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16/02/2021 | FRANCE | N°19NT01984

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 16 février 2021, 19NT01984


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 19 avril 2017 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Calvados a prononcé la résiliation d'office de son engagement de sapeur-pompier volontaire et de mettre à la charge du SDIS du Calvados la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette décision.

Par un jugement n°1701147 du 29 mars 2019, le tribunal administratif de

Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 19 avril 2017 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Calvados a prononcé la résiliation d'office de son engagement de sapeur-pompier volontaire et de mettre à la charge du SDIS du Calvados la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette décision.

Par un jugement n°1701147 du 29 mars 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 mai et le 20 novembre 2019, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 mars 2019 du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler la décision du 19 avril 2017 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Calvados a prononcé la résiliation d'office de son engagement de sapeur-pompier volontaire ;

3°) de mettre à la charge du SDIS du Calvados le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure disciplinaire est entachée d'irrégularité :

* les modalités et le délai de convocation devant le conseil de discipline, au regard des dispositions de l'article R. 723-41 du code de la sécurité intérieure, ont été méconnus ;

* l'article R. 723-41 du code de la sécurité intérieure prévoit expressément que la convocation doit être " adressée " au sapeur-pompier volontaire mis en cause, et non remis en mains propres à l'intéressé ;

* son droit d'obtenir communication de l'intégralité de son dossier, en vertu des dispositions de l'article R. 723-42 du code de la sécurité intérieure, a été méconnu ;

* l'autorité de gestion n'a consenti à lui remettre qu'une copie partielle des pièces de son dossier ;

* du fait du rejet de sa demande de report de l'examen de son cas devant le conseil de discipline et du refus dudit conseil de faire citer des témoins ;

- la décision du 19 avril 2017 est infondée :

* elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il n'a pas commis les faits pour lesquels il a été sanctionné, les investigations ont été partiales et superficielles ;

* elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à la gravité des faits qui peuvent lui être imputés, notamment au regard de la chronologie de la procédure mise en oeuvre et du classement sans suite des poursuites judicaires dont il a fait l'objet.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 octobre et le 22 novembre 2019, le SDIS du Calvados conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la requête et à titre subsidiaire au rejet de cette dernière ainsi qu'à la condamnation de M. E... à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me C... représentant le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Calvados.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., adjudant sapeur-pompier volontaire au centre d'incendie et de secours d'Argences et en affectation secondaire au centre d'incendie et de secours de Troarn, a été suspendu de ses fonctions le 9 décembre 2016 et fait l'objet d'une procédure disciplinaire à la suite du signalement d'événements survenus le 21 octobre 2016. Après avis du conseil de discipline rendu le 5 avril 2017, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Calvados a résilié d'office l'engagement de sapeur-pompier volontaire de l'intéressé, par une décision du 19 avril 2017. Par sa requête visée ci-dessus, M. E... relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 29 mars 2019 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 avril 2017.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 723-40 du code de la sécurité intérieure : " L'autorité de gestion peut, après avis du conseil de discipline départemental, prononcer contre tout sapeur-pompier volontaire : (...) 3° La résiliation de l'engagement ". Aux termes de l'article R. 723-41 du même code : " Le conseil de discipline départemental est saisi par un rapport introductif de l'autorité de gestion qui exerce le pouvoir disciplinaire. / (...) / Le rapport précise les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis. Une convocation est adressée à l'intéressé quinze jours au moins avant la date de la séance du conseil de discipline départemental ". Aux termes de l'article R. 723-42 du même code : " Le sapeur-pompier à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes. / L'autorité de gestion doit informer le sapeur-pompier volontaire de son droit à communication de son dossier / Il peut présenter devant le conseil de discipline départemental des observations écrites ou verbales, citer des témoins et se faire assister d'un défenseur de son choix. Le droit de citer des témoins appartient également à l'autorité de gestion ainsi que, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article R. 723-41, au représentant de l'Etat dans le département. ".

3. En premier lieu, la circonstance que M. E... a été convoqué à la séance du conseil de discipline par une convocation remise en mains propres n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure disciplinaire, dès lors qu'il n'est pas contesté que cette convocation pour la séance du conseil de discipline, qui s'est tenue le 5 avril 2017, a été remise à l'intéressé le 21 mars 2017, dans le délai de quinze jours prévu par les dispositions précitées, qui n'est pas un délai franc. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que les modalités et le délai de convocation devant le conseil de discipline, au regard des dispositions de l'article R. 723-41 du code de la sécurité intérieure, ont été méconnus.

