Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle les autorités consulaires françaises en poste en Guinée ont rejeté la demande de visa de long séjour, présentée au titre du regroupement familial, par la jeune M'D... A... qu'elle présente comme sa fille ainsi que la décision du 16 octobre 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a maintenu ce refus de visa.
Par un jugement n° 1913974 du 19 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 août 2020, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 juin 2020 ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer un visa de long séjour à M'D... A..., dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, lui enjoindre de réexaminer la demande, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal s'est à tort abstenu de répondre aux moyens soulevés à l'encontre de la décision consulaire alors que l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de cette décision ne le dispensait pas de rechercher si la procédure dans son ensemble avait ou non été viciée ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation du lien de filiation ;
- la réponse du tribunal aux moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant est laconique ;
- la décision consulaire émane non d'un chef de poste mais d'un chef de section consulaire dont il n'est pas justifié de la compétence ; l'incompétence dont est entachée cette décision n'est pas couverte par la décision de la commission de recours dont il n'est pas démontré qu'elle était compétente pour corriger l'illégalité de la décision consulaire ;
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est elle-même entachée d'incompétence dès lors qu'elle ne permet pas de s'assurer de la régularité de la composition de cette commission ;
- la décision de la commission est insuffisamment motivée ;
- la commission n'a pas procédé à un examen particulier de la situation ;
- les exigences découlant du principe du contradictoire n'ont pas été respectées dès lors qu'il n'est pas démontré que les intéressées aient été mises en mesure, d'une part, de présenter des observations lors du dépôt de la demande de visa ou à l'occasion du recours devant la commission et, d'autre part, d'obtenir la communication du dossier de demande de visa détenu par les autorités consulaires ;
- en estimant que les documents d'état civil produits étaient apocryphes et en se fondant sur la fraude au seul motif d'une prétendue non-conformité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur de fait et une erreur de droit ;
- en se fondant pour estimer que le lien de filiation n'était pas établi sur la divergence des mentions concernant le père de sa fille alors que tous les documents sont concordants quant à la filiation maternelle et que son enfant a vocation à rejoindre sa mère et non son père, la commission a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de visa méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par ordonnance du 29 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 janvier 2021.
Un mémoire présenté par le ministre de l'intérieur a été enregistré le 29 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et les administrations ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante guinéenne résidant régulièrement en France, a obtenu, par une décision du préfet de la Sarthe du 23 novembre 2018, une autorisation de regroupement familial concernant notamment l'enfant M'D... A..., née le 16 juillet 2004, qu'elle présente comme sa fille. Par une décision du 16 octobre 2019, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre le refus opposé par les autorités consulaires françaises à la demande de visa de long séjour présentée pour l'enfant. Mme C... relève appel du jugement du 19 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision des autorités consulaires et de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. "
3. En vertu de ces dispositions, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est substituée à la décision par laquelle les autorités consulaires françaises en poste en Guinée ont refusé de délivrer le visa de long séjour sollicité.
4. Il s'ensuit que, d'une part, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables les conclusions de Mme C... dirigées contre la décision des autorités consulaires et que, d'autre part, étaient inopérants les moyens tirés de l'incompétence du signataire de cette décision et des irrégularités de la procédure suivie par ces autorités de sorte que le tribunal, qui les a visés, n'était pas tenu d'y répondre.
5. En second lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal s'est prononcé sur le lien de filiation que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a regardé comme non établi et a suffisamment motivé sa réponse aux moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
6. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 2 à 4, les moyens tirés de l'incompétence du chef de section consulaire et de l'irrégularité de la procédure suivie par les autorités consulaires doivent être écartés comme inopérants.
7. En deuxième lieu, aucun texte ni aucun principe n'impose ou n'implique qu'une décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France justifie par elle-même de la régularité de la composition de la commission dont elle émane.
8. En troisième lieu, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, laquelle vise les articles L. 222-1 et L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, énonce que l'identité et le lien de filiation de l'auteur de la demande de visa ne sont pas établis dès lors que les actes de naissance dressés en 2004 et 2019 diffèrent de celui produit au soutien de la demande et qu'un autre acte procède à la transcription d'un jugement supplétif. Elle fait également état d'une intention frauduleuse révélée par la production de ces différents actes. Par suite, la décision contestée est suffisamment motivée.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et les administrations : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".
10. Si Mme C... soutient que la décision de la commission est intervenue sans procédure contradictoire préalable, cette décision a été rendue sur recours administratif formé par la requérante sur le fondement de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel constitue une demande au sens des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et les administrations. Ni ces dispositions ni aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'imposaient la mise en oeuvre d'une telle procédure préalablement à ce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France se prononce sur le recours dont l'avait saisi Mme C....
11. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'aurait pas procédé à un examen particulier du recours introduit par Mme C....
12. En sixième lieu, dans le cas où la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité diplomatique ou consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public. Figurent au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir l'identité du demandeur de visa ou encore l'absence de lien familial entre celui-ci et le membre de famille que celui-ci entend rejoindre.
13. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. / (...) ". L'article 47 du code civil dispose : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
14. Mme C... indique dans ses écritures que le père de la jeune M'D... est M. H... A..., né le 4 août 1979 et résidant aux Pays-Bas. Pourtant, elle a produit des extraits d'acte de naissance dressés en 2004 dont il ressort que le père de l'enfant est M. G... A..., né le 4 août 1979. Le jugement supplétif d'acte de naissance concernant l'enfant M'D... A... sollicité à la suite du refus de visa opposé par les autorités consulaires en juillet 2019 identifie également M. G... A... comme le père de l'enfant et l'auteur de la demande. Par ailleurs, le visa apposé sur le passeport de M. H... A... qu'elle présente comme le père de l'enfant fait état d'une date de naissance le 1er juillet 1980. S'il est exact que les différents documents d'état civil produits sont concordants s'agissant du lien familial unissant l'enfant M'D... A... à Mme C... de même, d'ailleurs, que s'agissant du lien entre cet enfant et M. G... A..., les contradictions relatives au père de l'enfant constatées entre les documents d'état civil produits et les déclarations de la requérante, laquelle n'apporte pas davantage d'explication qu'en première instance, sont de nature à mettre en cause l'identité de l'enfant pour laquelle la demande de visa a été présentée. Au surplus, le ministre de l'intérieur a fait valoir en première instance, sans être sérieusement contredit, que les chiffres du numéro de passeport de l'enfant censés être les mêmes que les trois derniers chiffres de l'acte de naissance ne correspondent à aucun des actes produits. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le caractère frauduleux de la demande de visa, les moyens tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
15. En septième lieu, Mme C... réitère en appel les moyens soulevés en première instance et tirés la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
17. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 23 février 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président de chambre,
Mme Douet, président assesseur,
Mme F..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mars 2021.
Le rapporteur,
K. F...
Le président,
A. PEREZLe greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20NT02558