Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Grill Les Enseignes a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2007 au 30 avril 2011 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2007 à 2010, ainsi que de l'amende prévue par l'article 1737 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1703221 du 5 mars 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mai 2019, la SARL Grill Les Enseignes, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle devait mettre à sa disposition les documents recueillis dans le cadre du droit de communication ;
- l'administration ne lui a communiqué aucun bon de livraison des marchandises achetées sous l'identité " M. B... ", ni la " fiche client " la concernant, ni celle concernant M. B..., détenues par la société par actions simplifiée (SAS) SDPAD, son fournisseur ;
- l'administration aurait dû lui communiquer la copie des demandes adressées à 517 personnes interrogées dans le cadre d'une enquête effectuée par courrier auprès de clients du restaurant, débiteurs de chèques enregistrés dans la comptabilité de la SAS SDPAD, ainsi que la copie de l'intégralité des réponses ;
- l'administration ne lui a pas communiqué la copie de tous les chèques enregistrés dans la comptabilité de la SAS SDPAD ;
- il n'est pas possible d'extrapoler à partir d'un échantillon de huit réponses de clients débiteurs de chèques enregistrés dans la comptabilité de la SAS SDPAD ;
- l'administration l'a induite en erreur sur le nombre de documents qu'elle avait en sa possession.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Grill Les Enseignes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Grill Les Enseignes, qui exploite un restaurant sous le même nom, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à la suite de laquelle lui ont été notifiés, par propositions de rectification des 20 décembre 2011 et 26 mars 2012, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, des redressements, en droits et pénalités, d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2007 à 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er juillet 2007 au 30 avril 2011 et l'amende prévue par le 1° du I de l'article 1737 du code général des impôts. La demande de la société tendant à la décharge de ces impositions et amende a été rejetée par un jugement du tribunal administratif d'Orléans du 5 mars 2019. La société relève appel de ce jugement.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue, lorsqu'elle en dispose, de lui communiquer avant la mise en recouvrement des impositions les documents ou copies de documents contenant les renseignements qu'elle a obtenus auprès de tiers et qui lui sont opposés. Il en va ainsi, sauf dans le cas d'informations librement accessibles au public, alors même que le contribuable a pu avoir connaissance de ces renseignements ou de certains d'entre eux, afin notamment de lui permettre d'en vérifier, et le cas échéant d'en discuter, l'authenticité et la teneur.
4. Il résulte des propositions de rectification des 20 décembre 2011 et du 26 mars 2012 que l'administration s'est fondée, pour procéder aux redressements et rappels en litige, sur les informations qui lui ont été communiquées par la brigade de contrôle et de recherche de Maine-et-Loire, à la suite de l'enquête menée en 2011 au sein de la société par actions simplifiée (SAS) SDPAD, fournisseur de la société requérante. L'enquête a permis de constater que les livraisons effectuées au restaurant étaient facturées sous deux identités de clients, la SARL Grill les Enseignes et " M. B... ", que figurent dans la comptabilité de la SAS SDPAD les noms des titulaires des chèques utilisés pour régler les factures établies au nom de " M. B... " et que la " fiche client " établie au nom de " M. B... " indique le même numéro de téléphone que celui de la SARL Grill Les Enseignes. Elle a également révélé que les factures émises au nom de " M. B... " n'étaient pas portées dans la comptabilité de la SARL Grill Les Enseignes et que cette dernière ne pouvait pas justifier des recettes comptabilisées au titre des années contrôlées. Le service vérificateur a en conséquence procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL Grill Les Enseignes au titre des exercices contrôlés.
5. La société requérante reproche à l'administration de ne lui pas avoir donné tous les documents dont cette dernière avait la possession, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
6. Il est constant que, par lettre du 20 janvier 2012 et par la réponse aux observations de la SARL Grill Les Enseignes du 4 juillet 2012, l'administration a communiqué à cette société le procès-verbal de clôture de l'enquête menée par la brigade de contrôle et de recherches de Maine-et-Loire, cosigné par les enquêteurs et par le dirigeant de la SAS SDPAD, la copie des factures établies par cette société au cours des exercices contrôlés au nom du client " M. B... ", les extraits des comptes provisoires au nom de " M. B... " pour les années 2008 à 2011 ainsi que la copie des réponses recueillies auprès des personnes ayant émis, lors de leur passage au restaurant, des chèques qui ont été encaissés par la SAS SDPAD. Par la communication des extraits des comptes provisoires dans la comptabilité de la SAS SDPAD, l'administration a transmis à la société requérante la " fiche client B... ", contrairement à ce que soutient la société.
7. Contrairement à ce que soutient la société requérante, la " fiche client " établie par la SAS SDPAD, selon laquelle " M. B... " est en fait une autre identité de la société Grill Les Enseignes et sur laquelle apparaît le numéro de téléphone du restaurant, lui a été communiquée par courrier du 20 janvier 2012. Ce document apparaît sous la dénomination " extraits de comptes provisoires chez SDPAD de M. B... " et a été communiqué pour l'ensemble des années en litige dans la mesure où les courriers des 17 février 2012 et 25 mai 2012, portant observations du contribuable, en font mention.
8. L'administration s'est fondée sur des factures et non sur des bons de livraison des marchandises achetées sous l'identité " M. B... ". Ainsi, la SARL Grill Les Enseignes n'est pas fondée à faire valoir que l'administration ne lui a communiqué aucun bon de livraison.
9. La SARL Grill Les Enseignes soutient que l'administration aurait dû lui communiquer la copie des demandes adressées à 517 personnes, interrogées dans le cadre d'une enquête effectuée par courrier auprès de clients du restaurant, débiteurs de chèques enregistrés dans la comptabilité de la SAS SDPAD, qui n'a porté que sur l'année 2010 ainsi que l'intégralité des réponses qu'elle a recueillies auprès des clients concernés. Compte tenu tant de l'absence de tout caractère contraignant des réponses et de la volonté de l'administration d'établir un échantillonnage, il était loisible à celle-ci de ne pas communiquer les copies des demandes et l'intégralité des réponses.
10. L'obligation prévue à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne peut porter que sur les documents effectivement détenus par les services fiscaux. Si la société requérante prétend que l'administration ne lui a pas communiqué la copie de tous les chèques enregistrés dans la comptabilité de la SAS SDPAD, elle ne conteste pas les écritures de l'administration selon laquelle celle-ci n'avait pas à sa disposition l'ensemble de ces documents.
11. Il résulte des points 6 à 10 que la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été induite en erreur par l'administration sur le nombre exact de documents que celle-ci avait en sa possession et que les impositions et rappels en litige ont été établis sur des renseignements ou des documents qui n'auraient pas été portés à sa connaissance et que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Grill Les Enseignes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Grill Les Enseignes est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Grill Les Enseignes et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. C..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.
Le rapporteur,
J.E. C...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01670