4. En deuxième lieu, la lettre de convocation devant le conseil de discipline, remise en mains propres à l'intéressé, mentionne qu'en application de l'article R.723-42 du code de la sécurité intérieure, M. E... dispose du droit à présenter des observations écrites ou verbales, à citer des témoins, à se faire assister d'un défenseur de son choix et de bénéficier du droit de consulter préalablement son dossier au groupement des ressources humaines du SDIS du Calvados. Il n'est pas contesté[GO1] que le requérant a pu consulter son dossier administratif le 29 mars 2017 dans les locaux du SDIS et a pris l'attache d'un conseil le 3 avril 2017. Si le requérant soutient qu'il n'a pas eu accès à l'intégralité de son dossier individuel et que l'administration n'a accepté de lui remettre qu'une copie partielle des pièces de ce dossier, ses allégations, contredites en défense, ne sont corroborées par aucun élément. M. E... ne précise pas notamment quelles pièces utiles à sa défense dont il aurait sollicité la copie ne lui auraient pas été communiquées lors de la consultation de son dossier administratif, alors même que la décision attaquée mentionne que l'intéressé n'a demandé à avoir copie que du courrier du colonel Pincemaille adressé au procureur de la République le 28 novembre 2016, du compte rendu du commandant Gaudin du 27 novembre 2016, du courrier du président du conseil d'administration du SDIS au procureur de la République du 9 mars 2017 et, enfin, du rapport introductif de saisine du conseil de discipline départemental des sapeurs-pompiers volontaires en date du 17 mars 2017. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que son droit d'obtenir communication de l'intégralité de son dossier, en vertu des dispositions de l'article R. 723-42 du code de la sécurité intérieure, a été méconnu et que l'autorité de gestion n'aurait consenti qu'à lui remettre une copie partielle des pièces de son dossier.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le conseil du requérant a sollicité un report de la date de réunion du conseil de discipline la veille de la tenue de la séance. Ce dernier, qui n'était tenu[GO2] par aucune disposition législative ou réglementaire de renvoyer l'affaire à une séance ultérieure, a pu légalement écarter la demande formulée en ce sens par M. E..., refus dont le requérant a été informé par courrier du 5 avril 2017 du service des ressources humaines du SDIS, et émettre un avis, dès lors que l'intéressé avait disposé d'un délai suffisant pour se faire représenter ou adresser au conseil de discipline des observations écrites et faire citer des témoins, alors même que M. E... ne soutient, ni même n'allègue, avoir été absent lors de la séance du conseil de discipline du 5 avril 2017. De même, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le conseil de discipline aurait refusé d'entendre des témoins que le requérant aurait souhaité faire citer lors de la séance de ce conseil. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la procédure disciplinaire serait entachée d'irrégularité du fait du rejet de sa demande de report de l'examen de son cas devant le conseil de discipline et du refus dudit conseil de faire citer des témoins.

6. En dernier lieu, il est reproché à l'intéressé, lors d'une garde du 21 octobre 2016 au centre de secours d'Argences, de s'être agenouillé près du visage d'un sapeur-pompier volontaire sur lequel il avait autorité hiérarchique, d'avoir maintenu la tête de ce dernier entre ses genoux et posé son sexe sur son front devant des témoins, dont deux mineurs.

7. D'une part, la matérialité des faits reprochés est attestée par deux témoins qui ont rapporté, de façon circonstanciée, les agissements de M. E.... La victime a corroboré ces faits par un courrier du 24 novembre 2016 adressé au commandant du groupement territorial et un témoin de la scène, le sergent Potier, a confirmé son déroulement dans un rapport du 24 novembre 2016. Le rapport du commandant Gaudin du 27 novembre 2016 mentionne que les témoignages concordent sur le fait que l'un des jeunes sapeurs-pompiers de la caserne où était affecté le requérant a été maintenu au sol par un collègue, lors d'un chahut, et qu'à cette occasion, le requérant a exhibé son sexe puis l'a appliqué contre le front de son subordonné, l'affublant par la suite du sobriquet de " licorne ". Le requérant qui se borne à soutenir qu'il a maintenu la victime au sol, tout en lui tenant la tête entre ses genoux avec l'aide d'un collègue, mais niant toute exhibition sexuelle et qualifiant les faits de " simple plaisanterie ", ne produit aucun témoignage à l'appui de ses dénégations. Dans ces conditions, M. E... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la matérialité des faits retenus à son encontre, tels que confirmés par deux témoins. M. E... ne saurait utilement se prévaloir de la décision de classement sans suite prise par le procureur de la République le 3 juillet 2017, qui ne porte aucun motif, ou de la décision de relaxe pour des faits d'agression sexuelle par personne abusant de l'autorité que lui confère sa fonction, rendue par le tribunal de grande instance de Caen le 27 septembre 2018 pour contester la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Par suite, la matérialité des faits reprochés est établie.

8. D'autre part, les faits reprochés sont fautifs et justifient une sanction disciplinaire. Si M. E... soutient que la sanction de résiliation d'office prononcée à son encontre est disproportionnée au regard de la gravité des faits et relève, à cet égard, qu'un " long " délai s'est écoulé entre les faits et la mesure de suspension puis la sanction contestée, les faits en cause, caractérisant une brimade à caractère sexuel commise sur le lieu de travail par un supérieur hiérarchique, sur un jeune collègue âgé de 19 ans devant plusieurs mineurs, constituent un manquement grave à ses obligations. Par suite, en prenant la sanction de résiliation d'office de l'engagement de sapeur-pompier volontaire de M. E..., le président du conseil d'administration du SDIS du Calvados n'a pas entaché sa décision de disproportion.

9. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du SDIS du Calvados, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. E... au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme réclamée par le SDIS du Calvados au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du SDIS du Calvados sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Calvados.

Délibéré après l'audience du 29 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2021.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

[GO1]Ressort des écritures (appel)

FP : On peut laisser cette formulation à mon avis car c'est le requérant lui-même qui relève ces éléments

[GO2]Par aucune disposition législative ou réglementaire ( ')

Ceci écarterait le D. FPT de 1989

FP : OK

2

N°19NT01984


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01984
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : AARPI LEHOUX et CONDAMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-02-16;19nt01984 ?
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