Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par action simplifiée Sobledis a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 18 janvier 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé de lui accorder l'autorisation de procéder au licenciement de M. F... A... ainsi que la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique.
Par une demande distincte, elle a sollicité l'annulation de la décision du 12 octobre 2018 de la ministre du travail refusant d'autoriser le licenciement de M. A....
Par un jugement nos 1802973, 1804414 du 31 juillet 2019, le tribunal administratif d'Orléans a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail et la décision implicite de la ministre du travail. Il a rejeté les conclusions de la SAS Sobledis tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 12 octobre 2018.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 septembre 2019, 2 et 3 décembre 2020, la société Sobledis, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 31 juillet 2019 ;
2°) d'annuler les décisions des 18 janvier 2018 et 12 octobre 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la ministre du travail ne peut lui reprocher de ne pas avoir intégré dans sa recherche de reclassement les postes d'hôte de caisse au sein de l'espace culturel dès lors que M. A... avait été déclaré inapte à occuper ce type de poste ; les fonctions d'accueil, exercées par rotation par les hôtes de caisse, sont accessoires ; le médecin du travail a été sollicité sur les possibilités d'aménagement, d'adaptation ou de transformation de postes et a considéré, comme les délégués du personnel, qu'il n'existait aucun poste de reclassement dans l'entreprise ; elle n'était pas tenue de proposer à M. A... une formation en vue d'accéder à un poste plus qualifiant ;
- le licenciement de M. A... ne présente aucun lien avec son mandat syndical ; s'il n'a pas systématiquement été convoqué dans les formes officielles aux réunions des délégués du personnel ou du comité d'entreprise, il en était de même pour les autres représentants du personnel ; il n'est pas établi qu'elle ait omis volontairement de le convoquer à la négociation annuelle obligatoire pendant son arrêt de maladie ; son licenciement serait sans conséquence sur le fonctionnement des institutions représentatives du personnel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2020, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la sociétés Sobledis ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2020, M. A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la sociétés Sobledis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la sociétés Sobledis ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été reportée du 3 décembre 2020 au 10 décembre 2020, par une ordonnance du 3 décembre 2020.
Le mémoire enregistré le 8 décembre 2020 présenté pour M. A..., par lequel il conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., substituant Me D..., représentant la société Sobledis.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Sobledis exploite un hypermarché sous l'enseigne E. Leclerc à Blois. Le 8 décembre 2008, elle a recruté M A... en qualité de vendeur " espace technique ". A partir du 1er septembre 2009, ce salarié a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée. Depuis le 24 septembre 2012, M. A..., par ailleurs délégué du personnel titulaire, membre titulaire du comité d'entreprise et délégué syndical, occupait un poste d'hôte de caisse. Le 2 novembre 2017, l'intéressé a fait l'objet d'une visite médicale de reprise au terme de laquelle il a été déclaré inapte à son poste de travail. Par un courrier du 15 décembre 2017, la société Sobledis a sollicité l'autorisation de licencier M A... pour inaptitude physique. Par une décision du 18 janvier 2018, l'inspecteur du travail a rejeté sa demande. La société a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi que de la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique. Par une demande distincte, elle a sollicité l'annulation de la décision du 12 octobre 2018 par laquelle la ministre du travail a expressément refusé d'autoriser le licenciement pour inaptitude physique de M. A.... La société Sobledis relève appel du jugement du 31 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail et la décision implicite de la ministre, à laquelle s'est en effet substituée la décision expresse de la ministre du travail, et a rejeté les conclusions de la société dirigées contre la décision ministérielle du 12 octobre 2018 refusant l'autorisation de procéder au licenciement pour inaptitude physique de M. A....
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 12 octobre 2018 :
2. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale.
3. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise. En revanche, dans l'exercice de ce contrôle, il n'appartient pas à l'administration de rechercher la cause de cette inaptitude.
4. Aux termes de l'article R. 4624-42 du code du travail : " Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que : 1° S'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ; (...) Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. ". Il résulte de ces dispositions, que l'employeur n'est dispensé de procéder à une recherche de reclassement du salarié déclaré inapte que lorsque l'avis du médecin du travail fait état de ce que le maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état ferait obstacle à tout reclassement.
5. Le 2 novembre 2017, le médecin du travail a indiqué que M. A... était " inapte au poste d'hôte de caisse en raison d'une inaptitude à effectuer des gestes répétitifs, et des manutentions de charge ". Tout en visant l'article R. 4624-42 du code du travail, il a ajouté qu'il était " Apte à suivre une formation en vue d'une reconversion vers un poste adéquat ". Il a rayé les mentions suivantes : " tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à santé " et " l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ". Par suite, et ainsi que l'a estimé la ministre du travail, la société Sobledis n'était pas déchargée de son obligation de recherche de reclassement à l'égard de M. A....
6. Ainsi que le rappelle la ministre du travail dans sa décision du 12 octobre 2018, le 10 novembre 2017, la société Sobledis a saisi le médecin du travail sur l'aptitude de M. A... à exercer les fonctions d'employé libre-service au rayon surgelés, d'employé libre-service au rayon fruits et légumes, d'hôte de caisse au rayon produits frais, au rayon chocolats de Noël, et au rayon épicerie et de boucher. Dans son courrier du 15 novembre 2017, le médecin du travail a répondu que ces postes n'étaient pas compatibles avec l'état de santé de M. A..., soit parce qu'ils impliquaient des gestes répétitifs ou le port de charges lourdes, soit parce que l'intéressé ne possédait ni la qualification, ni l'expérience appropriée. Si la société requérante indique qu'il n'existait pas d'autres postes vacants susceptibles d'être proposés à M. A..., il ressort des pièces du dossier et notamment de l'étude du registre unique du personnel qu'entre la date à laquelle M. A... a été reçu en entretien préalable et la date à laquelle la société a sollicité l'autorisation de procéder à son licenciement, un salarié a été recruté dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs pour occuper un poste d'hôte de caisse au sein de l'espace culturel. La société, qui se prévaut de l'avis défavorable du médecin du travail rendu le 22 octobre 2019 seulement, soit après les décisions contestées, soutient que ce poste ne pouvait être proposé à M. A... car il présentait les mêmes caractéristiques que celui pour lequel il avait été déclaré inapte. Il n'est cependant pas établi que ce poste ne pouvait faire l'objet d'un simple aménagement alors que l'entreprise employait plus de 250 salariés, qui comme M. A..., occupaient pour la plupart des postes " polyvalents ", et pouvaient, selon les clauses mêmes de leurs contrats de travail, " occuper d'autres fonctions parmi celles existant dans le magasin, notamment [en] caisses, emploi en réserve, travail dans tous les rayons, en vente traditionnelle tous rayons, station-service ". Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la société Sobledis n'avait pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement envers M. A... et que par suite, la ministre du travail avait pu légalement refuser de lui accorder l'autorisation de procéder à son licenciement pour inaptitude physique.
7. Il résulte de ce qui précède, que la société Sobledis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail du 18 janvier 2018 et la décision implicite de la ministre du travail et rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 12 octobre 2018.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société Sobledis de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Sobledis, le versement à M. A... de la somme de 1 500 euros sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Sobledis est rejetée.
Article 2 : La société Sobledis versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sobledis, à M. A... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 15 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme E..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2021.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03824