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16/03/2021 | FRANCE | N°19NT01906

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 16 mars 2021, 19NT01906


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet du ministre de la défense, née du silence gardé par cette autorité suite au recours qu'elle a formé devant la commission des recours des militaires (CRM) enregistré le 21 novembre 2016, à l'encontre de la décision du 13 octobre 2016 du ministre de la défense ne renouvelant pas son contrat d'engagement prenant fin le 2 novembre 2017, d'autre part, d'enjoindre à la ministre des armées de reno

uveler son contrat pour une durée de trois ans dans un délai de quinze jour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet du ministre de la défense, née du silence gardé par cette autorité suite au recours qu'elle a formé devant la commission des recours des militaires (CRM) enregistré le 21 novembre 2016, à l'encontre de la décision du 13 octobre 2016 du ministre de la défense ne renouvelant pas son contrat d'engagement prenant fin le 2 novembre 2017, d'autre part, d'enjoindre à la ministre des armées de renouveler son contrat pour une durée de trois ans dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte, enfin de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1708087 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 mai 2019 et un mémoire enregistré le 15 février 2021 - non communiqué -, Mme B..., représentée par Me Floch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 novembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du ministre de la défense confirmant sa décision du 13 octobre 2016 ne renouvelant pas son contrat d'engagement prenant fin le 2 novembre 2017 ;

3°) d'enjoindre à la ministre des armées de renouveler son contrat pour une durée de trois ans dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision implicite de rejet de son recours n'est pas motivée, tout comme celle portant non-renouvellement de son contrat du 13 octobre 2016 ;

- la décision implicite de rejet de son recours est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; sa manière de servir a toujours été jugée bonne ; elle n'a jamais fait l'objet d'aucune sanction ni remarque de sa hiérarchie, qui s'est révélée élogieuse à l'occasion de chacune de ses appréciations annuelles ; son aptitude physique à servir a été mal appréciée ; enfin, s'il est constant qu'elle n'est pas titulaire du certificat militaire élémentaire (CME), son absence aux épreuves du CME résulte d'une omission fautive de sa hiérarchie ; en outre, alors qu'elle pouvait prétendre au grade de caporal-chef, elle n'a jamais été inscrite au tableau d'avancement par sa hiérarchie ; le ministre ne saurait invoquer ces circonstances pour justifier la décision de non-renouvellement litigieuse ;

- la décision implicite de rejet de son recours est entachée d'un détournement de pouvoir ; elle a le sentiment d'avoir été discriminée en raison, d'une part, de son sexe, d'autre part, en raison de son orientation sexuelle.

Par un mémoire, enregistré le 8 janvier 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2008-961 du 12 septembre 2008 ;

- le décret n° 2016-983 du 19 juillet 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 7 mai 1986, titulaire du diplôme d'aide-soignante depuis le 14 février 2006, s'est engagée par contrat du 21 mars 2006, pour une durée de trois ans, en qualité de sous-officier au service santé des armées et a été affectée à l'hôpital militaire de Percy-Clamart. L'intéressée a ensuite signé un nouveau contrat pour une durée de cinq ans, à compter du 3 novembre 2009, comme brancardier secouriste dans l'armée de terre. Elle a alors été affectée au 152ème régiment d'infanterie de Colmar. Le 1er mars 2012, elle a obtenu le grade de caporal. Au vu de cette promotion, son contrat a été renouvelé le 30 janvier 2013 en qualité de militaire du rang pour une durée de trois ans, à compter du 3 novembre 2014, expirant le 2 novembre 2017. Dans le cadre de ce contrat, Mme B... a été mutée, à sa demande, au centre médical des armées (CMA) d'Angers, Le Mans, Saumur, et plus précisément à l'antenne médicale d'Auvours. Par une décision du 13 octobre 2016, le ministre de la défense a décidé de ne pas renouveler le contrat d'engagement de Mme B... à son échéance. Mme B... a contesté cette décision devant la commission des recours des militaires le 16 novembre 2016.

2. Mme B... a, le 12 septembre 2017, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du ministre de la défense, née du silence gardé par cette autorité suite au recours qu'elle a formé devant la commission des recours des militaires contre la décision du 13 octobre 2016 de ne pas renouveler son contrat d'engagement. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sur la légalité de la décision portant refus de renouvellement du contrat :

3. Aux termes de l'article L. 4132-6 du code de la défense : " Le militaire servant en vertu d'un contrat est recruté pour une durée déterminée. Le contrat est renouvelable. (...) ". Un agent dont le contrat est arrivé à échéance n'a aucun droit au renouvellement de celui-ci. Cette décision ne peut néanmoins être prise pour des motifs étrangers au service. A cet égard, une insatisfaisante manière de servir est de nature à justifier, au regard de l'intérêt du service, le refus de renouveler le contrat.

4. Il ressort des pièces versées au dossier, en particulier des écritures produites en défense par la ministre des armées en première instance, que la décision de ne pas renouveler le contrat d'engagement de Mme B... prenant fin le 2 novembre 2017 est fondée sur la manière de servir de ce militaire ainsi que sur des considérations tenant à l'obtention de diplôme et à l'aptitude physique de l'intéressée conditionnant ses perspectives d'avancement.

5. En premier lieu, si les bulletins de notation annuelle que Mme B... a versés aux débats attestent, d'une part, que celle-ci fait montre, depuis l'année 2012, de bonnes qualités techniques, ses supérieurs hiérarchiques relevant son sens du travail bien fait ainsi que sa disponibilité, il ressort cependant des bulletins de notation pour les années 2012 à 2017 que le savoir-être de ce militaire a été systématiquement noté comme " perfectible " vis-à-vis de son équipe et de ses supérieurs et qu'elle a été, à plusieurs reprises, alertée par ces derniers sur la nécessité d'apprendre à adapter son caractère " franc et affirmé " aux différentes situations. En raison de ce comportement et de ses difficultés à se maîtriser, les notateurs de Mme B... ont systématiquement indiqué, y compris en 2016 et 2017, qu'elle ne pouvait qu'à " terme ", et non pas immédiatement, accéder à des responsabilités de catégorie supérieure. La fiche d'orientation qui lui avait été communiquée le 8 mars 2016 mentionne à cet égard explicitement en observations " A préparer à la reconversion ".

