Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier du Mans à lui verser la somme de 390 992,49 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des conditions de sa prise en charge par cet établissement de santé le 28 février 2012.
Par un jugement n° 1609964 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier du Mans à verser à M. C... la somme de 6 100 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Sarthe la somme de 64 058,02 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 juin 2019 M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 avril 2019 en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à ses demandes ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Mans les entiers dépens y compris les frais d'expertise.
Il soutient que :
- l'intégralité des frais divers qu'il a dû exposer s'élève à la somme de 4 000 euros ;
- il est en droit d'obtenir une indemnisation à hauteur de 1 800 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne active (1h X 90 j X 20 €) et à hauteur de 4 000 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne passive ;
- il a été dans l'incapacité totale de suivre une quelconque formation à cause de sa jambe et en a subi un préjudice scolaire, universitaire ou de formation qu'il y a lieu d'évaluer à 1 000 euros ;
- il est en droit d'obtenir la somme de 10 000 euros au titre des dépenses de santé futures ;
- il a souffert d'un déficit fonctionnel temporaire qui doit être évalué à la somme totale de 5 192,49 euros ;
- les souffrances qu'il a endurées, évaluées à 4/7 et qui englobent les interventions des 20 avril, 1er mai, 7 mai et 31 mai 2012 ainsi que l'intervention en ambulatoire d'ablation du cathéter central, doivent être évaluées à 30 000 euros ;
- il a présenté des cicatrices importantes du membre inférieur gauche ; au titre du préjudice esthétique temporaire, qui a été évalué à 2/7 par l'expert, il peut donc prétendre à une indemnisation à hauteur de 15 000 euros ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté le déficit fonctionnel permanent alors que celui-ci peut être évalué à 20 % soit une indemnité de 300 000 euros à ce titre ;
- il y a lieu d'indemniser le préjudice esthétique permanent qu'il subit, qui doit être évalué à la somme de 15 000 euros ;
- dans la mesure où il ne peut plus pratiquer la moto ni de nombreuses autres activités, et où son handicap a des répercussions très importantes sur tous les loisirs de la vie courante, il est en droit d'obtenir la somme de 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément.
Par un mémoire enregistré le 25 juillet 2019, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales conclut à ce que soit confirmée sa mise hors de cause.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 avril 2020 le centre hospitalier du Mans, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée le 27 juin 2019 à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique, qui n'a pas produit de mémoire.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision 24 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né en 1966, a été victime d'un accident de la circulation le 7 novembre 1994. La fracture-luxation ouverte du genou gauche subie lors de cet accident a été traitée par ostéosynthèse mais une raideur du genou gauche avec une limitation très importante de la flexion a persisté. Après avoir consulté le 22 septembre 2011 pour des douleurs importantes provoquées par une gonarthrose évoluée, M. C... a subi le 29 février 2012, au centre hospitalier du Mans, une intervention chirurgicale consistant dans l'ablation totale du matériel d'ostéosynthèse, suivie de la pose d'une prothèse totale de genou. Il a été revu en consultation le 3 avril 2012, puis a de nouveau été hospitalisé au centre hospitalier du Mans le 19 avril 2012 en raison de saignements avec épisode fébrile. Le 20 avril 2012 une nouvelle intervention a été réalisée en vue d'évacuer un hématome important avec fistule entre la peau et la prothèse. Une reprise partielle de la cicatrice et un lavage abondant et complet du genou ont été effectués, de même que des prélèvements bactériologiques qui ont mis en évidence l'existence d'un streptocoque et d'un staphylocoque aureus méticilline sensible. Le traitement de cette infection a nécessité plusieurs antibiothérapies ainsi que de nouvelles interventions chirurgicales pour évacuation d'hématome, lavage articulaire du genou et d'un lambeau de jumeau interne, puis une greffe de peau a été réalisée le 31 mai 2012 et a évolué en une guérison complète des lésions cutanées. Après plusieurs épisodes d'ischémie du membre inférieur gauche, M. C... conserve une boiterie du fait de la rigidité du membre inférieur gauche, et la marche sur les talons comme l'accroupissement lui sont impossibles.
2. Estimant que l'infection contractée en 2012 avait un caractère nosocomial mettant en cause la responsabilité de l'établissement hospitalier, M. C... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes qui a désigné un expert chirurgien orthopédiste ainsi qu'un médecin infectiologue en qualité de sapiteur, dont le rapport a été déposé le 22 août 2015. M. C... a été indemnisé par son assureur, la société Pacifica, au titre du préjudice esthétique permanent et des souffrances endurées. La société Pacifica a par la suite exercé un recours subrogatoire à l'encontre de l'assureur du centre hospitalier du Mans, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) et une transaction, dont le procès-verbal a été régularisé par les parties les 8 et 16 décembre 2015, a été conclue entre les deux assureurs pour un montant de 6 400 euros. M. C... a saisi le tribunal administratif de Nantes d'un recours tendant à la réparation des autres préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'infection nosocomiale contractée au décours de l'intervention chirurgicale du 28 février 2012.
3. Par un jugement du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a, notamment, condamné le centre hospitalier du Mans à verser à M. C... la somme de 6 100 euros. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande indemnitaire.
