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16/03/2021 | FRANCE | N°19NT03816

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 16 mars 2021, 19NT03816


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... J... et Mme E... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant leur recours formé contre la décision du 8 octobre 2018 de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant de délivrer à Mme C... et aux enfants, F... D..., K... D... et Tresy Tresy D... des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié

ainsi que la décision consulaire.

Par un jugement n° 1903670 du 26 juillet 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... J... et Mme E... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant leur recours formé contre la décision du 8 octobre 2018 de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant de délivrer à Mme C... et aux enfants, F... D..., K... D... et Tresy Tresy D... des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié ainsi que la décision consulaire.

Par un jugement n° 1903670 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 septembre 2019, M. B... D... J... et Mme E... C..., représentés par Me H..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et la décision du 8 octobre 2018 de l'autorité consulaire ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas demandés, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est insuffisamment motivée ; la décision implicite de la commission de recours est réputée avoir confirmé le motif de la décision consulaire, laquelle est elle-même insuffisamment motivée en droit et en fait ;

- les décisions de la commission de recours et de l'autorité consulaire n'ont pas été précédées d'un examen réel et sérieux de leur situation ;

- la décision du 27 septembre 2017 a été prise au visa de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel a été abrogé à compter du 1er novembre 2016 par la loi du 7 mars 2016 ;

- les décisions contestées sont entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs liens familiaux, lesquels sont établis par les actes d'état civil produits et par la circonstance que le réfugié a toujours déclaré l'existence de sa concubine et de ses enfants dès sa demande d'asile et qu'il envoie de l'argent régulièrement à sa famille en République démocratique du Congo ;

- elles portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il se réfère expressément à ses écritures de première instance et fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Mas, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. D... J... et Mme C... tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant leur recours formé contre la décision du 8 octobre 2018 de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant de délivrer à Mme C... et aux enfants, F... D..., K... D... et Tresy Tresy D... des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié ainsi que la décision consulaire. M. D... J... et Mme C... relèvent appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 8 octobre 2018 de l'autorité consulaire française en République démocratique du Congo :

2. M. D... J... et Mme C... ne contestent pas l'irrecevabilité opposée par les premiers juges aux conclusions de leur demande dirigées contre la décision du 8 octobre 2018 de l'autorité consulaire française en République démocratique du Congo. Il suit de là que ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

3. Aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. (...) ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants ont demandé la communication des motifs de la décision implicite de rejet de la commission de recours. Il suit de là que le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision est inopérant et doit dès lors être écarté.

4. Il ressort des écritures en défense de première instance que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fondé sa décision implicite de rejet sur ce que, d'une part, les actes de naissance présentés sont dépourvus de valeur probante et ne permettent pas d'établir le lien de filiation entre les enfants et le réfugié, d'autre part, sur ce que les requérants ne justifient pas d'une vie commune suffisamment stable et continue avant l'introduction de la demande d'asile et, en tout état de cause, sur ce que la relation de couple a cessé, M. D... J... ayant créé en France une nouvelle cellule familiale.

5. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) / II- Les articles L.411-2 à L.411-4 (...) sont applicables. (...) Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire (...) ".

6. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

7. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

8. S'agissant des enfants, ont été produits, à l'appui des demandes de visas, leurs actes de naissance, établis le 16 février 2018 sur la base d'un jugement supplétif rendu le 24 juin 2017 par le tribunal pour enfants I....

9. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux.

10. Pour remettre en cause le caractère probant des actes d'état civil présentés, le ministre de l'intérieur se borne à relever, sans contester le caractère authentique de ce jugement, que les actes de naissance comportent plus d'informations que le jugement supplétif sur lequel ils sont fondés, notamment, en ce qui concerne les professions et les dates et lieux de naissance des parents. Toutefois, la circonstance que les actes de naissance comportent ces mentions supplémentaires par rapport à celles figurant sur les jugements supplétifs n'est pas de nature à retirer à ces actes leur valeur probante, en l'absence de toute contradiction ou incohérence entre ces documents. Il en est de même de la circonstance que M. D... J... s'est initialement déclaré célibataire et père d'un enfant, puis célibataire et sans enfant, ne mentionnant Mme C... et les trois enfants que dans la fiche familiale de référence. Par suite, la commission de recours a entaché sa décision d'erreur dans l'appréciation du lien de filiation entre les trois enfants et M. D... J....

11. S'agissant, toutefois, de Mme C..., il ressort des pièces du dossier que M. D... J... est entré en France en 2014 et a eu un enfant en 2016 avec Mme G..., laquelle vit sur le territoire français. Le ministre de l'intérieur soutient, sans être contredit par M. D... J..., que celui-ci a ainsi constitué une nouvelle cellule familiale en France. Si l'intéressé soutient qu'il envoie de l'argent à Mme C... pour subvenir aux besoins de ses enfants, notamment pour financer leurs études, cette seule circonstance ne suffit pas à établir qu'à la date de la décision contestée, les requérants poursuivaient leur relation de concubinage. Par suite, la commission de recours n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation en retenant qu'à défaut de relation de concubinage entre M. D... J... et Mme C..., cette dernière ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un visa de long séjour. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale et méconnait, ce faisant, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France concernant les trois enfants.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

13. Eu égard au motif d'annulation partielle retenu et à la situation de la mère des enfants, l'exécution du présent jugement implique seulement que le ministre de l'intérieur réexamine les demandes de visas présentées pour Mme F... D... et les enfants K... D... et Tresy Tresy D.... Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt de la cour.

14. En revanche, s'agissant de Mme C..., le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées pour Mme C... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement aux requérants de la somme de 1 200 euros qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 26 juillet 2019 du tribunal administratif de Nantes et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés en tant qu'ils concernent Mme F... D... et les enfants K... D... et Tresy Tresy D....

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer les demandes de visas présentées pour Mme F... D... et les enfants K... D... et Tresy Tresy D..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. D... J... et Mme C... la somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... J..., à Mme E... C..., Mme F... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 26 février 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, président assesseur,

- M. Frank, premier conseiller,

- Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2021.

Le rapporteur,

C. A...

Le président-assesseur,

C. BUFFET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03816


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03816
Date de la décision : 16/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SCP ARLAUD AUCHER-FAGBEMI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-03-16;19nt03816 ?
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