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23/04/2021 | FRANCE | N°18NT00775

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 23 avril 2021, 18NT00775


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier universitaire de Nantes (CHU) à lui verser la somme totale de

887 491,19 euros en réparation des préjudices résultant de l'accident de service dont elle a été victime le 8 avril 2004.

Par un jugement n° 1402787 du 20 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a partiellement fait droit à sa demande en lui accordant une indemnité d'un montant de

302 800 euros.

Procédure devant

la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 février 2018 et 30 août 2019 le cen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier universitaire de Nantes (CHU) à lui verser la somme totale de

887 491,19 euros en réparation des préjudices résultant de l'accident de service dont elle a été victime le 8 avril 2004.

Par un jugement n° 1402787 du 20 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a partiellement fait droit à sa demande en lui accordant une indemnité d'un montant de

302 800 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 février 2018 et 30 août 2019 le centre hospitalier universitaire de Nantes a demandé à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre et de rejeter la demande de Mme D... ou subsidiairement de réduire à de plus justes proportions l'indemnisation accordée à cette dernière.

Par un mémoire enregistré le 5 avril 2018, Mme D... a conclu au rejet de cette requête et, par la voie de l'appel incident, à la condamnation du CHU de Nantes à lui verser la somme totale de 677 767,87 euros.

Par un arrêt avant dire droit n°18NT00775 du 7 février 2020, la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir jugé que l'exception de prescription quadriennale opposée par le centre hospitalier universitaire devait être écartée et que l'expertise ordonnée par le tribunal ne présentait pas d'irrégularité, a ordonné une nouvelle expertise médicale de Mme D....

Par une décision n° 440015 du 29 décembre 2020, le Conseil d'Etat a déclaré non admis le pourvoi en cassation formé par Mme D... à l'encontre de cet arrêt.

L'expert désigné a déposé son rapport le 2 novembre 2020.

Par un mémoire enregistré le 22 janvier 2021 Mme D..., représentée par Me B..., conclut après expertise :

1°) au rejet de la requête du centre hospitalier universitaire de Nantes ;

2°) à la réformation du jugement attaqué ;

3°) à la condamnation du CHU de Nantes à lui verser la somme totale de 677 767,87 euros;

4°) à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Nantes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son déficit fonctionnel permanent doit être évalué à 47,5 % et réparé par le versement de la somme de 179 075 euros ;

- les souffrances endurées doivent être évaluées à 4/7 et réparées par le versement de la somme de 8 000 euros ;

- le préjudice esthétique doit être évalué à 3/7 et réparé par le versement de la somme de 7 000 euros ;

- le préjudice d'agrément est réel puisqu'elle est privée de ses activités de loisirs antérieures ; ce préjudice doit être évalué à 2/7 et réparé par le versement de la somme de 9 000 euros ;

- son besoin d'assistance par une tierce personne doit être apprécié sur la base d'un besoin de 14 h par semaine, à titre viager, et réparé par le versement de la somme de 473 842,87 euros.

Le CHU de Nantes a présenté un mémoire le 8 mars 2021 (non communiqué).

Vu l'ordonnance du vice-président du tribunal administratif de Nantes liquidant et taxant à la somme de 800 euros les frais et honoraires de l'expertise ordonnée le 24 janvier 2017.

Vu l'ordonnance du 10 mars 2021 du président de la cour administrative d'appel liquidant et taxant à la somme de 1 600 euros les frais et honoraires de l'expertise ordonnée le

9 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de Me C..., représentant le CHU de Nantes et de Me B... représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., qui était aide-soignante au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes, a été victime le 8 avril 2004 d'un accident dont l'imputabilité au service a été reconnue. Elle a été admise, à sa demande, à la retraite pour invalidité à compter du 1er janvier 2012. Elle a adressé, le 13 novembre 2013, une demande préalable à son employeur en vue de l'indemnisation des différents préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'accident dont elle a été victime. Elle a formé, après le rejet implicite de cette demande, un recours indemnitaire devant le tribunal administratif de Nantes. Par un jugement du 20 décembre 2017, ce tribunal a condamné le centre hospitalier universitaire de Nantes à indemniser Mme D... à hauteur de 302 800 euros. Le centre hospitalier universitaire de Nantes a relevé appel de ce jugement. Mme D..., par la voie de l'appel incident, a demandé la réformation de ce jugement en ce que les montants qui lui ont été accordés sont insuffisamment élevés.

2. Par un arrêt du 7 février 2020, la cour administrative d'appel, après avoir écarté l'exception de prescription opposée par le centre hospitalier universitaire et jugé qu'aucune irrégularité n'affectait l'expertise ordonnée par le tribunal, a, avant dire droit, ordonné une expertise médicale de Mme D... afin de préciser la nature et l'étendue des séquelles dont elle reste atteinte et leur lien de causalité avec l'accident du 8 avril 2004. L'expert mandaté par la cour a déposé son rapport le 2 novembre 2020.

