Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 pour un montant de 57 100 euros, de condamner l'agent vérificateur et le conciliateur fiscal du Calvados sur le fondement de plusieurs dispositions du code pénal, de condamner l'Etat à leur verser la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1401188 du 16 juillet 2019, le tribunal administratif de Caen a donné acte du désistement de leurs conclusions tendant à la mise en oeuvre de diverses dispositions du code pénal à l'égard des agents publics incriminés et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 1er) et rejeté le surplus de leur demande (article 2).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2019, et par un mémoire, non communiqué, enregistré le 12 mars 2021, M. et Mme B..., représentés par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 8 000 euros en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi ;
4°) de condamner l'Etat à leur verser des intérêts moratoires à compter du 10 août 2011 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 950 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les consommations des fluides, la déclaration d'ouverture du chantier de la maison d'habitation du 22 avril 2008, la déclaration d'achèvement des travaux du 2 avril 2009 et leur déclaration H1 pour leur habitation déclarant une utilisation effective le 2 avril 2009 démontrent que le bien cédé était leur résidence principale et effective au 23 juin 2009 ; ces éléments justifient ainsi l'exonération de la plus-value immobilière sur le fondement des dispositions du 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts ;
- compte tenu du niveau faible de leurs revenus, ils peuvent bénéficier de la même exonération sur le fondement des dispositions du III de l'article 150 U du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires de M. et Mme B... sont irrecevables dans le cadre d'un contentieux tendant à la décharge ou réduction d'un impôt ;
- les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... ont fait construire une maison d'habitation au Torquesne (Calvados) et l'ont cédée le 23 juin 2009 à la société civile de placements immobiliers (SCPI) B..., créée le 1er avril 2009, en se prévalant, sur le fondement des dispositions du 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts, de l'exonération de la plus-value réalisée. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause cette exonération au motif que les intéressés n'occupaient pas ce bien immobilier à titre de résidence principale au moment de la cession. M. et Mme B... relèvent appel de l'article 2 du jugement du 16 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009.
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
2. Aux termes de l'article R. 772-1 du code de justice administrative : " Les requêtes en matière d'impôts directs et de taxe sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées dont l'assiette ou le recouvrement sont confiés à la direction générale des impôts sont présentées, instruites et jugées dans les formes prévues par le livre des procédures fiscales. / Les requêtes relatives aux taxes dont le contentieux ressortit à la juridiction administrative et autres que celles qui sont mentionnées à l'alinéa 1 sont, sauf disposition spéciale contraire, présentées et instruites dans les formes prévues par le présent code. ". Ces dispositions s'opposent à ce que des demandes de dommages et intérêts puissent être jointes aux demandes de décharge ou réduction d'impôts du fait qu'elles sont jugées selon des règles de procédure différentes. Les conclusions indemnitaires présentées par M. et Mme B... en réparation d'un préjudice moral qu'ils auraient subi ne sont ainsi pas recevables. Dès lors, il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance à ces conclusions qui sont, au surplus et en tout état de cause, irrecevables car nouvelles en appel.
Sur les conclusions à fin de décharge :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 150 U du code général des impôts : " I. (...) les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. (...). / II.- Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : / 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession ; (...) ". Sont considérés comme résidence principale au sens de ces dispositions les immeubles qui constituent la résidence habituelle et effective du propriétaire au jour de la cession.
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si un contribuable remplit les conditions légales d'une exonération.
5. Estimant que la maison d'habitation située sur le territoire de la commune du Torquesne constituait leur résidence principale, M. et Mme B... ont entendu bénéficier de l'exonération de la plus-value de cession. Toutefois, la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux de construction de la maison a été déposée le 2 avril 2009. L'abonnement d'électricité a été établi à compter du 8 avril 2009. Une très faible consommation électrique a été constatée entre cette date et le 29 juillet 2009, soit 153 K/W contre 5 665 K/W pour une consommation dans un autre bien immobilier à Saint-Arnoult qui leur appartient entre le 1er janvier et 4 juillet 2009. La consommation d'eau est plus importante à Saint-Arnoult qu'au Torquesne pendant le premier semestre 2009, soit respectivement 65 m3 du 1er janvier au 30 juin 2009 et 28 m3 du 1er avril au 30 juillet 2009. Ce volume d'eau consommée à Saint-Arnoult ne saurait être justifié par la seule présence de leur fils. La maison au Torquesne n'était pas habitable en novembre 2008 dès lors que des travaux d'aménagement de la cuisine et de la salle de bains avec plomberie, électricité et carrelage ont été réalisés en décembre 2008 et janvier 2009. Il n'est pas contesté qu'à la date de la cession, sept sur huit des comptes bancaires des requérants mentionnaient l'adresse à Saint-Arnoult. Les factures des travaux de construction de la maison et les contrats d'assurance ont été envoyés à Saint-Arnoult. M. et Mme B... ont eu l'intention de vendre la maison dès le 14 février 2009, soit avant même la fin de la construction. Même si les requérants ont occupé la maison à partir d'avril 2009 et transféré leur courrier vers leur nouvelle maison le 13 novembre 2010, cette occupation est trop brève entre le début du mois d'avril et le 23 juin 2009 pour considérer que cette maison était leur résidence principale. C'est donc à bon droit que l'administration a remis en cause, sur le fondement des dispositions du 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts, l'exonération litigieuse.
6. En second lieu, aux termes de l'article 150 U du code général des impôts dans sa version alors applicable en 2009 : " III. - Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux plus-values réalisées par les titulaires de pensions de vieillesse ou de la carte d'invalidité correspondant au classement dans la deuxième ou la troisième des catégories prévues à l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale qui, au titre de l'avant-dernière année précédant celle de la cession, ne sont pas passibles de l'impôt de solidarité sur la fortune et dont le revenu fiscal de référence n'excède pas la limite prévue au I de l'article 1417, appréciés au titre de cette année. ". Aux termes de l'article 1417 du même code dans sa version applicable en 2007 : " I. - Les dispositions des articles 1391 et 1391 B, du 3 du II et du III de l'article 1411, des 1° bis, 2° et 3° du I de l'article 1414 sont applicables aux contribuables dont le montant des revenus de l'année précédant celle au titre de laquelle l'imposition est établie n'excède pas la somme de 9 437 euros, pour la première part de quotient familial, majorée de 2 520 euros pour chaque demi-part supplémentaire, retenues pour le calcul de l'impôt sur le revenu afférent auxdits revenus. (...) ".
7. Il est constant que le revenu fiscal de référence de l'année 2007, soit l'avant-dernière année précédant la cession de la maison d'habitation en 2009, était égal à 17 583 euros pour deux parts, montant supérieur à 14 437 euros, soit la somme de 9 437 euros et de deux demi-parts de 2 520 euros. Dès lors, M. et Mme B... ne sont pas fondés à bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions du III de l'article 150 U du code général des impôts.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux intérêts moratoires et aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. C..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.
Le rapporteur,
J.E. C...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03708