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15/04/2021 | FRANCE | N°19NT04654

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 15 avril 2021, 19NT04654


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014 et, à titre subsidiaire, la réduction, par la remise en cause de la majoration de 25 % de la base taxable prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, des cotisations supplémentaires aux contributions sociales auxquelles ils ont ét

é assujettis au titre des années 2012 à 2014.

Par un jugement n° 1701240 du 2 oc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F... E... ont demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014 et, à titre subsidiaire, la réduction, par la remise en cause de la majoration de 25 % de la base taxable prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, des cotisations supplémentaires aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014.

Par un jugement n° 1701240 du 2 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a, d'une part, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014 à concurrence, en droits et pénalités, des sommes de 3 460 euros, 2 860 euros et 622 euros et, d'autre part, rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 novembre 2019 et 17 novembre 2020, M. et Mme E..., représentés par Me Moulière, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- à titre principal, l'action de l'administration était prescrite pour les années 2012 et 2013 : le litige porte sur l'inscription au crédit du compte courant de M. E... en 2012 et 2013, sur la déclaration fiscale de l'établissement stable français, de sommes qui étaient précédemment inscrites au crédit du compte courant d'associé, ouvert au nom de M. E... au sein de la comptabilité, tenue au Canada, pour les années 1997 à 2000, soit avant 2012 et 2013 ; il n'y avait aucun fait générateur d'imposition au titre du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; à titre subsidiaire, ils apportent la preuve de ce que les sommes mises à la disposition de M. E... par la société n'ont pas la nature de distribution mais de remboursement d'apports en compte courant ;

- pour l'année 2014, M. B... a remboursé par erreur une dette qu'il avait auprès de M. E... auprès de la société Tremark technologies Inc ;

- le solde débiteur de 52 021 euros au 31 décembre 2014 et remboursé par la suite n'est pas imposable à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales en application de l'article 111 du code général des impôts et de l'instruction administrative publiée au BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20 n° 190.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 juin 2020 et 28 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour de rejeter la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a créé en 1997, alors qu'il était encore résident fiscal américain, la société de droit canadien Tremark technologies Inc. dont il est l'unique associé et l'administrateur. Cette société possède un établissement stable en France qui n'a débuté son activité qu'à compter d'avril 2007. La société Tremark technologies Inc. a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2012 à 2014 à raison de son établissement stable redevable en France notamment de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, l'administration a soumis à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et entre les mains de M. E..., devenu résident fiscal français, des sommes constatées sur le compte courant d'associé détenu par M. E... dans la comptabilité de l'établissement français de la société. M. et Mme E... ont contesté ces rectifications, notifiées selon la procédure contradictoire le 30 novembre 2015, dans des observations formulées le 28 janvier 2016. L'administration les a maintenues dans sa réponse du 29 février 2016 et a procédé à la mise en recouvrement des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en résultant. M. et Mme E... ont présenté une réclamation contentieuse le 25 novembre 2016 qui a été rejetée par le service le 11 janvier 2017. Ils ont contesté, devant le tribunal administratif de Rennes, le bien-fondé des impositions établies sur des sommes portées au crédit du compte courant d'associé de M. E..., ainsi que l'imposition du solde déficitaire de ce compte courant au 31 décembre 2014. Par un jugement du 2 octobre 2019, le tribunal a, d'une part, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014 à concurrence, en droits et pénalités, des sommes de 3 460 euros, 2 860 euros et 622 euros et, d'autre part, rejeté le surplus de leur demande. Ils font appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'imposition des revenus imposés au titre des années 2012 et 2013 :

S'agissant de la prescription :

2. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) ". Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes du 1° du 3 de l'article 158 de ce code : " Les revenus de capitaux mobiliers comprennent tous les revenus visés au VII de la 1ère sous-section de la présente section, (...). Lorsqu'ils sont payables en espèces les revenus visés au premier alinéa sont soumis à l'impôt sur le revenu au titre de l'année soit de leur paiement en espèces ou par chèques, soit de leur inscription au crédit d'un compte. ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, sont celles qui, au cours de cette année, ont été mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription à un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré, ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Ces revenus sont présumés distribués à la date de clôture de l'exercice au terme duquel leur existence a été constatée, sauf si le contribuable ou l'administration apportent des éléments de nature à établir que la distribution a été, en fait, soit postérieure, soit antérieure à cette date.

3. Il résulte de l'instruction que des transferts d'argent ont eu lieu en 2012 et 2013, respectivement à hauteur de 80 007 euros et 69 100 euros, au crédit du compte courant d'associé de M. E..., mentionné dans la comptabilité de l'établissement stable français Tremark technologies et portant le n° 45510000. Ces transferts ont été également inscrits, pour ces deux années, au débit puis au crédit, du même compte courant d'associé, dans la comptabilité de la société canadienne Tremark technologies Inc., avec notamment les mentions " transfert CCT France ". Les requérants, en produisant les livres comptables à compter de l'exercice clos le 31 mars 2009, établissent que le compte courant d'associé de M. E... n° 45510000 mentionné dans la comptabilité de la société canadienne était, pour les années 2009 à 2011, déjà créditeur de sommes au moins égales à celles transférées en 2012 et 2013 et que les sommes en cause étaient donc à la disposition de M. E... avant 2012. Toutefois, il en a ensuite changé l'affectation, en 2012 et 2013, en les transférant de la société canadienne à son établissement français. Dès lors que ces sommes étaient mises à sa disposition non plus par la société canadienne mais par l'établissement français et qu'elles avaient ainsi été inscrites, en 2012 et 2013, au crédit du compte courant d'associé de M. E... figurant dans la comptabilité de l'établissement français, qui était notamment soumise à l'impôt sur les sociétés, l'administration pouvait, en 2015, exercer son droit de reprise sur ces sommes et les requérants ne sont pas fondés à demander la décharge correspondante.