6. En deuxième lieu, l'instruction ministérielle n° 7500/DEF/RH-AT/PRH/LEG du 5 novembre 2012 publiée au Bulletin officiel des armées n°55 du 21 décembre 2012 précise en son point 2.3 les conditions pour être promu au grade de caporal-chef : " Pour être promus au grade de caporal­chef (brigadier-chef), les militaires du rang doivent : (...) être titulaires du brevet militaire professionnel élémentaire (BMPE) ou du certificat de qualification technique (CQT). " Par ailleurs, l'instruction ministérielle n°953/DEF/RH-AT/PRH/LEG du 12 juillet 2016 relative à la formation des militaires du rang de l'armée de terre publiée au Bulletin officiel des armées n°42 du 15 septembre 2016, qui définit en son point 2.2.1 les objectifs de la formation élémentaire de ces militaires, énonce qu'elle vise notamment à leur donner les compétences pour prendre le commandement de petites cellules et précise que cette formation " est composée de la formation générale élémentaire (FGE) et de la reconnaissance de l'expérience acquise sur un poste de niveau fonctionnel avec l'attribution d'un certificat technique élémentaire (CTE) à compter de 2 ans de service. ". L'article 2.2.2 de cette instruction indique que la FGE (...) est sanctionnée par le certificat militaire élémentaire (CME). " Il résulte de ces différentes dispositions, d'une part, que pour remplir les conditions requises à un avancement, le militaire du rang, outre les compétences techniques relatives à son cœur de métier - infirmier dans le cas de Mme B... - sanctionnées par l'obtention du CTE, doit également détenir les connaissances militaires élémentaires et nécessaires dans le cadre du service courant (chef de groupe) sanctionnées par le certificat militaire élémentaire (CME) et que, d'autre part, le CQT évoqué plus haut, indispensable à une promotion au grade de caporal-chef, est attribué à tout caporal titulaire du CTE et du CME. Or il ressort des pièces versées au dossier que, si Mme B..., qui a le grade de caporal, est titulaire du CTE, elle ne détient pas le certificat militaire élémentaire (CME). Si la requérante soutient cependant que son administration ne saurait lui opposer la non détention de ce certificat dès lors que l'absence d'inscription aux épreuves permettant de l'obtenir résulterait d'une omission fautive de sa hiérarchie, elle ne l'établit pas, le courriel du 25 mars 2016 qu'elle verse aux débats, se bornant à indiquer s'agissant de la demande d'attribution FGE " qu'elle est hors délai et qu'on ne peut rattraper la situation ", une telle question étant au demeurant étrangère à la question de la légalité de la décision contestée. Ainsi, la condition de diplôme n'étant pas remplie par Mme B..., qui ne détient pas non plus le brevet militaire professionnel élémentaire (BMPE) et le CQT, cette dernière ne justifiait pas des conditions requises pour être promue au grade de caporal-chef.

7. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., entre 2013 et 2016, a été jugée apte à servir mais avec des restrictions d'emploi. En décembre 2016, elle a ainsi été déclarée inapte au contrôle de la condition physique du militaire (CCPM), inapte aux efforts physiques et inapte à la course à pied. Une telle circonstance est de nature à faire obstacle à l'obtention par la requérante du certificat militaire élémentaire (CME), lui-même indispensable à l'attribution du certificat de qualification technique dont la détention constitue, ainsi qu'il a été dit plus haut, un préalable obligatoire à l'obtention du grade de caporal-chef et à l'attribution du certificat de qualification technique supérieur. Aussi, la requérante ne pouvait, pour cet autre motif, être proposée à l'avancement de caporal-chef.

8. Il résulte de l'ensemble des éléments rappelés aux points 5, 6 et 7 qu'en estimant que Mme B... ne présentait pas les aptitudes exigées pour l'exercice de la fonction militaire au-delà de onze années et ne remplissait pas les conditions pour être promue au grade de caporal-chef, puis en lui refusant, pour ces motifs, le renouvellement de son contrat d'engagement, le ministre de la défense n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

9. En quatrième lieu, si Mme B..., selon ses propres termes, indique pour soutenir que le refus de renouveler son contrat est illégal, " qu'elle a eu l'impression d'être discriminée en raison de son sexe et de son orientation sexuelle ", il ne ressort d'aucun élément probant du dossier que la décision contestée serait fondée sur un élément autre que sa manière de servir. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir dont elle se prévaut ne peut qu'être écarté.

10. En cinquième et dernier lieu, Mme B... se borne à reprendre devant le juge d'appel le même moyen, tiré du défaut de motivation de la décision de la commission de recours des militaires, que celui invoqué en première instance sans plus de précisions ou de justifications et sans l'assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges qui ont rappelé qu'il ne ressortait d'aucune pièce du dossier que l'intéressée avait sollicité la communication des motifs de la décision contestée du ministre de la défense, intervenue implicitement, laquelle s'était substituée à la décision implicite de la commission de recours des militaires.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions susmentionnées ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B... D... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 19 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. A..., président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction, le 16 mars 2021.

Le rapporteur,

O.A...Le président,

O.GASPON

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 19NT01906 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01906
Date de la décision : 16/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : FLOCH MARIE-LAURE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-03-16;19nt01906 ?
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