Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile d'exploitation agricole (SCEA) C..., M. B... E... et l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) de Beausoleil ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 mars 2017 par laquelle le préfet de
Maine-et-Loire a rejeté leurs demandes d'aides pour la campagne 2016 au titre de la politique agricole commune (PAC), ainsi que la décision du 16 mai 2017 par laquelle le même préfet a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision.
Par un jugement n° 1706290 du 17 janvier 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé ces deux décisions.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 avril et 24 mai 2019 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il annule la décision du préfet de Maine-et-Loire du 3 mars 2017 en tant qu'elle rejette la demande d'aide unique de l'EARL de Beausoleil et de rejeter la demande de première instance en ce qu'elle concerne le rejet de la demande d'aide unique de l'EARL de Beausoleil ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il annule la décision du préfet de Maine-et-Loire du 3 mars 2017 en tant qu'elle rejette la demande de paiement redistributif de l'EARL de Beausoleil et de rejeter la demande de première instance en ce qu'elle concerne le rejet de la demande de paiement redistributif de l'EARL de Beausoleil.
Il soutient que :
- les premiers juges auraient dû tirer de la considération que " les gérants de l'EARL de Beausoleil auraient déclaré sciemment au titre de cette société des surfaces qu'ils savaient être mises en valeur par d'autres exploitants agricoles " (point 3) la conséquence que la décision du préfet de Maine-et-Loire était légalement fondée sur le défaut d'exploitation effective des terres par 1 EARL Beausoleil ; cette dernière n'a jamais contesté ne pas exploiter effectivement les terres dont elle a déclaré les surfaces ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'aucun élément ne permet d'établir que le demandeur a créé artificiellement les conditions requises pour bénéficier d'une aide ; l'EARL de Beausoleil a été maintenue artificiellement pour cumuler l'aide redistributive relative aux 15,34 hectares déclarés avec les aides pour 52 ha déjà perçues respectivement par la SCEA C... et M. E... ;
- la Cour de justice de l'Union européenne a jugé dans son arrêt du 12 septembre 2013, Slancheva Sila EOOD, aff. C-434/12 que la notion de " création artificielle " des conditions requises pour bénéficier d'un paiement, telle que prévue par la réglementation antérieure, doit être interprétée dans le contexte de l'abus de droit, qui nécessite " un ensemble de circonstances objectives d'où il résulte que, malgré un respect formel des conditions prévues par la réglementation pertinente, l'objectif poursuivi par cette réglementation n'a pas été atteint " ;
- la décision contestée est légale en tant qu'elle rejette la demande de paiement redistributif formée par l'EARL Beausoleil.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2019 la SCEA C..., M. B... E... et l'EARL de Beausoleil, représentés par Me A..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'EARL de Beausoleil, qui a pour gérants M. C... et M. E..., a sollicité le 15 juin 2016 le versement d'aides dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) au titre de la campagne 2016, en déclarant 15,34 hectares de terres exploitées. Par un courrier du 23 décembre 2016, le préfet de Maine-et-Loire a informé ses gérants de 1'existence de doubles déclarations sur les surfaces concernées et d'un soupçon de contournement de la réglementation européenne, et les a mis à même de présenter leurs observations, ce qu'ils ont fait par un courrier du 6 janvier 2017. Par une décision du 3 mars 2017, le préfet a rejeté les demandes d'aides formulées non seulement par l'EARL de Beausoleil mais aussi par la SCEA C... et par M. E... au titre de la campagne 2016. Ceux-ci ont formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté par une décision du 16 mai 2017. Le ministre de l'agriculture relève appel du jugement du 17 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé ces deux décisions. Dans le dernier état de ses écritures, il limite ses conclusions à l'annulation de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du préfet de Maine-et-Loire rejetant la demande formulée par la seule EARL de Beausoleil.
Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il concerne les aides refusées à l'EARL Beausoleil :
2. Aux termes du 1. de l'article 9 du règlement (UE) n° 1307/2013 : " Aucun paiement direct n'est octroyé à des personnes physiques ou morales, ni à des groupements de personnes physiques ou morales dont les surfaces agricoles sont principalement des surfaces naturellement conservées dans un état qui les rend adaptées au pâturage ou à la culture, et qui n'exercent pas sur ces surfaces l'activité minimale définie par les États membres conformément à l'article 4, paragraphe 2, point b). ".
3. Le ministre soutient que les premiers juges ont à tort fondé leur jugement sur le motif tiré de ce que les décisions contestées étaient entachées d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 60 du règlement (UE) n° 1306/2013 et de la clause de contournement qu'il instaure, alors qu'ils auraient dû tirer de la mention, contenue dans les décisions contestées, que " les gérants de l'EARL de Beausoleil auraient déclaré sciemment au titre de cette société des surfaces qu'ils savaient être mises en valeur par d'autres exploitants agricoles " la conséquence que la décision du préfet de Maine-et-Loire était légalement fondée sur le défaut d'exploitation effective des terres par 1'EARL Beausoleil. Le ministre doit ainsi être regardé, s'agissant du refus opposé à la demande d'aide unique présentée par l'EARL de Beausoleil, comme demandant que la légalité de ce refus soit appréciée au regard des dispositions de l'article 9 du règlement (UE) n° 1307/2013.
