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23/03/2021 | FRANCE | N°20NT01839

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 23 mars 2021, 20NT01839


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement no 1913861 du 26 décembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête, enregistrée le 1er juillet 2020, M. A..., représenté par Me D... E..., demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours.

Par un jugement no 1913861 du 26 décembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2020, M. A..., représenté par Me D... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de 45 jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Le jugement est infondé :

En ce qui concerne la décision de transfert :

- la décision est insuffisamment motivée, en l'absence de mention d'un critère de détermination de l'Etat responsable comme le prévoit l'article 7 du règlement 604/2013/UE ;

- il n'est pas justifié de ce que le préfet de Maine-et-Loire aurait délivré l'information prévue par l'article 4 du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013 avant l'entretien prévu à l'article 5 dudit règlement ;

- la remise des feuilles produites par la préfecture, tamponnées à la date de l'entretien portant la mention dactylographiée " je reconnais avoir reçu ce document dans une langue que je comprends " et signées par le demandeur d'asile ne permettent pas de justifier que celui-ci a reçu l'ensemble des informations garanties au sens du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013 ;

- il n'a pas bénéficié de l'entretien individuel prévu à l'article 5 du règlement n° 604/2013 UE et les conditions de cet entretien n'ont pas été respectées, à savoir la présence d'un interprète, la confidentialité et la remise d'un résumé de l'entretien ;

- l'agent qui a conduit l'entretien individuel n'était pas qualifié à cet effet ;

- la décision méconnait les dispositions des articles 13 et 19-3 du règlement n° 604/2013 dès lors que les autorités allemandes ont refusé de lui accorder l'asile et qu'il a fui l'Allemagne avant d'être expulsé vers la Guinée et est arrivé en France fin octobre 2019, la responsabilité de l'Allemagne avait donc pris fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière ;

- sa demande d'asile doit être examinée en France, en application des articles 3 et 17 du règlement n° 604/2013/UE du 26 juin 2013, dès lors que s'il est renvoyé vers l'Allemagne, il est certain que les autorités allemandes vont le renvoyer en Guinée où il risque de subir des traitements inhumains et dégradants ;

- elle méconnait les articles 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'un erreur manifeste d'appréciation dès lors que les risques encourus d'être renvoyé de l'Allemagne vers la Guinée où il risque de subir des traitement inhumains et dégradants compte tenu de sa situation n'ont pas été pris en compte, l'Allemagne ayant refusé sa demande de protection et lui ayant fait obligation de quitter le territoire.

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

- elle est illégale par exception d'illégalité de l'arrêté de transfert ;

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 juin 2020.

Vu la lettre du 9 juillet 2020 par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert en raison de l'expiration du délai de 6 mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur la décision de transfert.

Il soutient également que les moyens soulevés par M. A... dirigés contre la décision d'assignation à résidence ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 14 mai 2019. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique le 5 novembre 2019. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que les empreintes digitales de l'intéressé ont été enregistrées en Allemagne les 14 et 28 novembre 2017. Les autorités allemandes ont été saisies le 6 novembre 2019 d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013. Ces dernières ont fait connaitre leur accord le 13 novembre 2019. Le préfet de Maine-et-Loire a alors décidé de transférer M. A... aux autorités allemandes et de l'assigner à résidence par deux arrêtés du 5 décembre 2019. Par sa requête visée ci-dessus, M. A... relève appel du jugement du 26 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 5 décembre 2019.

Sur l'étendue du litige :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transférer M. A... vers l'Allemagne a été interrompu par la saisine du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter du jugement du 26 décembre 2019[GO1] rendu par ce dernier et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation ou que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile de l'intéressé, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 rappelées. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

5. En revanche, l'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressé ayant été exécuté et ayant produit des effets, il y a lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du 26 décembre 2019 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2019 portant assignation à résidence.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :

6. En premier lieu, M. A... reprend en appel le moyen invoqué en première instance tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté. Il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'État membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 5 novembre 2019, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, et qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées ainsi que le guide du demandeur d'asile. Ces documents, dont les pages de garde ont été signées par l'intéressé, sont rédigés en langue française, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, ainsi qu'en atteste le recueil d'informations signé par M. A.... Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'une garantie au motif que l'information qui lui a été donnée par les services préfectoraux aurait dû l'être avant son entretien individuel. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".

11. D'une part, en vertu des dispositions combinées des articles L. 741-1 et R. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement, le préfet de la Loire-Atlantique était compétent pour enregistrer la demande d'asile du requérant et délivrer la première attestation de demande d'asile et le préfet de Maine-et-Loire était compétent pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressé, phase qui débute au moment de la saisine des autorités étrangères par l'autorité préfectorale. Par suite, les services de la préfecture de la Loire-Atlantique, et en particulier les agents recevant les étrangers au sein du guichet unique des demandeurs d'asile, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article.

12. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été reçu en entretien par un agent de la préfecture de la Loire-Atlantique le 5 novembre 2019. Le procès-verbal d'entretien mentionne que l'entretien a été mené par un agent habilité de la préfecture de la Loire-Atlantique et ce procès-verbal est signé par l'agent en question, ce qui est suffisant pour établir que l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du droit national. La présence d'un interprète n'était pas nécessaire en l'espèce, le requérant ayant déclaré comprendre la langue française et la procédure engagée à son encontre. Le requérant a pu, lors de cet entretien, faire état des éléments relatifs à sa situation personnelle et familiale et aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que les conditions garantissant la confidentialité de cet entretien n'auraient pas été respectées. En outre, une copie du résumé de l'entretien individuel permettant de déterminer l'État membre responsable a été remise à l'intéressé, ainsi qu'en atteste la mention portée sur ledit résumé que M. A... a signé sans aucune réserve. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision du préfet de Maine-et-Loire méconnaîtrait les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'est pas fondé.

13. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le relevé des empreintes de M. A... a permis l'identification de l'intéressé au sein du fichier Eurodac et montré que ce dernier avait demandé l'asile auprès des autorités allemandes, ce qui n'est pas contesté. Une demande aux fins de reprise en charge, sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé, a été présentée aux autorités allemandes le 6 novembre 2019. Ces dernières ont accepté, le 13 novembre 2019, la reprise en charge du requérant en application du d) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 susvisé. Dans ces conditions, le moyen selon lequel l'arrêté méconnaitrait les dispositions des articles 13 et 19-3 du règlement n° 604/2013 dès lors que la responsabilité de l'Allemagne avait pris fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière, ne peut être utilement invoqué.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 prévoit en principe qu'une demande d'asile est examinée par un seul État membre et que cet État est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un État membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article 17 du règlement. Cette faculté laissée à chaque État membre par l'article 17 de ce règlement est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

15. La décision de transfert en cause mentionne expressément qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... serait sous le coup d'une mesure d'éloignement exécutoire en Allemagne. Aucun élément probant n'atteste que l'intéressé aurait épuisé l'ensemble des voies de recours contre la décision de rejet de sa demande d'asile en Allemagne ou qu'un retour forcé vers la Guinée pourrait être effectivement mis en oeuvre par les autorités allemandes dans des conditions ne respectant pas les droits de l'intéressé, notamment les garanties permettant d'éviter qu'un demandeur d'asile ne soit expulsé, directement ou indirectement, dans son pays d'origine sans une évaluation des risques encourus, alors qu'aucune défaillance systémique dans la mise en oeuvre des procédures d'asile n'a été relevée à l'encontre de l'Allemagne. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne décidant pas d'examiner la demande d'asile du requérant sur le fondement des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et en transférant l'intéressé vers la Suisse.

16. En sixième lieu, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté de transfert serait entaché d'un défaut d'examen de sa situation particulière au regard de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 en l'absence de garanties procédurales en cas de renvoi vers l'Allemagne, pour les mêmes motifs que ceux relevés au point précédent.

17. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

18. La décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet d'éloigner l'intéressé vers la Guinée mais seulement de prononcer son transfert aux autorités allemandes pour examen de sa demande d'asile. Ainsi qu'il a été dit précédemment, aucun élément ne permet d'affirmer que cet examen ne sera pas assuré par les autorités allemandes, dans des conditions conformes à la convention de Genève. En outre, M. A... ne verse au dossier aucun document permettant de justifier des craintes qu'il déclare éprouver dans son pays d'origine et, par suite, du risque allégué d'y subir des traitements inhumains ou dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire, qui a procédé à un examen de la situation, a entaché sa décision de transfert en litige d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en cas de transfert vers l'Allemagne.

19. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté portant assignation à résidence par exception d'illégalité de la décision de transfert aux autorités allemandes doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 26 décembre 2019 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2019 portant assignation à résidence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

21. Le présent arrêt, qui conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert et rejette les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

22. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités allemandes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2021.

Le rapporteur,

F. B...Le président,

O. GASPON

Le greffier,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

[GO1]C'est plutôt irrecevable car déjà caduc au 1/7, date de notre saisine '

FP : sans incidence sur le NLAS

2

No 20NT01839


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01839
Date de la décision : 23/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : MOREAU-TALBOT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-03-23;20nt01839 ?
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