Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune d'Epinay-sur-Odon à leur verser une somme totale de 287 781, 15 euros en réparation des préjudices subis par eux du fait d'informations erronées que cette commune leur aurait fournies.
Par un jugement n° 1800792 du 20 février 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er avril 2020, Mme E... B... et M. C... A..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800792 du 20 février 2020 du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler la décision du 19 février 2018 par laquelle le maire de la commune d'Epinay-sur-Odon a rejeté leur réclamation préalable indemnitaire et de condamner la commune d'Epinay-sur-Odon à leur verser, en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leurs trois enfants, la somme de 287 781, 15 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Epinay-sur-Odon la somme de trois mille cinq cents euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la prescription quadriennale issue des dispositions de la loi du 31 décembre 1968 ne peut leur être opposée dès lors qu'ils n'ont appris l'existence de l'arrêté d'insalubrité du 4 août 1992 qu'en juin 2016 à la suite d'un rendez-vous en mairie ; ils n'ont pas eu connaissance de l'existence de l'arrêté d'insalubrité lors de l'achat de l'immeuble en 2007 ;
- la faute de la commune d'Epinay-sur-Odon est constituée dès lors qu'elle n'a pas fait mention de l'existence de l'arrêté d'insalubrité de 1992 en réponse à la demande qui lui avait été adressée par le notaire dans le cadre de la vente du 15 octobre 2007 ; il est établi que la direction départementale des affaires sanitaires et sociales a bien notifié cet arrêté à la commune qui en avait donc bien connaissance lorsque la demande de renseignements lui a été adressée ; c'est bien la commune qui a engagé sa responsabilité puisque la réponse erronée porte le seul tampon de la commune, sans précision du service qui a renvoyé le courrier ; aucun texte n'établit que lorsque la commune est interrogée par un notaire sur un bien implanté sur son domaine, la réponse apportée le serait en qualité d'autorité administrative de l'Etat ; la commune n'a pas contesté que la réponse a été donnée en son nom et non par le maire en qualité d'autorité administrative de l'Etat ;
- leur maison d'habitation est toujours concernée par un arrêté d'insalubrité ; ils n'ont pas les moyens de réaliser les travaux requis et n'auraient pas acquis l'immeuble s'ils avaient été informés de l'existence de l'arrêté d'insalubrité ; ils ne peuvent contester le courrier de l'Agence régionale de santé du 19 décembre 2016 qui n'est pas une décision faisant grief ;
- en ce qui concerne les préjudices :
o leur maison d'habitation n'ayant plus aucune valeur patrimoniale, ils sont fondés à demander la somme de 120 000 euros, prix payé pour l'acquisition de l'immeuble, avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction ; doivent s'y ajouter les frais d'acte et droits d'enregistrement payés à hauteur de 5 721 euros et le cout du crédit contracté pour les besoins de la vente, d'un montant de 102 060, 15 euros ;
o ils subissent un préjudice moral estimé à 10 000 euros chacun, soit 50 000 euros avec leurs trois enfants ;
o ils doivent assumer un déménagement dont le coût ne peut être inférieur à 8 000 euros.
Par une ordonnance du 3 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A... et Mme E... B... ont acquis le 15 octobre 2007 une maison d'habitation située au " Bourg ", sur les parcelles cadastrées A 38, 40, 41 et 276, sur le territoire de la commune d'Epinay-sur-Odon (Calvados). En juin 2016, au cours d'un rendez-vous auprès des services de la mairie, ils ont appris que par un arrêté du 12 août 1992, le préfet du Calvados avait prononcé l'interdiction définitive d'habiter le logement dont ils avaient fait l'acquisition en 2007. Estimant que les services de la commune avaient fourni des informations erronées, le conseil de M. A... et Mme B... a saisi le maire d'une demande indemnitaire par courrier du 13 décembre 2017. Cette demande a été rejetée par le maire de la commune d'Epinay-sur-Odon le 19 février 2018. Mme B... et M. A... relèvent appel du jugement n° 1800792 du 20 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune d'Epinay-sur-Odon.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend notamment : / (...) 5° Le soin (...) de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, si il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure (...) " et l'article L. 1421-4 du code de la santé publique dispose que : " Le contrôle administratif et technique des règles d'hygiène relève : / 1° De la compétence du maire pour les règles générales d'hygiène fixées, en application du chapitre Ier du titre Ier du livre III, pour les habitations, leurs abords et dépendances ; / 2° De la compétence de l'Etat dans les autres domaines sous réserve des compétences reconnues aux autorités municipales par des dispositions spécifiques du présent code ou du code général des collectivités territoriales ". Par ailleurs, l'article L. 1331-26-1 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable dispose que : " Lorsque le rapport prévu par l'article L. 1331-26 fait apparaître un danger imminent pour la santé ou la sécurité des occupants lié à la situation d'insalubrité de l'immeuble, le préfet met en demeure le propriétaire, ou l'exploitant s'il s'agit de locaux d'hébergement, de prendre les mesures propres à faire cesser ce danger dans un délai qu'il fixe. / Si l'exécution des mesures prescrites par cette mise en demeure rend les locaux temporairement inhabitables, les dispositions des articles L. 521-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation sont applicables. / Le préfet procède au constat des mesures prises en exécution de la mise en demeure. / Si les mesures prescrites n'ont pas été exécutées dans le délai imparti, le préfet procède à leur exécution d'office. / Si le propriétaire ou l'exploitant, en sus des mesures lui ayant été prescrites pour mettre fin au danger imminent, a réalisé des travaux permettant de mettre fin à toute insalubrité, le préfet en prend acte ".