S'agissant de l'application de l'article 109 du code général des impôts :

4. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé et ont donc le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.

5. Comme le fait valoir l'administration, les requérants sont tenus de justifier de la remise des sommes à l'emprunteur, y compris si le délai de conservation des justificatifs est atteint, dès lors qu'ils demeurent soumis à l'obligation de justifier de l'origine et de la nature des sommes avancées ou prêtées. Les requérants soutiennent que les sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé de M. E... correspondent à des sommes versées par ce dernier lors de la création de la société canadienne Tremark technologies Inc. (de 1997 à 2000) à partir de son compte bancaire personnel. Toutefois, les pièces produites, et notamment les relevés de portefeuille de titres et les états des avoirs établissent uniquement la capacité financière de M. et Mme E... mais ne font pas le lien avec la société Tremark technologie Inc. L'attestation d'un expert-comptable du 10 novembre 2020 ne saurait être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme suffisante à établir ce remboursement de la part de la société Tremark technologies Inc. Les requérants produisent également, en appel, un relevé de compte du Crédit suisse, de juillet 1999, mentionnant un virement du compte bancaire personnel de M. E... en faveur de Tremark technologies Inc. de 25 925,28 euros (170 060 francs). Cependant, comme le fait valoir l'administration, ce document ne précise pas s'il s'agit de la société Trenmark technologies Inc. ou de son établissement stable français, qui existent tous deux depuis 1997. Par suite, M. et Mme E... n'établissent pas que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'imposition des revenus imposés au titre de l'année 2014 :

S'agissant de la somme imposée de 15 750 euros :

6. Deux sommes, de 10 000 euros d'une part et de 5 750 euros d'autre part, ont été inscrites, le 21 janvier 2014, au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. E... dans les livres de l'établissement Tremark technologies Inc. France, sous l'intitulé " Vir Ronald Wischma Krones ". Les requérants soutiennent que M. B... a remboursé, par erreur, une dette qu'il avait auprès de M. E..., non pas auprès de lui directement mais auprès de la société Tremark technologie Inc. Il est vrai qu'au vu des écritures comptables, le crédit du compte courant d'associé des sommes précitées est suivi, moins d'un mois après, d'un débit des sommes correspondantes vers le compte bancaire personnel de M. E.... Cependant, ce seul élément ne suffit pas à établir qu'il ne s'agit que du remboursement d'une dette auprès de M. E.... Dès lors, l'administration a pu estimer, à bon droit, sur le fondement des dispositions de l'article 109 du code général des impôts, que les deux virements correspondaient à des revenus distribués.

S'agissant de la somme imposée de 52 021 euros :

Quant à l'application de la loi fiscale :

7. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. / Nonobstant toutes dispositions contraires, lorsque ces sommes sont remboursées postérieurement au 1er janvier 1960, à la personne morale qui les avait versées, la fraction des impositions auxquelles leur attribution avait donné lieu est restituée aux bénéficiaires ou à leurs ayants cause dans des conditions et suivant des modalités fixées par décret (...) ".

8. Il est constant que le compte courant d'associé ouvert au nom de M. E... dans les livres comptables de l'établissement Tremark technologies France, sous le numéro 45510000 et intitulé " C/CT E... ", présentait, au 31 décembre 2014, un solde débiteur à hauteur de 52 021 euros. Dès lors, cette somme devait être regardée comme une avance constituant des revenus distribués en application du premier alinéa du a du 1 de l'article 111 du code général des impôts. La circonstance, à la supposer établie, que cette somme aurait été remboursée le 31 mars 2015 est sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition contestée pour l'année 2014 et autorisait seulement M. E... à demander la restitution prévue par le deuxième alinéa du a de l'article 111 du code général des impôts. Il en est de même de la circonstance qu'un remboursement est intervenu en février 2016 lors de la mise en paiement des dividendes déclarés au titre de l'année 2016.

Quant à l'interprétation administrative de la loi fiscale :

9. Les requérants se prévalent du point 190 de l'instruction publiée au BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20 dans son édition du 12 septembre 2012, aux termes duquel : " Lorsque l'Administration découvre qu'une avance taxable a été intégralement remboursée, on peut admettre, à titre de règle pratique, qu'il n'y a pas eu de distribution de revenus s'il apparaît que le remboursement a été opéré à une date antérieure à celle de la réception, par la société, de l'avis de vérification (...) ". Les requérants soutiennent que l'avis de vérification de comptabilité de l'établissement français Tremark technologies a été reçu le 23 juillet 2015 alors qu'un remboursement du solde débiteur compte courant d'associé ouvert au nom de M. E... a été effectué le 31 mars 2015, par débit du compte courant du frère de M. E.... Toutefois, l'écriture comptable dont ils font état porte le libellé " recl compte ", correspondant ainsi à un simple reclassement de comptes, et ne retraçant pas le remboursement effectif de la somme en litige, au sens de l'instruction dont ils se prévalent.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de leur demande.

Sur les frais liés au litige :

11. L'Etat n'étant pas la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. et Mme E... sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.

La rapporteure,

P. PicquetLe président,

F. Bataille

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT04654

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT04654
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : CABINET FIDAL (QUIMPER)

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-15;19nt04654 ?
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