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20/04/2021 | FRANCE | N°20NT03655

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 20 avril 2021, 20NT03655


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 décembre 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à New Dehli rejetant les demandes de visa de court séjour présentées pour ses enfants mineurs, E... A... et Evan A....

Par un jugement n° 2002023 du 21 septembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejet

sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 4 décembre 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à New Dehli rejetant les demandes de visa de court séjour présentées pour ses enfants mineurs, E... A... et Evan A....

Par un jugement n° 2002023 du 21 septembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 septembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer les visas sollicités, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut, lui enjoindre de réexaminer les demandes.

Il soutient que :

- l'insuffisante motivation de la décision contestée révèle que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas procédé à un examen complet et sérieux de la situation ;

- il n'existe aucun risque de détournement de l'objet des visas ;

- les refus de visa méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les demandes de visa présentées pour ses enfants ne relèvent pas des cas, prévus à l'article L. 213-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans lesquels l'accès au territoire peut être refusé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Des demandes de visa de court séjour ont été sollicitées pour les jeunes E... A... et Evan A..., ressortissants népalais, nés respectivement le 6 octobre 2005 et le 27 juin 2008, afin de rendre visite à leur père, M. A..., ressortissant français. Par une décision du 4 décembre 2019, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé les refus de visa opposés par les autorités consulaires françaises en poste à New-Dehli en se fondant sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires. M. A... relève appel du jugement du 21 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes du 1. de l'article 21 du règlement européen du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas : " Lors de l'examen d'une demande de visa uniforme, le respect par le demandeur des conditions d'entrée (...) est vérifié et une attention particulière est accordée à l'évaluation du risque d'immigration illégale (...) que présenterait le demandeur ainsi qu'à sa volonté de quitter le territoire des Etats membres avant la date d'expiration du visa demandé. ". Aux termes de l'article 32 du même règlement : " 1. (...) le visa est refusé : (...) / b) s'il existe des doutes raisonnables sur (...) la fiabilité des déclarations effectuées par le demandeur ou sur sa volonté de quitter le territoire des États membres avant l'expiration du visa demandé. (...) ".

3. L'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant français, s'est marié en 2009 en France où il réside et où est née sa fille en 2016. Ses deux enfants ainés, nés en 2005 et 2008 d'une précédente union, vivent auprès de leur mère au Népal dont ils sont ressortissants. Le requérant contribue à leur entretien et leur éducation et leur rend régulièrement visite au Népal. En 2019, il a sollicité pour ces derniers la délivrance de visas de court séjour afin, notamment, qu'ils rencontrent leur petite soeur. La commission s'est fondée sur la circonstance que ces " demandeurs mineurs voyageant seuls, âgés de 11 et 13 ans dont le père réside en France " et dont la mère ne serait pas en mesure, sans la contribution financière de M. A..., de pourvoir à leur entretien, n'ont pas, au Népal, d'"intérêts de nature économique, matérielle ou familiale susceptible d'assurer des garanties de retour suffisantes ". Toutefois, les intéressés sont scolarisés au Népal où ils ont vécu toute leur existence avec leur mère. S'il est constant que, ainsi qu'il a été dit, M. A... supporte la charge financière de ses enfants, cette circonstance, en elle-même, ne démontre pas son intention de voir ses enfants s'établir durablement à ses côtés en France. A cet égard, le ministre de l'intérieur ne saurait sérieusement invoquer un risque de contournement de la procédure de regroupement familial alors que M. A... est de nationalité française. Ainsi, alors même qu'il n'est pas prévu que la mère des enfants les accompagne durant leur séjour en France et en dépit de la " déclaration de consentement " du 17 juillet 2014 par laquelle cette dernière a indiqué accepter que M. A... " obtienne la garde légale " de leurs enfants, l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires ne ressort pas des pièces du dossier.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde, que le ministre de l'intérieur délivre aux jeunes E... A... et Evan A... des visas de court séjour. Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans le délai de quarante-cinq jours, à compter de la date à laquelle les séjours envisagés seront compatibles avec les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 septembre 2020 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 4 décembre 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer aux jeunes E... A... et Evan A... des visas de court séjour dans le délai de quarante-cinq jours, à compter de la date à laquelle les séjours envisagés seront compatibles avec les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 avril 2021.

Le rapporteur,

K. C...

Le président,

A. PEREZLe greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20NT03655 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03655
Date de la décision : 20/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : KUGLER HERMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-20;20nt03655 ?
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