Vu la procédure suivante :
Par un arrêt n°18NT00152 du 6 décembre 2019 la cour, après avoir annulé pour irrégularité le jugement n° 1502452 du tribunal administratif de Nantes du 15 novembre 2017 qui avait rejeté le recours de Mme C... B..., M. G... B... et Mme E... B... tendant à ce que soient réparés les préjudices qu'ils estiment avoir subis lors de la naissance de cette dernière, a ordonné une nouvelle expertise afin de déterminer si les conditions de prise en charge de la mère et du nouveau-né par le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes avaient été conformes aux règles de l'art.
Par une ordonnance du 6 janvier 2020, le président de la cour administrative d'appel de Nantes a désigné un gynécologue-obstétricien et un pédiatre en qualité d'experts.
Le rapport d'expertise a été enregistré le 25 janvier 2021 au greffe de la cour.
Par une ordonnance du 3 février 2021, le président de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise à la somme de 3 640 euros.
Par des mémoires enregistrés les 9 février 2021 et 19 mars 2021 (non communiqué) le CHU de Nantes a fait part de ses observations après expertise.
Par un mémoire enregistré le 11 mars 2021 Mme C... B... et autres ont fait part de leurs observations après expertise. Ils demandent en outre que soit ordonnée une expertise complémentaire afin d'évaluer les préjudices de Margaux B.... Ils soutiennent que l'expertise ordonnée par la cour, qui comporte de graves lacunes, doit être écartée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de Me A..., représentant Mme B... et autres, et de Me F..., représentant le CHU de Nantes.
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité de l'expertise :
1. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les experts ont accepté une première fois de repousser au 17 septembre 2020 la date de la réunion de l'expertise, initialement fixée au 18 juin 2020, pour permettre aux requérants d'être accompagnés d'un médecin-conseil gynécologue exerçant en Suisse. Celui-ci n'ayant finalement pas pu se rendre disponible, la réunion du 17 septembre 2020 s'est tenue sans sa présence. Cette circonstance n'est toutefois pas de nature à rendre l'expertise irrégulière, dès lors qu'il est constant que les parties ont été régulièrement convoquées et étaient d'ailleurs présentes à la réunion du 17 septembre 2020.
2. En deuxième lieu, la circonstance que les experts ont rappelé dans leur rapport que l'un des médecins assistant les requérants est le frère de Mme B... ne révèle aucune volonté de discréditer ce médecin et, ainsi, de nuire à l'une des partie, et n'est pas de nature à entacher leur travail de partialité.
3. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction, en particulier du déroulement de l'expertise et du contenu du rapport des experts, que ceux-ci ont d'ailleurs pris soin de faire précéder d'un rapport d'étape pour permettre aux parties de présenter des observations, que le principe du contradictoire aurait été méconnu.
4. Il résulte de ce qui précède que l'expertise enregistrée le 21 janvier 2021 au greffe de la cour n'est pas irrégulière.
Sur la responsabilité du CHU de Nantes :
5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".
6. Les requérants soutiennent que les prises en charge de Mme C... B... et de Margaux B... ont été fautives et révèlent une mauvaise organisation du service. Ils invoquent également la mauvaise tenue du dossier médical de Mme B....
En ce qui concerne la prise en charge de Mme C... B... :
7. Mme B..., âgée de 37 ans, a été admise le 26 juillet 1999 à 7h05 au CHU de Nantes et a accouché à 7h40 d'une petite fille en état de mort apparente qui a pu être réanimée mais qui reste atteinte de graves séquelles neurologiques.
8. Il résulte de l'instruction que les antécédents de Mme B... étaient marqués par deux grossesses extra-utérines et plusieurs fausses couches spontanées, qu'elle ressentait de violentes douleurs le jour de son accouchement, différentes selon elle des contractions utérines, et que le médecin qui avait suivi sa grossesse au CHU de Nantes avait indiqué sur son dossier " m'appeler pour l'accouchement ". Les requérants en déduisent, se fondant également sur le résultat du premier examen du rythme cardiaque du foetus révélant une décélération à 90 battements par minute, que la mère devait être prise en charge par un médecin obstétricien dès son admission au CHU de Nantes, plutôt que par une sage-femme.
9. Il résulte toutefois de l'instruction, en particulier du rapport des experts mandatés par le président de la cour, que le suivi de la grossesse de Mme B... n'avait rien révélé d'anormal justifiant qu'elle soit considérée comme une grossesse à risque, nécessitant de ce fait une prise en charge particulière le jour de l'accouchement, et que le souhait du médecin d'être prévenu s'explique uniquement par la situation particulière de Mme B..., qui avait échoué plusieurs fois par le passé dans ses tentatives de grossesse et avait recouru à la procréation médicalement assistée. Il résulte également de l'instruction que les fortes douleurs que Mme B... indique avoir ressenties à partir de 6h45 ne constituaient pas, dans un contexte d'accouchement en cours se déroulant très rapidement, un élément justifiant la présence d'un médecin obstétricien, pas plus que la décélération très limitée du rythme cardiaque du foetus, enregistrée pendant une minute entre 7h15 et 7h23.
