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16/03/2021 | FRANCE | N°19NT03143

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 16 mars 2021, 19NT03143


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours exercé contre la décision de l'autorité consulaire française en République démocratique du Congo rejetant la demande de visa de long séjour présentée pour les enfants E... I... G..., Drinnedi Bokombe G... et Brandon G... D..., en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un jugem

ent n° 1901409 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... G... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours exercé contre la décision de l'autorité consulaire française en République démocratique du Congo rejetant la demande de visa de long séjour présentée pour les enfants E... I... G..., Drinnedi Bokombe G... et Brandon G... D..., en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un jugement n° 1901409 du 7 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 juillet 2019 et les 22 avril, 18 mai, et 11 décembre (non communiqué) 2020, M. A... G... D..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 juin 2019 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours exercé contre la décision de l'autorité consulaire française en République démocratique du Congo rejetant la demande de visa de long séjour présentée pour les enfants E... I... G..., Drinnedi Bokombe G... et Brandon G... D... en qualité de membres de famille de réfugié ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande, et de délivrer les visas sollicités, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir.

Il soutient que la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation ; le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits, qui ne sont pas dépourvus de force probante, ainsi que par la possession d'état.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. G... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Nantes du 10 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de Me F..., représentant M. G... D....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... G... D..., ressortissant congolais né en 1982, s'est vu reconnaitre la qualité de réfugié en janvier 2014. Les demandes de visa de long séjour présentées pour ses enfants allégués, E... Meta G... née en 2002, Drinnedi Bokombe G... née en 2006 et Brandon G... D... né en 2007, en qualité de membres de famille de réfugié, ont été rejetées par l'autorité consulaire française en République démocratique du Congo. Le recours formé contre ces refus a été implicitement rejeté par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. M. G... D... relève appel du jugement du 7 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande d'annulation de cette décision de la commission de recours.

2. Il ressort des pièces du dossier, notamment du mémoire en défense du ministre de l'intérieur en première instance, que, pour refuser de délivrer les visas de long séjour sollicités, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée, d'une part, sur la circonstance que la réalité des liens de filiation allégués n'est pas établie en raison notamment des irrégularités dont sont entachés les actes d'état civil produits et, d'autre part, sur l'absence de valeur probante du jugement de délégation de l'autorité parentale.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint (...) / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) / II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 (...) sont applicables. / (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code : " Le regroupement familial peut également être sollicité pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint dont, au jour de la demande, la filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ou dont l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". Aux termes de l'article L. 411-3 du même code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ". Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit par ailleurs, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. D'une part, à l'appui des demandes de visas, ont été présentés des actes de naissance concernant les enfants E..., Drinnedi et Enock Brandon, qui ont été dressés le 16 juin 2017 au vu d'un jugement supplétif de naissance rendu le 15 mai 2017. Pour remettre en cause le caractère probant de ces actes, le ministre de l'intérieur relève d'abord que les actes de naissance transcrits comportent des mentions supplémentaires par rapport à celles figurant sur le jugement supplétif. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à retirer à ces actes leur valeur probante en l'absence de toute contradiction ou incohérence entre ces documents et à défaut pour le ministre d'établir que la loi étrangère s'y opposerait. Si le ministre fait également valoir que le jugement supplétif mentionne notamment, en tant qu'adresse des parents, le domicile professionnel de leur avocat, et que cet acte n'indique pas la profession des parents, il ne précise pas quelle disposition de la loi étrangère aurait été méconnue. La mention du jugement supplétif faisant état de la présence à l'audience de M. G... D..., alors que celui-ci est réfugié en France, ne prive pas ce document de valeur probante dès lors qu'il ressort des termes de ce document qu'il était représenté par son avocat. Par ailleurs, en se bornant à faire valoir " qu'il est impossible " que le nom de l'avocat de M. D..., qui n'a pu comparaître devant l'officier d'état civil lors de la transcription de ce jugement, apparaisse sur l'acte de naissance, le ministre n'identifie pas davantage la disposition ou le principe de droit congolais qui aurait été méconnu. Contrairement à ce qu'indique le ministre, il ressort des pièces du dossier que l'article 96 du code de la famille congolais n'exige pas la signature des actes de naissance par les déclarants, lorsque ceux-ci sont absents. Les énonciations contenues dans les actes d'état civil produits sont au demeurant conformes aux différentes déclarations faites par M. G... D... devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et alors que celui-ci justifie en appel de transferts d'argent réguliers, à compter du mois de janvier 2016, au profit de ses enfants, et qu'il produit de nombreuses attestations et photographies confirmant son lien avec les intéressés.

5. D'autre part, si le ministre fait valoir que le jugement de délégation d'autorité parentale établi au profit de M. G... D... le 31 juillet 2018 aurait été rendu à un moment opportun, postérieurement aux demandes de visas, et sur requête de l'intéressé, cette circonstance ne suffit pas à retirer à cet acte sa valeur probante.

6. Il résulte de ce qui précède que M. G... D... est fondé à soutenir que la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que la réalité du lien de filiation n'était pas démontrée et que le jugement de délégation de l'autorité parentale établi à son profit était dépourvu de valeur probante.

7. L'administration peut toutefois, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

8. Pour établir que la décision contestée était légale, le ministre de l'intérieur fait valoir, dans son mémoire en défense d'appel communiqué à M. G... D..., que la décision contestée est justifiée par le fait que l'intéressé n'a sollicité la réunification familiale qu'en faveur de trois enfants, alors qu'il a déclaré devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides être le père de cinq enfants.

9. Aux termes de l'article L. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 411-1 à L. 411-3. Un regroupement partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants ".

10. Il n'est pas contesté qu'à la date de la décision en litige, aucune demande de visa n'avait été présentée pour l'enfant J... G..., déclaré par M. G... D... comme sa fille, née le 25 mai 2004, et issue de la même union qu'E... Meta, Drinnedi et Enock Brandon. M. G... D..., qui se borne à indiquer dans son dernier mémoire qu'il n'a plus de nouvelles de cet enfant qu'il a pourtant déclaré à l'OFPRA, ne fait valoir aucun élément justifiant qu'il était de l'intérêt des enfants de bénéficier d'une réunification familiale partielle. Dans ces conditions, en l'absence de motif tenant à l'intérêt des enfants pouvant seul justifier une réunification familiale partielle, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France pouvait légalement refuser de délivrer le visa sollicité. Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision en ne se fondant que sur le motif tiré de ce que la demande de visa conduit à une réunification familiale partielle non justifiée par l'intérêt des enfants. Par suite, il y a lieu de procéder à la substitution de motifs demandée par le ministre de l'intérieur, laquelle n'a pas pour effet de priver le requérant d'une garantie procédurale.

11. Il résulte de tout ce qui précède, que M. G... D... n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. G... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G... D..., à Mme E... I... G... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 26 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme C..., présidente-assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2021.

Le rapporteur,

A. B...Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03143


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03143
Date de la décision : 16/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : FOLLOPE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-03-16;19nt03143 ?
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