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09/04/2021 | FRANCE | N°18NT03866

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 09 avril 2021, 18NT03866


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 18NT03866 du 6 février 2020 la cour, saisie par Mme D... d'une requête tendant à la réformation du jugement n°1505939 du 18 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a condamné l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen de Quimper à lui verser la somme de 6 000 euros au titre des préjudices qu'elle a subis du fait de l'accident de service dont elle a été victime le 8 mai 2005, après avoir écarté la responsabilité pour faute de cet établissement de santé, a ordonné avant dire droit une experti

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Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 18NT03866 du 6 février 2020 la cour, saisie par Mme D... d'une requête tendant à la réformation du jugement n°1505939 du 18 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a condamné l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen de Quimper à lui verser la somme de 6 000 euros au titre des préjudices qu'elle a subis du fait de l'accident de service dont elle a été victime le 8 mai 2005, après avoir écarté la responsabilité pour faute de cet établissement de santé, a ordonné avant dire droit une expertise afin de " (...) distinguer les préjudices résultant de manière directe et certaine de l'accident de service du

8 mai 2005 de ceux qui sont (...) susceptibles d'avoir une autre cause. ".

Par une ordonnance du 18 mars 2020, le président de la cour administrative d'appel de Nantes a désigné un médecin psychiatre en qualité d'expert.

Le rapport d'expertise a été enregistré le 11 août 2020 au greffe de la cour.

Par un mémoire enregistré le 6 octobre 2020 l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen, représenté par Me G..., maintient ses conclusions tendant au rejet de la requête et fait valoir que :

- l'expertise a été menée dans des conditions méconnaissant les dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative, puisqu'il n'a pas été convoqué aux opérations d'expertise et n'a pas pu prendre connaissance des observations de Mme D... ;

- la responsabilité sans faute de l'établissement doit être écartée, dès lors que

Mme D... avait connaissance du contexte dans lequel elle travaillait, que le centre hospitalier a réagi sans délai à la suite de l'incident et a pris en considération ses demandes.

Par une ordonnance du 2 octobre 2020, le président de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise à la somme de 1 100 euros.

Un nouveau rapport d'expertise a été enregistré le 26 janvier 2021 au greffe de la cour.

Par un mémoire enregistré le 23 février 2021 Mme D..., représentée par Me A..., maintient ses conclusions antérieures par les mêmes moyens.

Par un mémoire enregistré le 25 février 2021, l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen maintient ses conclusions aux fins de rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de Me F..., représentant Mme D..., et de Me E..., représentant l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen.

Une note en délibéré présentée pour l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen a été enregistrée le 2 avril 2021.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité de l'expertise :

1. Il résulte de l'instruction que l'expert, à la demande de la cour, a repris les opérations d'expertise de manière à assurer le respect du contradictoire et qu'il a en particulier convoqué l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen à la réunion d'expertise qu'il a organisée le 11 décembre 2020, réunion au cours de laquelle le représentant de cet établissement de santé a pu prendre connaissance des documents et observations de la partie adverse. Le rapport d'expertise rendu le 21 janvier 2021 sur la base de cette réunion doit donc être regardé comme établi à l'issu d'une procédure régulière.

Sur l'étendue de la responsabilité de l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen :

2. Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice.

3. Il résulte de l'instruction, en particulier des conclusions de l'expertise diligentée par la cour, que Mme D... souffre d'un stress post-traumatique provoqué par l'accident de service dont elle a été victime le 8 mai 2005. Selon l'expert désigné, et contrairement à ce que soutient l'EPSM Etienne Gourmelen, " Il n'existe pas chez l'intéressée de pathologie psychiatrique indépendante de cet événement et antérieure à celui-ci. ". Par suite, les préjudices dont Mme D... demande la réparation sont exclusivement imputables à l'accident de service. L'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen doit donc être condamné à réparer intégralement, au titre de sa responsabilité sans faute, les préjudices personnels de la requérante ainsi que ses préjudices patrimoniaux, hors les pertes de revenus et incidence professionnelle qui ont déjà été réparées par la rente d'invalidité qu'elle perçoit.

Sur les préjudices :

4. Il résulte de l'instruction que Mme D..., dont l'état de santé est consolidé depuis le 1er décembre 2015, a subi un déficit fonctionnel de 25% du 8 mai au 18 décembre 2005, de 10 % du 18 décembre 2005 au 15 janvier 2009, de 50% du 16 janvier 2009 au 24 février 2012, du 3 mars 2012 au 30 juillet 2013 et du 10 août 2013 au 1er décembre 2015 et de 100% du 24 février au 2 mars 2012 et du 30 juillet au 9 août 2013. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen à lui verser la somme de 18 000 euros.

5. Il résulte de l'instruction que Mme D... subit, en raison de sa pathologie, divers troubles dans ses conditions d'existence, notamment sur les plans affectif et sexuel, qui seront justement évalués à la somme de 110 000 euros, somme incluant à hauteur de 107 000 euros la réparation d'un déficit fonctionnel permanent fixé à 44% par la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

6. Il résulte de l'instruction que la dégradation de l'état de santé de Mme D... a eu pour elle des répercussions négatives, notamment sur sa vie familiale et conjugale. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral qui en est résulté en lui accordant la somme de 3 000 euros.

7. Mme D... n'a déclaré ni en première instance ni en appel qu'elle entendait introduire également son recours au nom de ses enfants mineurs. Elle n'est donc pas recevable à demander la réparation de leur préjudice d'affection.

8. Il résulte de ce qui précède que la somme de 6 000 euros que le tribunal administratif de Rennes a condamné l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen à verser à Mme D... doit être portée à 131 000 euros.

Sur les intérêts :

9. Mme D... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 131 000 euros à compter du 30 septembre 2015, date de notification de sa réclamation préalable à l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu de mettre à la charge de l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen les frais d'expertise taxés et liquidés par l'ordonnance du 2 octobre 2020 du président de la cour à la somme de 1 100 euros.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme D..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen la somme de 1 500 euros à verser au conseil de Mme D... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 6 000 euros que le tribunal administratif de Rennes a condamné l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen à verser à Mme D... est portée à 131 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2015.

Article 2 : Le jugement n°1505939 du tribunal administratif de Rennes du 18 avril 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête ainsi que les conclusions présentées par l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Les frais de l'expertise, arrêtés à la somme de 1 100 euros, sont mis à la charge de l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen.

Article 5 : L'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen versera au conseil de Mme D... la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à l'établissement public de santé mentale Etienne Gourmelen et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Brisson, président assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2021.

Le rapporteur

E. C...Le président

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18NT03866


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03866
Date de la décision : 09/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL VALADOU JOSSELIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-09;18nt03866 ?
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