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05/02/2021 | FRANCE | N°19NT01850

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 05 février 2021, 19NT01850


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de reconnaître la responsabilité pour faute du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à son égard et d'ordonner une expertise afin que les conditions de sa prise en charge le 24 septembre 2013 soient examinées et ses préjudices évalués. La caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, appelée à la cause, a demandé la condamnation du CHU de Caen à lui verser la somme de 49 502,51 euros en remboursemen

t de ses débours.

Par un jugement n° 1800478 du 24 avril 2019, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de reconnaître la responsabilité pour faute du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à son égard et d'ordonner une expertise afin que les conditions de sa prise en charge le 24 septembre 2013 soient examinées et ses préjudices évalués. La caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, appelée à la cause, a demandé la condamnation du CHU de Caen à lui verser la somme de 49 502,51 euros en remboursement de ses débours.

Par un jugement n° 1800478 du 24 avril 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 mai 2019, 6 juin 2019 et 18 mai 2020 M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 24 avril 2019 ;

2°) d'ordonner une expertise pour déterminer si sa prise en charge par le CHU de Caen a été fautive et, dans l'affirmative, d'évaluer ses préjudices.

Il soutient que :

- l'indication chirurgicale d'arthrodèse était inadaptée à son état et, en tout état de cause, prématurée ; l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 24 septembre 2013 a été mal exécutée ;

- il a droit à la réparation des déficits fonctionnels temporaire et permanent, des souffrances endurées et du préjudice esthétique.

Par des mémoires enregistrés les 17 juillet 2019 et 16 mars 2020 la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 24 avril 2019 ;

2°) de condamner le CHU de Caen à lui verser la somme de 59 583,68 euros ;

3°) de sursoir à statuer s'agissant de la perte de gain professionnels futurs et de l'incidence professionnelle ;

4°) de mettre à la charge du CHU de Caen la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et celle de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité pour faute du CHU de Caen est engagée ;

- ses débours s'élèvent à la somme de 59 583,68 euros ;

- il y a lieu de sursoir à statuer sur la perte de gains professionnels futurs et sur l'incidence professionnelle dans l'attente que soit liquidée la pension de retraite pour invalidité qui est susceptible d'être versée à M. A....

Par un mémoire en défense enregistré le 21 février 2020 le CHU de Caen, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... et par la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 14 octobre 1971, qui souffrait de lombalgies anciennes récidivantes rachidiennes et sciatiques, a subi le 24 septembre 2013 une arthrodèse au CHU de Caen. Mécontent des résultats de cette intervention, il a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) des Pays de la Loire d'une demande d'indemnisation. Après avoir nommé un expert, neurochirurgien, lequel a remis son rapport le

30 juin 2016, la CCI a rejeté la demande de M. A... le 16 décembre 2016. Celui-ci a alors saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à ce que soit reconnue la responsabilité du CHU de Caen et ordonnée une expertise avant dire droit. Le tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 24 avril 2019. M. A... relève appel de ce jugement. La caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants demande également son annulation.

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

3. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert mandaté par la CCI des Pays de la Loire, que l'intervention chirurgicale réalisée le 24 septembre 2013 était indiquée et indispensable, M. A... présentant des douleurs lombaires anciennes et résistantes aux traitements médicamenteux antérieurement mis en place, et a été conduite conformément aux données connues de la science médicale. Toutefois, M. A... produit deux notes médicales, établies en 2016 et en 2019, selon lesquelles l'indication chirurgicale du 24 septembre 2013 n'était ni impérative, ni même indiquée, dans la mesure où un traitement médicamenteux était susceptible d'atténuer les douleurs du patient, comme cela avait été le cas dans le passé, une telle intervention aurait dû être pratiquée au vu des résultats d'une IRM récente, ce qui n'a pas été fait, et, en tout état de cause, dans l'hypothèse d'une intervention chirurgicale il convenait de procéder en outre à l'ablation de la hernie discale dont souffrait M. A... et qui était sa principale symptomatologie. Compte tenu de ces éléments précis et étayés, en contradiction totale avec les conclusions de l'expert désigné dans les conditions rappelées ci-dessus, la cour ne s'estime pas, en l'état de l'instruction, en mesure de juger si la prise en charge de M. A... par le CHU de Caen a été fautive ou non.

4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner une expertise médicale afin d'éclairer la cour sur la conformité aux bonnes pratiques de la prise en charge de M. A... par le CHU de Caen.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est ordonné, avant de statuer sur la requête, une expertise, confiée à un neurochirurgien, qui aura pour mission :

- de se faire communiquer tous documents relatifs au suivi médical, interventions, soins et traitements dont M. A... a fait l'objet ;

- d'examiner M. A..., de décrire son état de santé actuel et/ou prévisible et de retracer, en tant que de besoin, son histoire médicale ;

- de dire si, au regard des symptômes présentés par M. A... et de ses antécédents, l'indication d'arthrodèse était justifiée et si l'intervention du 24 septembre 2013 a été conforme aux données acquises de la science médicale ;

- d'indiquer si les fautes éventuellement constatées ont fait perdre à M. A... une chance de voir son état de santé s'améliorer ou d'échapper à son aggravation ;

- de donner toute précision sur la date éventuelle ou prévisible de consolidation de l'état de santé de M. A... ;

- de déterminer et d'évaluer les préjudices subis par M. A... en distinguant, le cas échéant, ceux qui résultent d'une faute du CHU de Caen ;

- d'une manière générale, de donner à la cour toute information ou appréciation utile de nature à lui permettre de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer les préjudices subis.

Article 2 : L'expertise sera menée contradictoirement entre M. A..., le CHU de Caen et la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants.

Article 3 : L' expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Le rapport d'expertise sera déposé en deux exemplaires dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du présent arrêt. L'expert en notifiera des copies aux parties intéressées.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au CHU de Caen et à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2021.

Le rapporteur

E. C...Le président

I. .PerrotLe greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01850


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01850
Date de la décision : 05/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL ERIC STRUJON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-02-05;19nt01850 ?
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