Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009 pour un montant de 84 816 euros, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012 pour un montant de 75 071 euros, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 pour un montant de 101 014 euros et de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2014 pour un montant de 77 028 euros.
Par un jugement n°s 1608988, 1610200, 1706826 et 1806566 du 5 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a déchargé M. D... des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009, 2012, 2013 et 2014, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 juin 2019 et 23 novembre 2020, et des mémoires enregistrés les 26 novembre 2020 et 14 décembre 2020 qui n'ont pas été communiqués, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) le reversement à l'Etat de la somme de 2 500 euros que ce dernier a été condamné à verser à la société sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de remettre à la charge de M. D... la somme de 84 816 euros (droits et pénalités) au titre des années 2008 et 2009, de 75 071 euros (droits et pénalités) au titre de l'année 2012, de 101 014 euros au titre de l'année 2013 et de 77 028 euros au titre de l'année 2014.
Il soutient que l'activité d'éleveur de M. D... n'était pas professionnelle dès lors qu'il ne l'exerçait pas à titre habituel et constant et que cette activité n'était pas exercée dans un but lucratif et par conséquent, que les déficits générés par la société Aleijo, dont M. D... est l'unique associé, ne sont déductibles ni de son revenu global ni d'un bénéfice professionnel.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 décembre 2019, 25 novembre 2020 et 9 décembre 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de Mme C..., rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Aleijo, qui exerce une activité d'élevage de chevaux de selle sans sol, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008 et 2009. A l'issue de cette vérification, l'administration fiscale a remis en cause le caractère professionnel de l'activité équine de cette société, et, par suite, l'imputation des déficits constatés par cette société sur le revenu global de M. D..., qui en est l'unique associé. A la suite de contrôles sur pièces, l'administration fiscale a fait de même au titre des années 2012, 2013 et 2014. M. D... a demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009, 2012, 2013 et 2014. Par un jugement du 5 avril 2019, le tribunal a déchargé M. D... de ces cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu. Le ministre de l'action et des comptes publics fait appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. Aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal (...) sous déduction : I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus (...) / Toutefois n'est pas autorisée l'imputation : (...) 2° des déficits provenant d'activités non commerciales au sens de l'article 92, autres que ceux qui proviennent de l'exercice d'une profession libérale (...) ". Aux termes de l'article 92 du même code : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et toutes occupations, exploitation lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ". Il résulte de ces dispositions que ne sont imputables sur le revenu global que les déficits provenant d'une activité libérale dès lors que le contribuable qui les déclare exerce effectivement une activité professionnelle. L'activité professionnelle est caractérisée par l'exercice habituel de l'activité et par la recherche du profit. Son existence ne peut être admise si l'une de ces deux conditions n'est pas satisfaite.
3. En premier lieu, il est constant que M. D... exerce à temps plein la profession de chirurgien-dentiste. Il précise qu'il exerce cette activité à hauteur d'environ 52 heures par semaine. L'habitation de M. D... est située au milieu de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Elevage de Roumard, qui possède un haras dans lequel la plupart des chevaux de la société Aleijo, dont M. D... est l'unique associé, sont en pension. Une facture de 2008, deux factures de 2009 et un contrat de 2013 mentionnent des ventes de chevaux au profit de la société Aleijo. Des factures font état d'achats de chevaux par la société Aleijo en 2008, 2009, et 2013. Les autres factures produites ne peuvent être retenues, étant trop imprécises ou ne portant pas sur les années d'imposition en litige. Des courriels ont été échangés entre M. D... et d'éventuels acheteurs en 2008. Des factures de 2013 et 2014 pour des saillies ont été adressées à la société Aleijo et un contrat de saillie de 2013 a été signé par M. D.... Un courriel de 2012 mentionnant une saillie a été envoyé à M. D.... Plusieurs courriers, signés par M. D... en 2008 et 2009, demandaient à Mme B..., gérante de l'EARL Elevage de Roumard, d'emmener puis de rechercher des poulinières, désignées, au centre d'insémination. Des fiches de soins des chevaux ont été signées à la fois par M. D... et par Mme