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26/03/2021 | FRANCE | N°19NT03741

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 26 mars 2021, 19NT03741


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... D..., veuve G..., Mme I... G..., M. F... G..., M. B... G..., agissant en son nom personnel et en sa qualité de représentant légal de son fils mineur A... G..., ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement le centre hospitalier Yves Lanco et le centre hospitalier Bretagne Atlantique à leur verser la somme totale de 143 059,19 euros en réparation des préjudices liés au décès de Michel G..., leur mari, père et grand-père.

Par un jugement n° 1600891 du 4 juill

et 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J... D..., veuve G..., Mme I... G..., M. F... G..., M. B... G..., agissant en son nom personnel et en sa qualité de représentant légal de son fils mineur A... G..., ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement le centre hospitalier Yves Lanco et le centre hospitalier Bretagne Atlantique à leur verser la somme totale de 143 059,19 euros en réparation des préjudices liés au décès de Michel G..., leur mari, père et grand-père.

Par un jugement n° 1600891 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 19 septembre et 6 décembre 2019 et le 28 janvier 2020 Mme J... G... et autres, représentés par Me K..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 juillet 2019 ;

2°) de condamner solidairement le centre hospitalier Yves Lanco et le centre hospitalier Bretagne Atlantique, au besoin après avoir ordonné une expertise médicale, à leur verser une somme globale de 143 059,19 euros ;

3°) de mettre solidairement à la charge des centres hospitaliers Yves Lanco et Bretagne Atlantique les entiers dépens ainsi que la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu la responsabilité pour faute du centre hospitalier Yves Lanco, qui a renvoyé Michel G... à son domicile alors que son état de santé justifiait une prise en charge en urgence ;

- le médecin régulateur du SAMU de Vannes, rattaché au centre hospitalier Bretagne Atlantique, a également tardé à décider la prise en charge en urgence de Michel G... dans la nuit du 2 au 3 décembre 2012, vers 5h00 du matin seulement, alors qu'il avait été alerté à 3h06 par son épouse ;

- les centres hospitaliers Yves Lanco et Bretagne Atlantique doivent être solidairement condamnés à leur verser les sommes suivantes : 55 000 euros au titre des préjudices subis par Michel G..., 3 807,56 euros au titre des frais exposés pour les funérailles de celui-ci, 29 251,63 euros au titre du préjudice économique de Mme J... G..., 15 000 euros chacun au titre du préjudice moral subi par Mme I... G..., M. F... G... et M. B... G... et 10 000 euros au titre du préjudice moral subi par M. A... G....

Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2019 le centre hospitalier Bretagne Atlantique de Vannes, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête, au besoin après que soit ordonnée une expertise médicale, et demande à la cour de mettre à la charge des requérants les frais d'expertise et la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme J... G... et autres ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 janvier 2020 le centre hospitalier Yves Lanco de Le Palais, représenté par la SELARL ARC, conclut au rejet de la requête, au besoin après que soit ordonnée une expertise médicale, et demande à la cour de mettre à la charge des requérants la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le médecin qui a examiné en urgence Michel G... le 1er décembre 2012 étant un praticien libéral, il appartient à la juridiction judiciaire de connaître des actions dirigées à son encontre ;

- les autres moyens soulevés par Mme J... G... et autres ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H...,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant le centre hospitalier Bretagne Atlantique.

Considérant ce qui suit :

1. Michel G..., né le 5 décembre 1943, s'est présenté le samedi 1er décembre 2012 accompagné de son épouse au centre hospitalier Yves Lanco de Belle-Île-en-Mer en raison d'une fatigue persistante et inhabituelle. Il a été examiné par le médecin de permanence, qui lui a prescrit une prise de sang avant de le renvoyer chez lui. Son état de santé s'étant dégradé dans la nuit du dimanche 2 décembre au lundi 3 décembre 2012, Mme G... a contacté à 3h06, 4h05 puis 4h45 le service d'assistance médicale urgente (SAMU) de Vannes, rattaché au centre hospitalier Bretagne Atlantique. M. G... a été pris en charge par les pompiers à 5H15. A son arrivée au centre hospitalier Yves Lanco, son état s'est brusquement dégradé, et il est décédé à 7h10. Après avoir lié le contentieux par des courriers du 25 novembre 2015, les requérants ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner solidairement le centre hospitalier Yves Lanco et le centre hospitalier Bretagne Atlantique, au besoin après avoir ordonné une expertise médicale, à leur verser la somme globale de 143 059,19 euros au titre des préjudices subis par Michel G... et de leurs préjudices propres. Par un jugement du 4 juillet 2019, le tribunal a rejeté leur demande. Mme G... et autres relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'instruction que le médecin qui a examiné M. G... en urgence le

1er décembre 2012 est un praticien libéral assurant depuis mai 2012 des gardes au centre hospitalier Yves Lanco dans le cadre de la permanence des soins. Ce médecin exerçant à ce titre une mission de service public, la juridiction administrative est seule compétente pour connaître des manquements que les requérants lui imputent et, par voie de conséquence, de la responsabilité éventuelle du centre hospitalier Yves Lanco.

