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02/04/2021 | FRANCE | N°20NT02724

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 02 avril 2021, 20NT02724


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D..., agissant en qualité de représentant légal de son enfant mineur C... G... D..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé le 7 octobre 2019 contre la décision des autorités consulaires françaises au Togo du 25 juin 2019 refusant de délivrer un visa de court séjour en qualité de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne à

la jeune C... G... D..., ainsi que cette décision consulaire.

Par un jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D..., agissant en qualité de représentant légal de son enfant mineur C... G... D..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé le 7 octobre 2019 contre la décision des autorités consulaires françaises au Togo du 25 juin 2019 refusant de délivrer un visa de court séjour en qualité de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne à la jeune C... G... D..., ainsi que cette décision consulaire.

Par un jugement n° 2001585 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er septembre 2020, M. B... D..., agissant en qualité de représentant légal de son enfant mineur C... G... D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er juillet 2020 ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à la jeune C... G... D... un visa de court séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer la demande de visa de l'intéressée à l'intérieur du même délai sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

­ la décision contestée est insuffisamment motivée ;

­ la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

­ la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 5 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, en date du 29 avril 2004 ;

­ la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant au lien de filiation entre M. D... et sa fille, Amira G... D... eu égard aux actes d'état-civil produits ;

­ la décision attaquée méconnaît les stipulations du paragraphe 1er de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

­ la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, en date du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;

­ le code civil ;

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. La jeune C... G... D..., née le 13 mai 2003 à Kpalimé (Togo) a sollicité des autorités consulaires françaises au Togo un visa de court séjour en qualité de membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne pour rejoindre M. B... D..., ressortissant italien né le 6 avril 1973 à Accra (Ghana), qu'elle présente comme son père. Par une décision du 25 juin 2019, les autorités consulaires françaises au Togo ont refusé de délivrer le visa de court séjour sollicité. Le recours formé contre cette décision a été rejeté par une décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. M. D..., agissant en qualité de représentant légal de sa fille, Amira G... D..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette dernière décision ainsi que la décision consulaire. Par un jugement du 1er juillet 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par la requête visée ci-dessus, M. B... D... doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / (...) 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 121-3 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° (...) de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / (...) ". Aux termes de l'article R. 121-1 du même code : " Tout ressortissant mentionné au premier alinéa de l'article L. 121-1 muni d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité est admis sur le territoire français, à condition que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public. / Tout membre de sa famille mentionné à l'article L. 121-3, ressortissant d'un Etat tiers, est admis sur le territoire français à condition que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il soit muni, à défaut de titre de séjour délivré par un Etat membre de l'Union européenne portant la mention " Carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " en cours de validité, d'un passeport en cours de validité, d'un visa ou, s'il en est dispensé, d'un document établissant son lien familial. L'autorité consulaire lui délivre gratuitement, dans les meilleurs délais et dans le cadre d'une procédure accélérée, le visa requis sur justification de son lien familial. Toutes facilités lui sont accordées pour obtenir ce visa. "

3. Il résulte de ces dispositions que, conformément aux objectifs de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 visée ci-dessus, l'autorité administrative, saisie d'une demande de visa d'un membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne, ressortissant d'un Etat tiers, et souhaitant rejoindre ce dernier présent sur le territoire français, est tenue, sous réserve que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, de délivrer le visa d'entrée et de séjour requis, dans le cadre d'une procédure accélérée et sur justification du lien familial.

4. Pour refuser de délivrer à la jeune C... G... D... le visa de court séjour qu'elle sollicitait, les autorités consulaires au Togo se sont fondées sur le moyen tiré de ce que le document d'état civil produit à l'appui de la demande en vue d'établir le lien familial présente les caractéristiques d'un document qui n'est pas authentique et/ou ne constitue pas une preuve suffisante de l'existence d'un lien familial. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie le 7 octobre 2019, d'une demande d'annulation de la décision des autorités consulaires. En l'absence de toute production d'observations en défense tant en première instance qu'en appel, l'administration doit être regardée comme s'étant appropriée le motif retenu par les autorités consulaires.

5. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. M. B... D... produit pour la première fois en appel, outre le passeport de l'intéressée, l'extrait d'acte de naissance n°898 de l'année 2003 de la jeune C... G... D... dressé par l'officier de l'état civil de la commune de Kpalimé. Il résulte de cet acte, dont le caractère authentique n'est pas contesté par l'administration, que l'intéressée a pour père M. B... D.... Par suite, le requérant est fondé à soutenir que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en refusant de délivrer à la jeune C... G... D... le visa qu'elle sollicitait.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en tant qu'elle concluait à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde, que le ministre de l'intérieur délivre un visa de court séjour à la jeune C... G... D.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. B... D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er juillet 2020 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande dirigée contre la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France confirmant le refus de visa opposé à la jeune C... G... D....

Article 2 : La décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant un visa de court séjour à la jeune C... G... D... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à la jeune C... G... D... un visa de court séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions de M. B... D... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseur ;

- M. A...'hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2021.

Le rapporteur,

M. F...Le président,

A. PEREZ

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02724


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02724
Date de la décision : 02/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. Entrée en France. Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : VIBOUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-02;20nt02724 ?
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