Sur l'évaluation des préjudices de Mme D... :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

3. Il résulte de l'instruction que le besoin de Mme D... en assistance par une tierce personne non spécialisée est de deux heures par semaine pour les courses et de 1h par jour pour les tâches ménagères, soit 9h hebdomadaires, depuis la date de la consolidation de son état de santé le 1er janvier 2012 jusqu'à celle du présent arrêt.

4. Sur la base de 468h indemnisables par an (9h par semaine x 52 semaines) et d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé à 13,60 euros et en tenant compte d'une année de 412 jours, le préjudice de Mme D... s'élève jusqu'au jour du prononcé du présent arrêt à la somme de 73 753,34 euros.

5. Pour l'avenir, le besoin en assistance de Mme D... mentionné ci-dessus est un besoin viager. Il y a lieu de capitaliser une rente annuelle de 7 179,49 euros euros calculée sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé à 14,21 euros et d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés. Par application d'un coefficient de 36,232 issu du barème 2018 de la Gazette du Palais, correspondant à une victime âgée de

45 ans à la date du présent arrêt, le préjudice de Mme D... s'élève à la somme de 260 127,43 euros.

6. C'est à juste titre que les frais justifiés d'adaptation du véhicule ont été évalués par les premiers juges à 1 500 euros.

7. Enfin, les conclusions de la requérante tendant à ce que les frais qu'elle a engagés à hauteur de 850 euros pour la réalisation d'une expertise privée soit pris en compte doivent être rejetées par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 10 du jugement attaqué.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

8. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise ordonnée par la cour que Mme D... présente un déficit fonctionnel majeur du membre supérieur gauche ainsi que des difficultés importantes de déplacement. Il est également relevé que les antécédents de l'intéressée, tenant notamment à une fracture du coude survenue pendant l'adolescence, qui n'ont pas entraîné de séquelles fonctionnelles, ne contribuent pas au syndrome douloureux chronique régional à type algodystrophie dont elle est atteinte. Dans ce contexte, le déficit fonctionnel permanent qui affecte la requérante doit être évalué à 40 %. Par suite il y a lieu d'indemniser ce préjudice à hauteur de 87 392 euros.

9. Il ressort également du rapport d'expertise que Mme D... souffre d'importantes douleurs résiduelles et est astreinte à suivre régulièrement des séances de kinésithérapie. Les souffrances endurées ont été évaluées par l'expert à 3,5/7. Ce préjudice pourra être réparé par le versement de la somme de 6 000 euros.

10. Le préjudice esthétique de Mme D... tenant à la nécessité dans laquelle elle se trouve de devoir s'aider, pour se déplacer, d'une canne ou d'un fauteuil roulant ainsi qu'à une importante prise de poids, a été évalué par l'expert à 3/7. Il en sera fait une juste évaluation en estimant ce chef de préjudice à 3 500 euros.

11. Enfin la requérante ne justifie d'aucune activité spécifique et pratiquée de manière régulière, autre que des loisirs courants qu'elle partageait avec ses enfants ou ses amis, qui serait de nature à justifier l'indemnisation d'un préjudice d'agrément. Par suite, il n'y a pas lieu d'accorder une indemnisation à ce titre.

12. Il suit de là que la somme de 302 800 euros que le tribunal administratif de Nantes a mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Nantes doit être portée à

432 272,77 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 14 novembre 2013, date de réception par le centre hospitalier universitaire de Nantes de la réclamation préalable présentée par Mme D....

13. Il résulte de tout ce qui précède que le CHU de Nantes n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il lui est défavorable. Mme D... pour sa part est fondée à demander la réformation de ce jugement dans la mesure définie au point 12.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nantes les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Nantes, taxés et liquidés par son président par une ordonnance du 6 juillet 2017 à 800 euros et les frais de l'expertise ordonnée par la cour, taxés et liquidés par le président de la cour administrative d'appel de Nantes par une ordonnance du 10 mars 2021 à 1 600 euros.

15. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nantes le versement à Mme D... de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 302 800 euros que le centre hospitalier universitaire de Nantes a été condamné par le tribunal administratif de Nantes à verser à Mme D... est portée à 432 272,77 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2013.

Article 2 : Le jugement n°1402787 du tribunal administratif de Nantes du 20 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête du CHU de Nantes et le surplus des conclusions présentées devant la cour par Mme D... sont rejetés.

Article 4 : Les frais d'expertise s'élevant à la somme totale de 2 400 euros sont mis à la charge du CHU de Nantes.

Article 5 : Le CHU de Nantes versera à Mme D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Nantes, à Mme E... et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot président de chambre,

- Mme A..., président-assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2021.

Le rapporteur

C. A...

Le président

I. Perrot

Le greffier

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00775


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00775
Date de la décision : 23/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL HOUDART et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-23;18nt00775 ?
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