Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société en nom collectif (SNC) Loisirs 14 a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période correspondant aux années 2012 à 2014.
Par un jugement n° 1800320 du 13 mars 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 mai 2019 et 25 février 2020, la SNC Loisirs 14, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les deux propositions de rectification n'étant pas suffisamment motivées en ne faisant pas état d'une vérification de la qualification des terrains litigieux au regard de la loi dite littoral et du plan de prévention des risques littoraux, l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- la définition objective du terrain à bâtir repose sur un critère de constructibilité effective comme le rappelle l'instruction référencée BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 n° 20 ;
- les parcelles sont proches du rivage de la Manche ; elles sont entourées d'autres terrains de camping, d'une zone naturelle et d'une zone constructible ; elles sont donc situées dans une zone d'urbanisation diffuse ;
- au regard des règles d'urbanisme, les parcelles ne sont pas terrains à bâtir ;
- le terrain de camping qu'elle a exploité n'a pas été transformé en parc résidentiel de loisirs ; aucune démarche en vue d'une construction neuve n'a été effectuée ;
- les parcelles ont été commercialement exploitées avant leur cession dans le cadre d'une location qualifiée de commerciale au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, à savoir la location de terrain aménagé ;
- à titre subsidiaire, les parcelles cédées en lots ont fait l'objet d'aménagements de viabilisation ; ces aménagements permettent de conclure au caractère bâti des parcelles ;
- les cessions des parcelles incluent également une quote-part des bâtiments communs à la résidence et portent ainsi sur des terrains bâtis depuis plus de cinq ans
Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 novembre 2019 et 29 décembre 2020, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SNC Loisirs 14 ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la SNC Loisirs 14.
Considérant ce qui suit :
1. La société en nom collectif (SNC) Loisirs 14 relève appel du jugement du 13 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs, ni des précisions apportées par l'administration sur l'origine des documents sur lesquels elle s'est fondée pour prononcer les redressements envisagés.
3. Les deux propositions de rectification adressées à la SNC Loisirs 14 indiquent qu'elles portent sur la taxe sur la valeur ajoutée, les périodes concernées et les bases d'imposition et précisent les motifs des rappels de cette taxe qui sont relatifs à l'existence de terrains à bâtir. Dès lors, l'administration a suffisamment motivé ses propositions de rectification au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. Aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; / (...) ". Aux termes de l'article 268 du même code : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir, (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble ; / (...) ". Aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / 5. (Opérations immobilières) : / 1° Les livraisons de terrains qui ne sont pas des terrains à bâtir au sens du 1° du 2 du I de l'article 257 ; (...) ". Aux termes de l'article 257 du même code : " I. (...) / 2. Sont considérés : / 1° Comme terrains à bâtir, les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d'un plan local d'urbanisme, d'un autre document d'urbanisme en tenant lieu, d'une carte communale ou de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ; (...) ".
5. La SNC Loisirs 14, qui exerce une activité de gestion de deux campings situés sur le territoire de la commune de Montmartin-sur-Mer (Manche) et de vente de mobile-homes et d'habitations légères de loisirs, a procédé à la cession de lots déjà numérotés dans chacune de dix parcelles composant le camping " Les Dauphins " dans le but d'y poser des habitations légères de loisirs à titre de résidence secondaire. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, l'administration a imposé les ventes de parcelles selon le régime de la marge prévu à l'article 268 du code général des impôts en estimant que les parcelles vendues constituaient des terrains à bâtir au sens du 1° du 2 du I de l'article 257 du code général des impôts.
6. Il résulte de l'instruction que les habitations légères de loisirs, qui doivent être posées sur les lots des parcelles vendus par la SNC Loisirs 14 et qui consistent en des maisonnettes préfabriquées, si elles sont en principe démontables ou transportables au sens du code de l'urbanisme, constituent des constructions posées sur des murets faits de parpaings scellés au béton et fixés au sol par des fondations et n'ont pas vocation, dans une utilisation normale et courante, à être déplacées. Ces habitations sont, par suite, des constructions au sens du 1° du 2 du I de l'article 257 du code général des impôts.
7. Si la SNC Loisirs 14 soutient que les lots des parcelles qu'elle a vendus ne sont pas des terrains à bâtir, il résulte toutefois de l'instruction que le plan d'occupation des sols de la commune de Montmartin-sur-Mer, dans sa rédaction alors applicable, a autorisé, en zone constructible et classée en secteur UCl, à l'intérieur duquel sont situées les parcelles en litige, les aires naturelles de camping, les terrains de caravaning et de caravanage et les parcs résidentiels de loisirs.
8. Compte tenu de la nature des constructions et du classement des parcelles, comme il a été dit aux points 6 et 7, celles-ci doivent être regardées comme des terrains à bâtir au sens des dispositions du 1° du 2 du I de l'article 257 du code général des impôts. La circonstance que les parcelles cédées en lots ont fait l'objet d'aménagements de viabilisation, qui ont été utilisés lorsqu'elles servaient de terrains de camping ou de caravaning, n'a pas pour effet de leur donner un caractère bâti.
9. La société requérante soutient que les parcelles sont situées en zone de protection par la loi dite littoral, en zone d'urbanisation diffuse et en zone de submersion marine selon le plan de prévention des risques littoraux. Toutefois, et en tout état de cause, il est constant que ces parcelles ont été vendues en vue d'y implanter des habitations légères de loisirs qui, comme il a été dit au point 6, sont des constructions au sens du 1° du 2 du I de l'article 257 du code général des impôts.
10. La SNC Loisirs 14 soutient que les cessions des parcelles incluent également une quote-part des bâtiments communs à la résidence et portent ainsi sur des terrains bâtis depuis plus de cinq ans. Toutefois, compte tenu de la teneur des actes conclus entre les parties, au regard notamment de l'unique acte de cession du 6 octobre 2012 produit au dossier, qui comprend un prix global de vente, la SNC Loisirs 14 n'a pas vendu aux particuliers à titre principal des parcelles comportant une construction achevée depuis plus de cinq ans.
11. Il résulte des points 6 à 10 que c'est à bon droit que l'administration a imposé le montant des ventes de parcelles par la SNC Loisirs 14 selon le régime de la marge prévu à l'article 268 du code général des impôts.
12. Par ailleurs, la SNC Loisirs 14 n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des prévisions du paragraphe 20 du BOI TVE-IMM-10-10-10-20 du 12 septembre 2012 qui définissent la notion de livraison de terrain à bâtir en se référant à un terrain qui ne comporte pas d'ores et déjà des " bâtiments ", au sens de " construction incorporée au sol ", dès lors qu'elles ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SNC Loisirs 14 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SNC Loisirs 14 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif Loisirs 14 et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
Le rapporteur,
J.E. A...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01800