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22/01/2021 | FRANCE | N°20NT00382

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 22 janvier 2021, 20NT00382


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... et Mme A... F... épouse E..., ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 23 mai 2019 du préfet d'Ille-et-Vilaine leur refusant la délivrance de titres de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination, les obligeant à remettre leurs passeports et à se présenter une fois par semaine auprès de la gendarmerie de Bécherel, ainsi que les arrêtés du 28 mai 2019 modifiant le lieu de présentatio

n fixé par l'article 4 des précédents arrêtés.

Par un jugement n° 1903181, 1903...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... et Mme A... F... épouse E..., ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 23 mai 2019 du préfet d'Ille-et-Vilaine leur refusant la délivrance de titres de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination, les obligeant à remettre leurs passeports et à se présenter une fois par semaine auprès de la gendarmerie de Bécherel, ainsi que les arrêtés du 28 mai 2019 modifiant le lieu de présentation fixé par l'article 4 des précédents arrêtés.

Par un jugement n° 1903181, 1903183 du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2020 M. et Mme E..., représentés par Me Le Bourhis, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 septembre 2019

2°) d'annuler ces arrêtés des 23 et 28 mai 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de leur délivrer des titres de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation et de leur délivrer dans l'attente des autorisations provisoires de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à leur conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés contestés sont entachés d'un défaut d'examen de leur situation et d'une insuffisance de motivation, notamment au regard de la durée de la présence en France de leur plus jeune enfant et de sa scolarisation ;

- les décisions portant refus de titres de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;

- elles méconnaissent les articles L. 313-11 7° et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ils invoquent de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant la délivrance de titres de séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée le 23 juin 2020 au préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson

- et les observations de Me Le Bourhis.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E..., ressortissants géorgiens, déclarant être entrés sur le territoire français le 28 novembre 2012 avec leurs trois enfants, ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture d'Ille-et-Vilaine. Le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté les demandes de protection internationale des intéressés par deux décisions du 29 mai 2017, confirmées par ordonnances du 14 décembre 2017 de la Cour nationale du droit d'asile. Les intéressés ont sollicité la délivrance de titres de séjour le 18 avril 2017 sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 23 mai 2019, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et les a obligés à remettre leurs passeports et à se présenter une fois par semaine auprès de la gendarmerie de Bécherel. Par deux arrêtés du 28 mai 2019, le préfet d'Ille-et-Vilaine a modifié le lieu de présentation fixé par l'article 4 des précédents arrêtés. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 19 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes respectives tendant à l'annulation de ces arrêtés des 23 et 28 mai 2019.

2. En premier lieu, les arrêtés contestés comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont ainsi suffisamment motivés. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui a notamment fait état de plusieurs éléments relatifs à la situation de leur enfant mineur, n'aurait pas procédé, préalablement à l'édiction de ces arrêtés, à un examen particulier de la situation des requérants.

3. M. et Mme E..., qui font valoir leur présence en France avec leurs trois enfants depuis novembre 2012, soutiennent que leur intégration est démontrée notamment par leurs efforts pour apprendre la langue française, leur engagement bénévole dans des associations, les soutiens locaux, les contrats à durée indéterminée dont ont bénéficié Mme E... et le deuxième fils du couple, respectivement en février 2019 et décembre 2018. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les intéressés, entrés irrégulièrement en France, y ont séjourné pour une bonne part au titre de la détermination de l'Etat responsable de leurs demandes d'asile et de l'examen de ces demandes, que les deux fils aînés du couple ont également fait l'objet de mesures d'éloignement, que l'emploi de Mme E... en qualité d'ouvrière d'abattoir est récent et que les requérants n'établissent pas être dépourvus de toute attache dans leur pays d'origine, où ils ont vécu jusqu'à l'âge respectivement de quarante-trois et quarante-et-un ans. Les requérants soutiennent en outre que leur troisième enfant, présent depuis l'âge de trois ans en France, y est scolarisé en première année de cours moyen à la date des arrêtés contestés et que son état de santé nécessite son maintien en France en vue d'une future transplantation rénale. Toutefois, les intéressés n'établissent pas que cet enfant, eu égard à son jeune âge et à son environnement linguistique familial, serait dans l'impossibilité de poursuivre sa scolarité en Géorgie. Ils n'établissent pas davantage, par les certificats médicaux qu'ils produisent, lesquels font essentiellement état d'un suivi médical régulier et d'une perspective éventuelle et sans échéance de greffe de rein, que l'enfant ne pourrait être pris en charge d'une manière adaptée à son état dans son pays d'origine. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour en France de M. et Mme E..., les décisions contestées portant refus de titres de séjour et obligation de quitter le territoire français n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Dès lors, en prenant ces décisions, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En vertu des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3 et compte tenu de ce que les décisions contestées portant obligation de quitter le territoire français n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer M. et Mme E... de leur enfant mineur, le moyen tiré de ce que ces décisions auraient été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

5. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".

6. En se prévalant de leur situation telle qu'exposée au point 3, M. et Mme E... n'établissent pas que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que leur admission au séjour, au titre de la vie privée et familiale en ce qui concerne M. E..., à ce même titre ou en en qualité de salariée en ce qui concerne Mme E..., ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels, au sens de l'article L. 31314 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Enfin, eu égard au fondement des demandes de titre de séjour présentées au préfet, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile présente un caractère inopérant.

8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à Mme A... F..., épouse E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

-Mme Perrot, président de chambre

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. Berthon premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2021.

Le rapporteur

C. Brisson

Le président-rapporteur

I. Perrot

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20NT003822


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00382
Date de la décision : 22/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LE BOURHIS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-22;20nt00382 ?
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