B.... Plusieurs attestations d'un vétérinaire, de cavaliers et d'une éleveuse de chevaux, indiquent que M. D... choisit les géniteurs mâles, surveille les poulinages et s'occupe personnellement de ses chevaux pendant leurs trois premières années. Des fiches de suivi à l'en-tête de la société Aleijo mentionnent les périodes et les types d'entraînement des chevaux. Des demandes d'inscription aux concours ont été envoyées à Mme B... par M. D... pour les années 2008 et 2009. Enfin, M. D... établit avoir un permis de conduire " poids lourds " depuis 2008 et un certificat d'aptitude au transport des animaux vivants depuis 2013. La société Aleijo a acquis fin 2009 un véhicule permettant de transporter cinq chevaux. Une facture de 2015, mais révélant des faits antérieurs, mentionne un kilométrage de plus de 44 000 kms. Si l'administration soutient que les frais kilométriques admis en déduction sont relatifs au véhicule de type Mercedes ML 400 qui est le véhicule personnel de M. D..., cette seule circonstance n'établit pas que le camion ne serait jamais utilisé, alors qu'une des attestations produites indique que M. D... transporte en personne ses poulinières dans les haras. Dès lors, au vu de l'ensemble de ces éléments, M. D... établit choisir le haras, les croisements et la fréquence des saillies, prendre la décision des opérations d'achat ou de vente des chevaux, de leur engagement dans les compétitions et participer à la décision de l'entraînement des chevaux, et transporter occasionnellement les animaux. Ainsi, et alors même qu'il n'entraîne pas lui-même les chevaux et qu'il ne consacre pas la majeure partie de son temps à l'activité d'élevage, il doit être regardé comme exerçant son activité d'éleveur à titre habituel et constant.
4. En second lieu, il convient de tenir compte notamment de la longue durée du cycle de production d'animaux d'élevage équin et dès lors, au titre du second critère mentionné au point 2 et lié à une activité exercée dans un but lucratif, il y a lieu de tenir compte des ventes même postérieures aux années d'imposition en litige. En 2018, des chevaux appartenant à la société Aleijo ont été vendus pour respectivement 15 000 euros et 30 000 euros. Un autre cheval a été vendu en 2019 pour la somme de 135 000 euros. M. D... établit qu'il a renouvelé l'écurie de la société Aleijo pour une amélioration de la génétique et des poulains, par une sélection des géniteurs et la mise à la reproduction de nouvelles juments, ce qui a conduit à une augmentation des points de prime d'aptitude à la compétition équestre (PACE) des poulinières, l'administration n'apportant pas la preuve contraire en se bornant à se prononcer sur cette situation seulement au plus tard le 31 décembre 2009. En outre, la société Aleijo fait valoir sans être contredite qu'elle est adhérente du groupe France élevage, lequel propose un catalogue des meilleurs étalons européens. De plus, la société Aleijo a mis ses chevaux à l'entraînement auprès de cavaliers qualifiés de 2008 à 2018, ce qui a augmenté ses possibilités de les revendre au meilleur prix. Dès lors, M. D... doit être regardé comme recherchant à augmenter la valeur des chevaux appartenant à la société Aleijo, en augmentant le nombre de naissances, en améliorant la génétique des poulinières et des poulains, en ayant recours à des cavaliers professionnels et en gérant les entraînements et les inscriptions aux compétitions. Enfin, le travail qu'il a effectué a été reconnu notamment par le département de la Vendée en 2011, qui lui a attribué une subvention au vu des résultats obtenus par deux chevaux. Ainsi, alors même qu'il est constant que l'activité de la société Aleijo est demeurée déficitaire de 2008 à 2018 et que les déficits ont augmenté alors que les recettes sont restées stables et que l'intégralité des ressources de la société provient des virements effectués par M. D... et liés à son activité de chirurgien-dentiste, le contribuable doit être regardé comme exerçant son activité dans un but lucratif.
5. Il résulte de ce qui précède que M. D... justifie du caractère professionnel de son activité d'éleveur de chevaux de 2008 à 2014. Dès lors qu'il n'est pas contesté que cette activité impliquait la possession et la mise en oeuvre d'une science et d'un art, les déficits générés par cette activité doivent être regardés comme provenant, dès l'origine, de l'exercice d'une profession libérale au sens et pour l'application du 2° du I de l'article 156 du code général des impôts et, comme tels, imputables sur le revenu global du contribuable.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a déchargé M. D... des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009, 2012, 2013 et 2014, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par M. D....
DECIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. F... D....
Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.
La rapporteure,
P. E...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02333
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