Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer, d'une part, la décharge, à concurrence de 4 344 euros, des cotisations à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 et, d'autre part, la décharge, à concurrence de 2 743 euros, des cotisations à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013.
Par un jugement n° 1603357 du 16 janvier 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 mars et 17 décembre 2019 et 31 janvier et 23 novembre 2020, M. et Mme B..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge totale des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 et de l'année 2013 et mis en recouvrement le 30 B... 2016, soit des montants respectifs de 6 991 euros et 1 709 euros ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer d'une part, la décharge, à concurrence de 4 344 euros, des cotisations à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 et, d'autre part, la décharge, à concurrence de 2 743 euros, des cotisations à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 ;
4°) dans le dernier état de leurs écritures, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- des prélèvements sociaux au titre de l'année 2012 ont été mis en recouvrement le 30 B... 2016 ;
- le délai de réclamation ouvert par la mise en recouvrement d'une imposition supplémentaire permet également de contester l'imposition primitive ;
- la proposition de rectification n'était pas motivée en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; ils se prévalent de l'instruction 13 L-1-78 du 17 janvier 1978 et de l'instruction du 1er juillet 2002 13 L-513 n° 75 ;
- les sommes qu'ils ont versées à l'ex-épouse de leur fils au titre de la pension alimentaire qu'il devait lui verser, et à leur petite-fille, afin de suppléer la défaillance de son père, leur fils, constituent des pensions alimentaires déductibles de leur revenu global en vertu des dispositions du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts ;
- ils se prévalent de la réponse au député Idiart (JO AN 22 juin 1998 p. 3404 n° 1210), de la réponse Tubach (JO 15 mai 1958 p. 2318 n° 10949), de la réponse Feidt (JO AN 1er juin 1998 p. 3020 n° 11068), de la réponse Parrenin (JO AN 28 décembre 1998, page 7074 n° 19970) et de la réponse Dupilet (JO AN 11 janvier 1999 p. 207 n° 21023), des paragraphes 4, 8 et 9 de l'instruction administrative 5 B-2421 du 1er septembre 1999 et du paragraphe 1 du BOI-IR-BASE-20-30-20-10 du 2 mai 2014, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 octobre 2019, 10 novembre 2020 et 25 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour de rejeter la requête.
Il fait valoir que :
- les rectifications n'ont pas porté sur les prélèvements sociaux ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme D..., rapporteure publique,
- et les observations de Me C... représentant M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leur dossier, portant sur les années 2012 et 2013, à l'issue duquel le service des impôts leur a adressé une proposition de rectification le 5 mai 2015. A la suite des observations formulées par M. et Mme B... le 3 juillet 2015 et, après un entretien qui leur a été accordé le 7 octobre 2015, le service a partiellement fait droit à leurs demandes, par une lettre valant réponse aux observations du contribuable du 30 novembre 2015. Par une réclamation du 9 juin 2016, M. et Mme B... ont contesté la non-admission des pensions alimentaires déduites de leurs revenus des années 2012 et 2013. Cette réclamation a fait l'objet d'une décision de rejet le 7 juillet 2016. Ils ont demandé au tribunal administratif de Rennes la décharge de ces impositions. Par un jugement du 16 janvier 2019, le tribunal administratif a rejeté leur demande. Ils font appel de ce jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 5 mai 2015 comporte la désignation des impôts concernés, de la période d'imposition et de la base d'imposition et énonce suffisamment les motifs sur lesquels l'administration a entendu se fonder pour justifier les rectifications envisagées. En particulier, elle indique, pour les années 2012 et 2013, que " le paiement des pensions alimentaires payées en lieu et place de votre fils (...) ne rentrent pas dans le champ de l'obligation alimentaire " et que pour les mêmes raisons, " la prise en charge des études de votre petite-fille (...) est qualifiable de libéralité ". Au vu de ces motifs, alors même qu'ils seraient erronés, l'administration n'avait pas à préciser, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les situations financières du fils de M. et Mme B..., de leur ancienne belle-fille et de leur petite-fille majeure. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification du 5 mai 2015 doit être écarté.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
4. Les requérants ne sauraient utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction 13 L-1-78 du 17 janvier 1978 et de l'instruction du 1er juillet 2002 13 L-513 n° 75, qui sont relatives à la procédure d'imposition.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
5. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : / (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : / (...) 2° (...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211 (...) du code civil (...), les pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice (...) ". Aux termes de l'article 205 du code civil : " Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ". Aux termes de l'article 207 du même code : " Les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques (...) ". Aux termes de l'article 208 de ce code : " Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit (...) ". Il résulte de ces dispositions que les grands-parents sont tenus à une obligation alimentaire envers leurs petits-enfants. Toutefois celle-ci présente un caractère subsidiaire par rapport à celle qui s'impose aux parents des intéressés. Il appartient au contribuable d'établir que les propres parents de ses petits-enfants ne sont pas en mesure d'assumer leurs besoins ou ne peuvent les satisfaire que partiellement.
6. L'administration a remis en cause, d'une part, au titre des deux années en litige, la déduction du revenu global de M. et Mme B... des sommes versées par eux à
l'ex-épouse de leur fils correspondant à la pension alimentaire lui incombant au titre de la contribution à l'entretien de leurs trois enfants, d'autre part, au titre de la seule année 2013, la déduction du revenu global de M. et Mme B... des sommes versées par eux à l'un de ces trois enfants, leur petite-fille Cécile qui poursuivait des études en Belgique, afin de prendre en charge le loyer de son logement. Si les requérants établissent l'impossibilité pour leur fils de subvenir aux besoins de ses propres enfants, les éléments qu'ils produisent, en particulier une simple liste mentionnant les salaires de leur ancienne belle-fille et datant de 2015, ne suffisent pas à établir que cette-dernière n'était pas en mesure de subvenir aux besoins de ses enfants en 2012 et 2013 ou ne pouvait les satisfaire que partiellement. En outre, l'état de besoin de leur petite-fille Cécile, majeure en 2013, n'est pas davantage établi. Si les requérants se prévalent de la circonstance que la pension alimentaire que devait verser leur fils et qu'ils prenaient en charge a été fixée par un juge, le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier ne prévoit aucune règle dérogeant au principe de subsidiarité rappelé ci-dessus. Par conséquent, le moyen tiré de ce que M. et Mme B... ont versé les sommes litigieuses à titre de pensions alimentaires au sens de l'article 156 du code général des impôts doit être écarté et c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".
8. Si les requérants se prévalent de la réponse au député Idiart (JO AN 22 juin 1998 p. 3404 n° 1210), de la réponse Tubach (JO 15 mai 1958 p. 2318 n° 10949), de la réponse Feidt (JO AN 1er juin 1998 p. 3020 n° 11068), de la réponse Parrenin (JO AN 28 décembre 1998, page 7074 n° 19970), de la réponse Dupilet (JO AN 11 janvier 1999 p. 207 n° 21023), des paragraphes 4, 8 et 9 de l'instruction administrative 5 B-2421 du 1er septembre 1999 et du paragraphe 1 du BOI-IR-BASE-20-30-20-10 du 2 mai 2014, ces textes ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir partielle soulevée par le ministre et tirée de ce que les rectifications n'ont pas porté sur les prélèvements sociaux, que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Par conséquent, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 25 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- M. Brasnu, premier conseiller,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2021.
La rapporteure,
P. E... Le président,
J-E. Geffray
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01246
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