4. Il ressort en effet des termes des décisions contestées que, pour rejeter la demande d'aide unique présentée par l'EARL de Beausoleil, le préfet de Maine-et-Loire s'est fondé en premier lieu sur les dispositions précitées de l'article 9 du règlement (UE) n° 1307/2013 et sur le motif tiré de ce que l'EARL n'exploitait pas les terres au titre desquelles elle avait sollicité les aides litigieuses, ces surfaces étant exploitées, depuis la précédente campagne agricole, par d'autres agriculteurs détenteurs d'autorisations d'exploiter.
5. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que les 15,34 hectares de surfaces agricoles déclarées par l'EARL de Beausoleil étaient, pour la période en cause, effectivement exploitées par M. D... F..., l'EARL Caprimesnil et l'EARL des Basses Vallées, qui s'étaient vu délivrer des autorisations administratives à cette fin. Dès lors, le préfet n'a pas inexactement qualifié les faits en estimant que, faute d'exercer la moindre activité sur les surfaces qu'elle avait déclarées, l'EARL ne pouvait, en application de l'article 9 du règlement (UE) 1307/2013, prétendre à aucune aide au titre de la PAC. C'est, par suite, à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision préfectorale contestée en tant qu'elle rejetait la demande d'aides unique de l'EARL de Beausoleil au motif qu'elle était entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 60 du règlement (UE) n° 1306/2013, sans examiner son bien-fondé au regard des dispositions de l'article 9 du règlement (UE) 1307/2013 qui la fondent.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'EARL de Beausoleil devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur les autres moyens invoqués par l'EARL de Beausoleil :
7. Il ressort des pièces du dossier qu'avant de prendre les décisions contestées rejetant la demande d'aides unique de l'EARL de Beausoleil, le préfet de Maine-et-Loire a adressé à cette dernière un courrier du 29 décembre 2016 l'informant des motifs pour lesquels l'administration envisageait de rejeter sa demande et l'invitant à présenter ses observations, ce qu'elle a fait par un courrier du 6 janvier 2017. Le moyen tiré de ce que les décisions en cause n'auraient pas été prises à l'issue d'une procédure contradictoire ne peut dès lors qu'être écarté.
8. Par ailleurs, la décision contestée du 16 mai 2017 comporte, notamment en tant qu'elle rejette la demande d'aides unique de l'EARL de Beausoleil, un exposé suffisamment précis des considérations de fait et de droit qui la fondent.
9. Enfin, eu égard au motif des décisions contestées en tant qu'elles rejettent la demande d'aide unique de l'EARL de Beausoleil, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants les moyens tirés, d'une part, de ce que la décision du 3 mars 2017 serait entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle cite l'article 29 du règlement n° 1782/2003 du 29 septembre 2003 qui a été abrogé, et se réfère à une campagne de la Politique agricole commune 2016/2017 " qui n'existe pas ", et d'une erreur de qualification juridique des faits en ce qu'elle relève que M. E... et la SCEA C... ont obtenu des aides d'un montant supérieur à celui qu'ils auraient pu obtenir s'ils avaient déclaré les surfaces litigieuses et, d'autre part, de ce que la décision du 16 mai 2017 méconnaîtrait l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et serait entachée d'erreur de droit au regard notamment de l'article 60 du règlement 1306/2013 du 17 décembre 2013.
10. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 janvier 2019 en tant qu'il annule les décisions du préfet de Maine-et-Loire des 3 mars et 16 mai 2017 en tant qu'elles rejettent la demande d'aide unique de l'EARL de Beausoleil.
Sur les frais de l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdant dans la présente instance, le versement de la somme demandée par la SCEA C..., M. B... E... et l'EARL de Beausoleil à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1706290 du tribunal administratif de Nantes du 17 janvier 2019 est annulé en tant qu'il annule les décisions du préfet de Maine-et-Loire des 3 mars et 16 mai 2017 en tant qu'elles rejettent les demande d'aides unique de l'EARL de Beausoleil.
Article 2 : La demande présentée par la SCEA C..., M. B... E... et l'EARL de Beausoleil devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée en tant qu'elle tend à l'annulation des décisions du préfet de Maine-et-Loire des 3 mars et 16 mai 2017 en tant qu'elles rejettent les demande d'aide unique de l'EARL de Beausoleil.
Article 3 : Les conclusions présentées par la SCEA C..., M. B... E... et l'EARL de Beausoleil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à la société civile d'exploitation agricole (SCEA) C..., à M. B... E... et à l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) de Beausoleil.
Copie en sera adressée au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- Mme G..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2021.
Le rapporteur
M. G...Le président
I. PerrotLe greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT01468