Sur la responsabilité :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Michel G..., qui présentait dans ses antécédents une pathologie cardiaque ancienne, a été pris en charge le samedi 1er décembre 2012 par le médecin de garde du centre hospitalier Yves Lanco pour une fatigue inhabituelle ressentie depuis plus de dix jours et que celui-ci, après l'avoir examiné, l'a renvoyé chez lui avec une ordonnance pour un examen sanguin. M. G... est décédé le 3 décembre à 7h10 du matin après l'aggravation dans la nuit de son état de santé. Or, aucun élément de l'instruction ne permet à la cour de se prononcer sur le caractère adéquat et suffisant de la prise en charge de M. G... par le centre hospitalier Yves Lanco au regard des symptômes qu'il présentait et de ses antécédents.

5. En second lieu, il résulte également de l'instruction que Mme J... G..., alarmée par l'évolution de l'état de santé de son mari dans la nuit du 2 au 3 décembre 2012,

a appelé le SAMU de Vannes à 3h06 du matin pour obtenir un secours. Elle a indiqué au médecin régulateur que son mari, très fatigué, ne pouvait plus se lever, qu'il présentait des douleurs abdominales et une diarrhée sanglante et l'a informé de ses antécédents cardiaques.

Le médecin régulateur a estimé que les symptômes ainsi décrits ne justifiaient pas l'intervention d'un service médical d'urgence et a conseillé à Mme G... de consulter un médecin à la première heure. Mme G... a rappelé le SAMU à 4h45 pour s'assurer qu'elle pouvait administrer un antalgique à son mari, ce qui lui a été confirmé. L'état de santé de son époux s'étant encore aggravé, elle a appelé le SAMU une dernière fois à 4h51. Une prise en charge en urgence a alors été décidée. Les pompiers sont arrivés à 5h15 et M. G... a été dirigé vers le centre hospitalier Yves Lanco, où il est décédé environ une heure plus tard, ainsi qu'il a été rappelé au point précédent. Si l'ARS a diligenté une enquête administrative sur cette prise en charge et a conclu à l'absence de faute, le médecin inspecteur de santé publique qui a conduit cette enquête a simplement indiqué, dans le courrier adressé à Mme G... le 24 juin 2013 que " le 1er appel ne conduisait pas à un traitement d'une urgence vitale ", sans étayer cette affirmation par un raisonnement médical de nature à en démontrer le bien-fondé. Dans ces conditions, la cour n'est pas non plus, en l'état de l'instruction, en mesure de juger si l'intervention du SAMU de Vannes a été fautive ou non.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner une expertise médicale afin d'éclairer la cour sur la conformité aux bonnes pratiques de la prise en charge de M. G... par les centres hospitaliers Yves Lanco et Bretagne Atlantique.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est ordonné, avant de statuer sur la requête, une expertise, confiée à un médecin urgentiste, qui aura pour mission :

- de se faire communiquer, en tant que de besoin, tous documents relatifs à la prise en charge de Michel G... par le centre hospitalier Yves Lanco et par le SAMU de Vannes ;

- de rechercher la cause la plus probable du décès de Michel G... ;

- de dire si, au regard des symptômes présentés par Michel G... et de ses antécédents, sa prise en charge par le centre hospitalier Yves Lanco a été conforme aux bonnes pratiques ;

- de dire si, au regard de l'information dont il disposait, la décision du médecin régulateur du SAMU de Vannes de ne pas engager les services d'urgence dès le premier appel de Mme G... à 3h06 le 3 décembre 2012 est fautive ou non ;

- dans le cas où il serait conclu à une prise en charge fautive de Michel G... par le centre hospitalier Yves Lanco et/ou le centre hospitalier Bretagne Atlantique, d'indiquer à la cour si cette faute a fait perdre une chance de survie à l'intéressé et d'évaluer l'ensemble des préjudices que celui-ci a subis en raison de cette faute.

Article 3 : L'expertise sera menée contradictoirement entre les requérants, le centre hospitalier Yves Lanco et le centre hospitalier Bretagne Atlantique.

Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Le rapport d'expertise sera déposé en deux exemplaires dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du présent arrêt. L'expert en notifiera des copies aux parties intéressées.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... G..., à Mme I... G..., à M. F... G..., à M. B... G..., à M. A... G..., au centre hospitalier Yves Lanco et au centre hospitalier Bretagne Atlantique.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. H..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2021.

Le rapporteur

E. H...Le président

I. PerrotLe greffier

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03741


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03741
Date de la décision : 26/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : DEGIOVANNI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-03-26;19nt03741 ?
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