir exposé entre le 28 février 2011 et le 1er août 2012 des frais d'appareillage pour un montant total de 973,93 euros qui, contrairement à ce qu'elle soutient, ne sont pas en lien avec l'infection nosocomiale dont a souffert M. A... mais avec l'accident de cheval du 8 janvier 2011. Il s'ensuit que le centre hospitalier de Bayeux doit être condamné à rembourser à la caisse 20% de cette somme, soit 194,79 euros.

8. La CPAM du Calvados demande le remboursement intégral de frais médicaux et de transport qu'elle a exposés entre le 23 février 2011 et le 19 juillet 2013, sans distinguer ceux de ces frais qui relèvent du traitement de l'accident du 8 janvier 2011 de ceux qui doivent être rattachés au traitement de l'infection nosocomiale survenue le lendemain. Dans ces conditions, et alors que la CPAM n'a pas répondu de manière probante à une mesure d'instruction du tribunal administratif de Caen lui demandant d'établir cette distinction, la cour n'est pas en mesure d'évaluer le montant de son préjudice. Il y a donc lieu de rejeter sa demande sur ces deux points.

9. Le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre des indemnités journalières qu'elle a versées à un affilié, qui ont pour objet de réparer les pertes de revenus subies par celui-ci pendant la période d'incapacité temporaire, ne saurait s'exercer que sur ce poste de préjudice. En l'espèce, le tribunal administratif de Caen ayant jugé que M. A... n'a subi aucune perte de revenu professionnel en raison de la faute et de l'infection nosocomiale dont il a été victime, il y a lieu d'écarter la demande de la CPAM du Calvados tendant au remboursement des indemnités journalières qu'elle a versées à son assuré.

10. Il résulte de ce qui précède que la CPAM du Calvados a droit à la somme de 20 438,73 euros, inférieure à celle de 20 862,43 euros qui lui a été allouée en première instance. Toutefois, sa situation ne pouvant être aggravée sur son seul appel, il y a lieu de confirmer le montant accordé par les premiers juges, ainsi que les intérêts et la capitalisation des intérêts tels qu'ils ont été définis par ces derniers.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la CPAM du Calvados n'est pas fondée à demander la réformation du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Bayeux, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à la CPAM du Calvados la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la CPAM du Calvados est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la CPAM du Calvados, au centre hospitalier de Bayeux et à M. E... A....

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2021.

Le rapporteur

E. B...Le président

I. PerrotLe greffier

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT04178


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04178
Date de la décision : 23/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : JEGU ET ASSOIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-23;19nt04178 ?
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