3. Il résulte de ces dispositions que s'il appartient au maire, en vertu des pouvoirs généraux de police qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et des pouvoirs de contrôle administratif et technique des règles générales d'hygiène applicables aux habitations et à leurs abords qui lui sont conférés par l'article L. 1421-4 du code de la santé publique, de veiller aux respect des règles de salubrité sur le territoire de la commune, la prescription de mesures adéquates de nature à faire cesser l'insalubrité dans un logement relève, en application des articles L. 1331-26 et L. 1331-26-1 du même code, de la compétence des services de l'Etat, auquel le législateur a entendu confier cette police spéciale. Dès lors, le renseignement erroné donné en 2007 à Mme B... et M. A... sur l'absence d'un arrêté d'insalubrité grevant la maison d'habitation dont ils faisaient l'acquisition doit être regardé comme émanant du maire d'Epinay-sur-Odon agissant en qualité d'agent de l'Etat dans le cadre de la police spéciale de lutte contre l'habitat insalubre.
4. En second lieu, l'article L. 421-2-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable en août 2007, dispose que : " Dans les communes où un plan local d'urbanisme a été approuvé, le permis de construire est délivré par le maire au nom de la commune. Il en est de même dans les communes où une carte communale a été approuvée si le conseil municipal en a décidé ainsi. Lorsqu'une commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer cette compétence qui est alors exercée par le président de l'établissement public au nom de l'établissement. Cette délégation de pouvoir doit être confirmée dans les mêmes formes après chaque renouvellement du conseil municipal ou après l'élection d'un nouveau président de l'établissement public. / Le transfert de compétence au maire agissant au nom de la commune est définitif (...) ". La carte communale d'Epinay-sur-Odon a été approuvée par un arrêté du préfet du Calvados du 15 mai 2006.
5. Le renseignement erroné a été donné dans le cadre d'une demande de renseignements plus globale adressée au service de l'urbanisme de la commune par le notaire. Dès lors qu'il n'est pas établi, ni même soutenu, que le conseil municipal de la commune d'Epinay-sur-Odon avait adopté une délibération transférant au maire la possibilité de délivrer des permis de construire au nom de la commune, le maire était compétent en sa seule qualité d'agent de l'Etat pour délivrer au notaire chargé de la vente de l'immeuble en cause à M. A... et Mme B... les informations d'urbanisme sollicitées à l'occasion de cette transaction immobilière. Ainsi, alors même que le courrier répondant à la demande d'information du notaire comportait le tampon de la commune d'Epinay-sur-Odon, et que par ailleurs il ne résulte pas de l'instruction que la commune aurait en outre commis une faute engageant sa propre responsabilité, seule la responsabilité de l'Etat en raison de la délivrance de renseignements d'urbanisme erronés serait susceptible d'être recherchée à ce titre.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune d'Epinay-sur-Odon.
Sur les frais du litige :
7. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune d'Epinay-sur-Odon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser la somme que Mme B... et M. A... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
8. En second lieu, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... et M. A... la somme que la commune d'Epinay-sur-Odon demande en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... et M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Epinay-sur-Odon tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B..., à M. C... A... et à la commune d'Epinay-sur-Odon.
Délibéré après l'audience du 16 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2021.
La rapporteure,
M. F...Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20NT01182