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15/04/2021 | FRANCE | N°19NT02763

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 15 avril 2021, 19NT02763


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Alone et Co a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1700605 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 juillet 2019, 10 mars 2

020 et 23 mars 2021, la SARL Alone et Co, représentée par Me C...-D..., demande à la cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Alone et Co a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1700605 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 juillet 2019, 10 mars 2020 et 23 mars 2021, la SARL Alone et Co, représentée par Me C...-D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la détermination de la valeur vénale des parts de la société Soreal-Ilou au prix unitaire d'un euro a permis d'impliquer M. B... dans le développement de cette société ;

- le prix unitaire de cession à un euro a été fixé par la promesse d'achat d'actions, conclue entre elle et M. B... le 14 mars 2009 ;

- le chiffre d'affaires de la société Soreal-Ilou a augmenté d'une manière significative au cours des quatre exercices 2008 à 2011 du fait de l'action commerciale et de la compétence de M. B... ;

- elle ne s'est pas appauvrie ; elle n'a pas pris de décision contre son propre intérêt ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 janvier 2020 et 16 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la SARL Alone et Co ne sont pas fondés ;

- compte tenu de l'écart significatif entre le prix reçu par rapport à la valeur vénale de l'actif cédé et des stipulations de la promesse d'achat d'actions conclue entre elle et M. B... le 14 mars 2009 qui n'écartaient pas le risque de reconnaissance de l'existence d'un acte anormal de gestion par l'administration, la majoration pour manquement délibéré est justifiée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la société requérante.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Alone et Co qui exerce, d'une part, une activité de gestion de titres et de prise de participations et, d'autre part, une activité de prestations de services auprès de ses filiales a, le 24 février 2011, vendu à M. B..., son directeur commercial, les 100 270 parts qu'elle détenait dans le capital de la société par actions simplifiée (SAS) Soreal-Ilou pour un prix unitaire d'un euro. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, l'administration a considéré que cette vente était constitutive d'un acte anormal de gestion compte tenu d'un prix anormalement bas. Elle a notifié à la SARL Alone et Co des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2011 et 2012. Après avoir vainement demandé à l'administration fiscale la décharge de ces impositions supplémentaires, la société a porté le litige devant le tribunal administratif de Rennes qui, par un jugement du 15 mai 2019, a rejeté sa demande. Elle relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

2. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.

3. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.

4. La valeur vénale d'actions non cotées en bourse sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L'évaluation des titres d'une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires. En l'absence de telles transactions, elle peut légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes alternatives.

5. Il résulte notamment du rapport du commissaire aux comptes du 11 février 2011, soit quelques jours avant la cession des parts de la SAS Soreal-Ilou, le 24 février 2011, par la SARL Alone et Co à M. B..., son directeur commercial, que la valeur vénale d'une part de la SAS Soreal-Ilou était égale à 3,838 euros. C'est ce prix qui a été d'ailleurs convenu tant lors de transactions similaires portant sur les parts de la SAS Soreal-Ilou, par apport le 15 février 2011 ou par vente le 24 février 2011, que lors de la revente par M. B... le jour même des parts de la SAS Soreal-Ilou à la SARL Fifty Win. Ainsi, l'administration a pu valablement estimer que la cession, par la SARL Alone et Co à M. B..., pour un prix unitaire d'un euro, des parts de la SAS Soreal-Ilou présentait le caractère d'une libéralité constitutive d'un acte anormal de gestion compte tenu de l'écart significatif du prix reçu par rapport à la valeur vénale de l'actif cédé, soit près de quatre fois inférieur, sauf pour la société à justifier que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.

6. La société soutient qu'elle a été contrainte de vendre au prix d'un euro, s'y étant engagée par la promesse d'achat d'actions, conclue entre elle et M. B... le 14 mars 2009. Toutefois, elle ne se prévaut pas ainsi d'une contrainte externe. Par ailleurs, elle fait valoir qu'elle a tiré une contrepartie de cet appauvrissement dès lors que cette vente avait pour but d'impliquer M. B... dans le développement de cette société et que le chiffre d'affaires de la société Soreal-Ilou a effectivement augmenté d'une manière significative au cours des quatre exercices 2008 à 2011 du fait de l'action commerciale et de la compétence de M. B.... Toutefois, la promesse d'achat ne mentionnait aucun engagement de M. B... en contrepartie de l'engagement de la société. En tout état de cause, aucun élément du dossier ne permet d'établir une augmentation du chiffre d'affaires de la SAS Soreal-Ilou qui serait seulement ou principalement fondée sur l'action et les compétences de M. B... à compter du 24 février 2011.

7. Il suit de là que la SARL Alone et Co ne démontre pas que son intérêt était de vendre les parts de la SAS Soreal-Ilou à un euro en 2011 et qu'elle ne pouvait pas faire autrement.

Sur les pénalités :

8. L'administration, en se fondant sur l'écart significatif entre le prix reçu par rapport à la valeur vénale de l'actif cédé et sur l'absence de contrepartie apporte la preuve, dont la charge lui incombe, de la volonté de la société requérante d'éluder l'impôt et, par suite, du manquement délibéré justifiant la majoration prévue à l'article L. 1729 du code général des impôts.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Alone et Co n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Alone et Co est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Alone et Co et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.

Le rapporteur,

J.E. A...Le président,

F. Bataille

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02763


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02763
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SCP BONDIGUEL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-15;19nt02763 ?
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