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26/01/2021 | FRANCE | N°20NT00471

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 26 janvier 2021, 20NT00471


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 février 2012 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a constaté l'irrecevabilité de sa demande de naturalisation, ainsi que la décision du 14 juin 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours administratif préalable formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1707186 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du ministre de l'intérieur du 14 juin 2

017 et a enjoint au ministre de procéder au réexamen de la situation de M. E... dans...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 février 2012 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a constaté l'irrecevabilité de sa demande de naturalisation, ainsi que la décision du 14 juin 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours administratif préalable formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1707186 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du ministre de l'intérieur du 14 juin 2017 et a enjoint au ministre de procéder au réexamen de la situation de M. E... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2020, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 janvier 2020 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé sa décision du 14 juin 2017 et lui a enjoint de réexaminer la demande de naturalisation de M. E....

2°) de rejeter la demande de première instance de M. E....

Il soutient que :

- sa décision n'est pas entachée d'erreur d'appréciation ; la condition de résidence posée à l'article 21-16 du code civil n'est pas remplie par M. E... ; l'intéressé ne dispose pas de ressources d'origine française suffisante et subvient à ses besoins, pour l'essentiel, à l'aide d'une retraite provenant d'une organisation internationale ; il réside en France depuis seulement trois ans et ne dispose que d'une carte de séjour temporaire ; seuls sa mère et l'un de ses frères résident en France ; il n'est pas propriétaire de son logement ;

- les moyens invoqués par M. E... en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. E..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Mme D..., représentant le ministre de l'intérieur.

Considérant ce qui suit :

1. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 16 janvier 2020 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé sa décision du 14 juin 2017 déclarant irrecevable la demande de naturalisation présentée par M. E... et lui a enjoint de réexaminer la demande de naturalisation de ce dernier.

2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". L'article 21-16 du code civil dispose que : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Pour apprécier si cette condition est remplie, l'autorité administrative peut notamment prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la durée de la présence du demandeur en France, sa situation familiale et le caractère suffisant et durable des ressources qui lui permettent de demeurer en France.

3. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que pour déclarer irrecevable la demande de naturalisation de M. E..., le ministre de l'intérieur a estimé que la condition de résidence fixée par l'article 21-16 du code civil n'était pas remplie dès lors que l'intéressé ne dispose pas de ressources d'origine française suffisante et subvient à ses besoins, pour l'essentiel, à l'aide d'une retraite provenant d'une organisation internationale. Toutefois, la seule origine des revenus permettant à un postulant de subvenir à ses besoins n'est pas, à elle seule, de nature à faire obstacle à ce que l'intéressé ait fixé en France de manière durable le centre de ses intérêts. Par suite, le ministre de l'intérieur a, par le motif qu'il a retenu, inexactement appliqué les dispositions précitées du code civil.

5. Pour autant, le ministre de l'intérieur doit être regardé comme ayant invoqué, dans son mémoire en défense communiqué à M. E..., d'autres motifs de fait pour établir que la décision contestée était légale, en faisant valoir que M. E... réside en France depuis seulement trois ans, qu'il ne dispose que d'une carte de séjour temporaire, que seuls sa mère et l'un de ses frères résident en France et qu'il n'est pas propriétaire de son logement. Dans ces conditions, et alors que M. E... ne conteste pas avoir quitté la France en 1981 pour n'y revenir qu'en 2014, sous couvert d'une carte de séjour temporaire portant la mention " visiteur ", les conditions prévues par l'article 21-16 du code civil n'étaient pas réunies, à la date de la décision contestée, pour qu'il soit fait droit à sa demande de naturalisation.

6. Il résulte de l'instruction que le ministre de l'intérieur aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce seul motif. Il y a donc lieu de faire droit à la substitution de motifs demandée.

7. Ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'inexacte application, par le ministre de l'intérieur, des dispositions précitées du code civil pour annuler sa décision. M. E... n'a pas soulevé d'autres moyens que celui tiré de l'erreur d'appréciation, devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour, saisie de l'ensemble du litige dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. E..., sa décision du 14 juin 2017, et lui a enjoint de réexaminer la demande de naturalisation de ce dernier

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 16 janvier 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme B..., présidente-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2021.

Le rapporteur,

A. A...Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 20NT00471


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00471
Date de la décision : 26/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-26;20nt00471 ?
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