Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... G... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision par laquelle le président de la communauté de communes de Seulles Terre et Mer a implicitement rejeté sa demande tendant à la réalisation des travaux nécessaires à la suppression des désordres résultant du déversement d'eaux pluviales sur sa parcelle ainsi que la décision du
9 août 2017 par laquelle la même autorité a explicitement rejeté sa demande tendant à la levée de l'emprise irrégulière sur sa parcelle.
Par un jugement nos 1700959, 1701807 du 25 juin 2019 le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 août 2019 et 29 mai 2020 M. G..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 juin 2019 du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler la décision par laquelle le président de la communauté de communes de Seulles Terre et Mer a implicitement rejeté sa demande, reçue le 20 janvier 2017, tendant à la réalisation de travaux nécessaires à la suppression des désordres résultant du déversement des d'eaux pluviales sur sa parcelle, ainsi que la décision du 9 août 2017 par laquelle le président de la communauté de communes de Seulles Terre et Mer a explicitement rejeté sa demande formulée le 18 mai 2017 tendant à la levée de l'emprise irrégulière sur sa parcelle ;
3°) d'enjoindre, au besoin après avoir ordonné une mesure d'expertise, à la communauté de communes de Seulles Terre et Mer de réaliser les travaux d'entretien du réseau d'évacuation d'eaux pluviales nécessaires à la suppression des désordres dans un délai de deux mois à compter du présent jugement et sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de procéder à l'enlèvement de l'ouvrage public implanté irrégulièrement sur sa propriété ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué a été rendu à la suite d'une procédure qui méconnaît le principe du contradictoire car la note en délibéré produite après l'audience devant le tribunal administratif par la communauté de communes Seulles Terre et Mer ne lui a pas été communiquée alors que les premiers juges en ont tenu compte ;
- les premiers juges ont méconnu l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Caen par son jugement du 30 avril 2015, qui a reconnu la nécessité de faire cesser les dommages ;
- la canalisation située sous la voirie est partiellement implantée sur sa propriété et constitue un ouvrage public irrégulièrement implanté, caractérisant l'existence d'une emprise irrégulière ; aucune servitude légale ne peut à cet égard lui être opposée ; cet ouvrage public doit être supprimé pour faire cesser l'emprise ; s'ajoute à cette emprise l'emprise irrégulière née de la réalisation d'un chemin pédestre sur sa propriété sans titre ni accord ;
- la charge des travaux nécessaires à la suppression des désordres sur sa parcelle incombe à la communauté de communes Seulles Terre et Mer, à qui incombent l'entretien de la voie départementale dans sa fraction traversant la commune de Ducy-Sainte-Marguerite et l'entretien du réseau d'évacuation des eaux pluviales ;
- la buse d'évacuation située sous la voie départementale n'est pas entretenue, ainsi que le démontre un constat d'huissier ;
- les préjudices qui résultent de ces désordres démontrent la nécessité de réaliser des travaux.
Par des mémoires en défense enregistrés les 14 novembre 2019 et 5 juin 2020 la communauté de communes Seulles Terre et Mer, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par M. G... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété publique ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de Me B..., représentant M. G..., et de Me E..., représentant la communauté de communes de Seulles Terre et Mer.
Considérant ce qui suit :
1. M. G... est propriétaire d'une parcelle cadastrée AB n° 17 bordant la route départementale n°82 sur le territoire de la commune de Ducy-Sainte-Marguerite. Cette parcelle est longée, perpendiculairement à la voie publique, par un fossé qui recueille les eaux pluviales en provenance du bassin versant de la commune de Saint-Léger avant de rejoindre un cours d'eau en contrebas. Par un courrier reçu le 20 janvier 2017, M. G... a mis en demeure le président de la communauté de communes de Seulles Terre et Mer d'entreprendre les travaux nécessaires à la suppression des désordres affectant selon lui sa parcelle, sous forme de pollution et de rejet important des eaux pluviales lors de fortes précipitations ainsi que de déchets encombrant le fossé. Il impute ces préjudices à l'ouvrage public réalisé en 2004 par le département du Calvados qui a fait installer sous la route départementale n° 82 une buse afin de canaliser vers le fossé en litige les eaux pluviales en provenance du bassin versant de la commune ainsi que les eaux pluviales provenant de la voie publique. Il a donc, par un courrier reçu le 20 janvier 2017, demandé à la communauté de communes de Seulles Terre et Mer de réaliser les travaux nécessaires à faire cesser les désordres affectant sa propriété puis, par une demande ultérieure, de mettre fin à l'emprise irrégulière constituée sur sa parcelle. Par un jugement du 25 juin 2019 le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le président de la communauté de communes a implicitement rejeté sa première demande ainsi que de la décision du 9 août 2017 par laquelle cette même autorité a explicitement rejeté sa seconde demande. M. G... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence (...). ". Par ailleurs, l'article R. 611-1 du même code dans sa rédaction applicable dispose que : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions que devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
3. M. G... estime que le tribunal administratif de Caen devait lui communiquer, à peine d'irrégularité de son jugement, la note en délibérée présentée par la communauté de communes Seulles Terre et Mer dans les suites de l'audience du 5 juin 2019 et sur laquelle les juges se sont fondés pour statuer. Cependant, il ressort de l'analyse de cette note que les éléments de fait et de droit qu'elle expose, qui ne sont pas nouveaux et avaient déjà été exposés en défense par la communauté de communes Seulles Terre et Mer, n'ont pas été susceptibles d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Ainsi, en se bornant à viser la note en délibéré sans procéder à la réouverture de l'instruction et à la communication de cette pièce, les juges de première instance n'ont pas méconnu le principe du contradictoire prévu à l'article