10. Les requérants reprochent également à la sage-femme du CHU de Nantes de n'avoir pas diagnostiqué pendant l'accouchement de Mme B... l'hématome rétro-placentaire dont elle a probablement souffert, diagnostic qui aurait justifié le recours en urgence à un médecin de garde. Toutefois il résulte de l'instruction que Mme B... ne présentait qu'une partie des symptômes associés à cette pathologie, de sorte que son diagnostic n'a pu être posé, au demeurant comme une hypothèse et non comme une certitude, qu'après l'accouchement, au vu notamment de l'aspect du placenta. Ainsi que l'indiquent les experts, il n'était donc pas possible d'envisager ce diagnostic pendant l'accouchement de Mme B....
11. Enfin, si les requérants soutiennent qu'une activité utérine anormale marquée par des contractions hypertoniques justifiait l'intervention d'un médecin dès les premières minutes de la prise en charge de Mme B..., il résulte du rapport d'expertise que l'enregistrement des contractions, quel que soit leur nombre exact, permettait de constater un retour à la ligne de base et un bon relâchement entre elles, ce qui permet d'exclure l'existence d'une hypertonie.
12. Il résulte de ce qui précède que le CHU de Nantes n'a pas commis, à l'occasion de la prise en charge de Mme B..., de faute de nature à engager sa responsabilité.
En ce qui concerne la prise en charge de Margaux B... :
13. Il résulte de l'instruction, alors même que des corrections d'horaires de quelques minutes ont été apportées sur les documents de surveillance du travail, que la sage-femme, constatant une décélération franche du rythme cardiaque foetal à partir de 7h29, a appelé l'obstétricien de garde quatre minutes plus tard, à 7h33. Les requérants soutiennent que cet appel aurait dû intervenir plus vite et qu'un médecin réanimateur devait être présent dès la naissance de Margaux B..., à 7h40, ce qui aurait permis de l'intuber plus rapidement.
14. Il résulte toutefois de l'instruction, en particulier du rapport des experts mandatés par la cour, que le temps de réaction de la sage-femme, après la constatation de la dégradation de l'état de santé du foetus, est conforme aux recommandations en vigueur au moment des faits, et que les soins administrés à Margaux B... à sa naissance ont permis de restaurer rapidement son activité cardio-circulatoire et d'assurer son oxygénation par une ventilation manuelle au masque, de sorte qu'il n'y avait pas d'indication en faveur d'une intubation immédiate. Il est par ailleurs constant qu'un pédiatre réanimateur a été appelé dès 7h40, est arrivé 7mn plus tard et qu'une intubation du nouveau-né a été réalisée à 7h50, ce qui selon les experts ne traduit aucune faute de prise en charge.
15. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas davantage fondés à soutenir que le CHU aurait commis une faute lors de la prise en charge de Margaux B... à sa naissance.
En ce qui concerne l'organisation et le fonctionnement du service :
16. Il résulte de ce qui a été indiqué aux points précédents qu'aucune faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de santé ne peut être reprochée au CHU de Nantes à l'occasion de la prise en charge de Mme B... et de sa fille Margaux.
En ce qui concerne la tenue du dossier médical de Mme B... :
17. Il ne résulte pas de l'instruction que les ratures, erreurs et recopiages de données qui émaillent le dossier médical de Mme B... auraient eu une incidence sur les conditions de son accouchement et les dommages subis par elle et par sa fille. La responsabilité du CHU de Nantes ne saurait donc être recherchée pour ce motif.
18. Il résulte de tout ce qui précède que le CHU de Nantes n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité envers les requérants. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête tendant à ce que cet établissement de santé soit condamné à leur verser une indemnité provisionnelle et à ce que soit ordonnée une expertise complémentaire doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre définitivement à la charge des requérants les frais des expertises ordonnées par le président du tribunal administratif de Nantes et par celui de la cour, arrêtés à la somme totale de 6 040 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... et autres est rejetée.
Article 2 : Les frais des expertises ordonnées par le tribunal administratif de Nantes et par la cour, arrêtés à la somme totale de 6 040 euros, sont mise à la charge définitive de Mme B... et autres.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à M. G... B..., à Mme E... B..., au CHU de Nantes, à la CPAM de Loire-Atlantique et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2021.
Le rapporteur
E. D...Le président
I. PerrotLe greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00152