Sur la responsabilité du centre hospitalier du Mans :
4. Il n'est pas contesté par les parties que l'infection nosocomiale contractée par M. C... au décours de l'intervention chirurgicale du 28 février 2012 est de nature à engager la responsabilité de l'établissement sur le fondement de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique. M. C... est donc en droit de prétendre à être indemnisé de l'ensemble des préjudices qui sont en lien direct avec cette infection.
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
5. M. C... n'établit ni la réalité ni la consistance des frais divers qu'il soutient avoir exposés en lien avec l'infection nosocomiale dont il a été atteint. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il n'était pas fondé à demander une indemnité au titre de ce chef de préjudice.
6. L'expert a évalué le besoin de M. C... en assistance par une tierce personne non spécialisée à une heure par jour pendant trois mois à compter de la mi-avril 2012. Sur la base d'un taux horaire moyen de rémunération, tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche, fixé à 13 euros, et d'une année de 412 jours incluant les congés payés et les jours fériés, c'est par une juste appréciation que les premiers juges ont évalué le préjudice de M. C... à ce titre à la somme de 1 250 euros.
7. Si M. C... soutient qu'il a été " dans l'incapacité totale de suivre une quelconque formation à cause de sa jambe " et en a subi un préjudice, il n'établit ni qu'il aurait dû renoncer à suivre une formation du fait de l'infection nosocomiale dont il a été atteint, ni que la circonstance qu'il n'aurait ultérieurement suivi aucune formation serait imputable à cette infection. Par suite, il n'est pas fondé à demander une indemnité à ce titre.
8. M. C... n'établit ni la réalité ni la consistance des dépenses de santé futures auxquelles il soutient devoir faire face des suites de l'infection nosocomiale dont il a été atteint. Il n'est donc pas fondé à demander une indemnité au titre de ce chef de préjudice.
En ce qui concerne les préjudices personnels :
9. Il résulte de l'instruction que M. C... a subi un déficit fonctionnel temporaire imputable à l'infection nosocomiale de 100 % pendant ses périodes d'hospitalisation du
19 avril 2012 au 22 mai 2012 puis le 31 mai 2012, soit durant 35 jours, de 75 % du 23 au 30 mai 2012 puis du 1er juin 2012 au 15 juillet 2012, soit durant 53 jours, et de 25 % du 16 juillet 2012 au 30 juin 2014, date de consolidation de son état de santé. Par suite, les premiers juges ont correctement évalué ce chef de préjudice en lui allouant la somme de 3 000 euros.
10. L'expert a évalué à 2/7 le préjudice esthétique temporaire subi par M. C... en lien avec l'infection nosocomiale dont il a été atteint, en raison des multiples cicatrices dont il est affecté. La somme de 1 850 euros déjà évaluée par les premiers juges peut être retenue à ce titre.
11. Si M. C... est affecté d'une raideur importante du genou gauche, de 20° sans flessum rajouté, il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que cette diminution de mobilité est imputable à l'état antérieur du patient, caractérisé par un déficit complet de l'extension du genou correspondant à une ankylose articulaire dont le taux est de 25 %. Il en résulte que M. C... ne peut prétendre à aucune indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent.
12. Si M. C... soutient qu'il ne peut plus pratiquer la moto ni d'autres activités de loisir ordinaires et subit de ce fait un préjudice d'agrément, il n'établit pas, en tout état de cause, que cette incapacité serait imputable aux complications qu'il a subies et ne conteste au demeurant pas avoir cessé de pratiquer la moto après l'accident de la circulation dont il a été victime en 1994.
13. Les souffrances endurées par M. C... en lien avec l'infection nosocomiale qu'il a contractée au centre hospitalier du Mans, que l'expert a estimées à 4/7 en raison des multiples interventions qu'il a dû subir, peuvent être évaluées à la somme de 6 200 euros.
Il résulte toutefois de l'instruction que le requérant a été indemnisé de ce préjudice par son assureur, la société Pacifica, à hauteur de 5 000 euros. Par suite, il y a lieu de lui allouer la somme complémentaire de 1 200 euros à ce titre.
14. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que M. C... subit un préjudice esthétique permanent, évalué à 2/7, lié aux multiples cicatrices conservées des différentes interventions rendues nécessaires pour traiter les suites de l'infection nosocomiale dont il a été atteint. S'il est en droit d'obtenir une somme de 1 500 euros à ce titre, il résulte toutefois de l'instruction que le requérant a été indemnisé de ce préjudice par son assureur, la société Pacifica, à hauteur de 1 400 euros. Par suite, il y a lieu de lui allouer la somme complémentaire de 100 euros à ce titre.
15. Il résulte de ce qui précède que la somme de 6 100 euros que le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier du Mans à verser à M. C... doit être portée à 7 400 euros.
Sur les frais liés au litige :
16. D'une part, il y a lieu de maintenir les frais de l'expertise à la charge du centre hospitalier du Mans.
17. D'autre part, M. C... n'établit pas avoir exposé de dépens et n'est en tout état de cause pas fondé à solliciter une quelconque somme à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1 : La somme de 6 100 euros que le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier du Mans à verser à M. C... est portée à 7 400 euros.
Article 2 Le jugement n° 1609964 du tribunal administratif de Nantes du 30 avril 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., au centre hospitalier du Mans, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 4 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2021.
Le rapporteur
M. E...Le président
I. Perrot
Le greffier
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02419