L. 5 du code de justice administrative précité et n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité.
Sur la détermination du maître d'ouvrage :
4. Par un arrêté du 2 décembre 2016 applicable au 1er janvier 2017, le préfet du Calvados a créé l'établissement public de coopération intercommunale Seulles Terre et Mer, lequel comprend la commune de Ducy-Sainte-Marguerite. Aux termes de l'article 4 de cet arrêté et au titre des compétences facultatives de cet établissement figurent, notamment, les compétences optionnelles antérieurement exercées par la communauté de communes du Val de Seulles, à laquelle se rattachait cette commune. Ces compétences comprenaient " l'entretien, la réfection et la construction des réseaux d'eaux pluviales ainsi que des ouvrages qui s'y rattachent (...) ".
5. La décision implicite de refus contestée procède de la demande notifiée le 20 janvier 2017 par M. G... tendant à ce que la communauté de communes Seulles Terre et Mer entreprenne des travaux nécessaires à la suppression des désordres qu'il subit " en l'absence d'aménagement spécifique du dispositif d'écoulement des eaux pluviales, les eaux en provenance de la route départementale se déversant dans le fossé entraînent des désordres permanents (...) ". C'est donc à juste titre que cette demande a été dirigée contre la communauté de communes, qui a la qualité de maître d'ouvrage pour les équipements concernés.
Sur l'obligation de la communauté de communes Seulles Terre et Mer :
6. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.
7. Afin d'établir la réalité des désordres qui affecteraient la parcelle lui appartenant, M. G... se prévaut des échanges entre les différentes parties prenantes à ce litige entre 2007 et 2012. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'au regard de leur contenu, souvent imprécis et non étayé, et de leur ancienneté, et alors même que, par son jugement n°1400219 du
30 avril 2015 le tribunal administratif de Caen a retenu la responsabilité de la collectivité publique, les éléments ainsi invoqués par le requérant ne sont pas suffisants pour établir l'existence, l'ampleur et le caractère actuel des désordres allégués. M. G... ne produit aucun document précis et n'indique aucune date ni aucune circonstance qui soit de nature à concrétiser ces désordres et le constat d'huissier produit par lui, s'il établit que le fossé situé sur sa propriété, et dont l'entretien lui incombe, était encombré de débris, ne caractérise aucun désordre imputable à l'ouvrage public constitué par la buse passant sous la voie départementale.
8. Par suite, en l'absence de dommage persistant, à supposer d'ailleurs qu'il ait jamais existé, aucune abstention fautive de la personne publique ne peut être relevée, et le juge ne pouvait faire droit à la demande d'injonction formulée par M. G....
Sur l'emprise irrégulière :
9. M. G..., par un courrier du 18 mai 2017, a demandé au président de la communauté de communes Seulles Terre et Mer de lever l'emprise irrégulière constituée par le fossé litigieux et/ou la canalisation posée sous la route départementale n°82 qui, en tant qu'ouvrages publics, sont implantés sur sa propriété.
10. Il résulte toutefois de l'instruction que le fossé litigieux, dont l'existence est antérieure aux travaux de busage entrepris en 2004 sous la route départementale n°82 et à l'acquisition même de la parcelle par M. G..., n'a pas été modifié par ces travaux. Situé à la perpendiculaire de la voie et dans le prolongement de la buse mise en place, il était destiné, sur le fondement des dispositions de l'article 640 du code civil, à recevoir les eaux provenant du bassin versant et des fonds supérieurs. Contrairement à ce que soutient M. G..., il ne saurait dans ces conditions, notamment en l'absence de tout aménagement spécifique par une personne publique, être qualifié d'ouvrage public et constituer de ce fait une emprise irrégulière sur sa propriété.
11. Enfin aucune des pièces au dossier ne permet de donner corps aux allégations de l'intéressé selon lesquelles la canalisation passant sous la voie départementale, ouvrage public, empiéterait de plusieurs dizaines de centimètres sur sa parcelle.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, qu'en l'absence de dommage de travaux publics persistant et en l'absence d'ouvrage public implanté sur sa propriété, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions de M. G... aux fins d'annulation des deux décisions contestées du président de la communauté de communes Seulles Terre et Mer et aux fins d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
13. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la communauté de communes Seulles Terre et Mer, partie non perdante, la somme demandée par le requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. G... la somme de 1 500 euros à verser à la communauté de communes de Seulles Terre et Mer sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.
Article 2 : M. G... versera la somme de 1 500 euros à la communauté de communes Seulles Terre et Mer en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Seulles Terre et Mer et à M. A... G....
Une copie sera transmise à la commune de commune de Ducy-Sainte-Marguerite.
Délibéré après l'audience du 8 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme D..., président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Rendu public par mise au greffe le 23 avril 2021.
Le président-rapporteur
I. D...
L'assesseur
C. Brisson
Le greffier
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03468