Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 6 novembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours administratif préalable obligatoire exercé contre la décision du 22 janvier 2016 lui refusant l'octroi de dons de jours de permission.
Par un jugement n°1800089 du 1er février 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 5 avril 2019 et 8 mai 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er février 2019 du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler la décision du 6 novembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours administratif préalable obligatoire exercé contre la décision du 22 janvier 2016 lui refusant l'octroi de dons de jours de permission ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- le jugement critiqué est entaché d'irrégularité, car elle n'a pas été convoquée à l'audience, en méconnaissance de l'article R.711-2 du code de justice administrative ;
- le jugement en cause est entaché d'irrégularité, car elle n'a pas été invitée à prendre la parole lors de l'audience, alors qu'elle n'était pas représentée par son avocat ;
- le tribunal a soulevé d'office le moyen selon lequel sa situation et celle de sa famille ne lui permettaient pas de bénéficier de dons de jours de permission, sans mettre en oeuvre la procédure contradictoire prévue à l'article R. 611-7 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
- le tribunal a fait une application erronée des dispositions des articles R.4138-33-1 et 2 du code de la défense, tels qu'issus du décret n°2015-573 du 28 mai 2015 :
* la circonstance qu'elle disposait d'un solde de congé de 42 jours ne faisait pas obstacle à ce qu'elle puisse utiliser des dons de jours de congés ;
* l'institution, par l'instruction ministérielle du 28 juin 2016 relative aux modalités de mise en oeuvre du don de jour de repos et de permissions au ministère de l'intérieur, de modalités pratiques de recueil et d'attribution des dons différentes pour les militaires est illégale, comme méconnaissant le principe d'égalité de traitement entre agents civils et militaires ;
* le pouvoir d'appréciation du commandant de formation administrative se limite à vérifier que le militaire demandeur remplit les conditions statutaires pour pouvoir y prétendre et il a compétence liée pour l'octroi de jours de repos supplémentaires ;
* contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'agent peut se prévaloir du report d'une année sur l'autre des dons de jours de congés dès lors qu'aucune disposition réglementaire ou législative ne limite la durée des dons à l'année civile ;
* dès lors que le congé ne perturbe pas le service, aucun autre motif ne peut justifier un refus ;
* sa situation et celle de sa famille lui permettaient de bénéficier de dons de jours de permissions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
L'instruction a été close au 26 juin 2020, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- la loi n° 2014-459 du 9 mai 2014 ;
- le décret n° 2015-573 du 28 mai 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., a été enregistrée le 4 janvier 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., capitaine de gendarmerie, a demandé le 19 novembre 2015 à bénéficier de dons de jours de permission afin de prendre soin de son enfant handicapé, atteint d'un autisme sévère. Par une décision du 10 décembre 2015, le commandant de la région de gendarmerie de Basse-Normandie lui a accordé cinq jours de permissions supplémentaires. Le 12 janvier 2016, la requérante a demandé à nouveau à bénéficier de dons de jours de permission. Cette demande a fait l'objet d'une décision de refus en date du 22 janvier 2016. Mme B... a alors formé, le 14 mars 2016, un recours contre cette décision devant la commission des recours des militaires. Son recours a été rejeté par une décision du ministre de l'intérieur du 6 novembre 2017. Par sa requête visée ci-dessus, Mme B... relève appel du jugement du 1er février 2019 du tribunal administratif de Caen ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 novembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours administratif préalable obligatoire exercé contre la décision du 22 janvier 2016.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 4138-33-1 du code de la défense, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-459 du 9 mai 2014 : " Le militaire peut, sur sa demande, renoncer anonymement et sans contrepartie à une partie de ses permissions non prises au bénéfice d'un agent public relevant du même employeur, ou de tout autre militaire qui assume la charge d'un enfant âgé de moins de vingt ans atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants. (...) Le militaire qui donne un ou plusieurs jours de permissions signifie par écrit, auprès du commandant de la formation administrative, le don et le nombre de jours de permissions afférents. Le don est définitif après accord du commandant de la formation administrative qui vérifie que les conditions fixées au présent article sont remplies ". Aux termes de l'article R. 4138-33-2 du même code : " Le militaire qui souhaite bénéficier d'un don de jours formule sa demande par écrit auprès du commandant de la formation administrative. Cette demande est accompagnée d'un certificat médical détaillé remis sous pli confidentiel établi par le médecin qui suit l'enfant au titre de la pathologie en cause et attestant la particulière gravité de la maladie, du handicap ou de l'accident rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants auprès de l'enfant. La durée du congé dont le militaire peut bénéficier est au maximum de trente jours renouvelables. Le congé pris au titre des jours donnés peut être fractionné à la demande du médecin qui suit l'enfant malade. L'autorité compétente dispose de quinze jours ouvrables pour informer le militaire bénéficiaire du don de jours. Le commandant de formation administrative qui accorde le congé fait procéder aux vérifications nécessaires pour s'assurer que le bénéficiaire du congé respecte les conditions fixées au premier alinéa de l'article R. 4138-33-1 du présent code. Si ces vérifications révèlent que les conditions ne sont pas satisfaites pour l'octroi du congé, il peut y être mis fin après que l'intéressé a été invité à présenter ses observations (...) ". Aux termes de l'article R. 4138-33-3 du même code : " La gestion du reliquat de jours donnés non consommés par le bénéficiaire du don est à la charge du commandant de la formation administrative du bénéficiaire du don ".
3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires, que les seules conditions à remplir pour bénéficier d'un don de jours de permission, dans la limite de trente jours renouvelables, sont l'âge de l'enfant et la gravité de sa pathologie rendant nécessaire la présence soutenue de son parent, telle qu'attestée par le médecin qui le suit. L'employeur, lorsque les conditions tenant au donateur et au bénéficiaire du don sont remplies, ne peut s'opposer à une demande régulièrement formulée que pour un motif tiré des nécessités du service, à l'exclusion de tout autre motif.
4. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser à la requérante le bénéfice de dons de jours de permission, le ministre de l'intérieur s'est fondé sur les circonstances que Mme B... avait bénéficié de dons de permissions de la part de certains personnels de la gendarmerie équivalents à 17 jours, au titre de l'année 2015, pour son enfant atteint d'un sévère handicap, que, par une décision du 10 décembre 2015, le commandant de région de gendarmerie de Basse-Normandie lui avait déjà accordé 5 jours de dons de permissions, au titre de l'année 2015, et, enfin, que celle-ci disposait encore, au titre de l'année 2016, de 42,5 jours de droits à permission. En relevant que l'intéressée bénéficiait encore de 42,5 jours de permission au titre de l'année 2016 et que le ministre de l'intérieur pouvait, pour ce seul motif, ne pas faire droit à la demande de l'intéressée, alors même que les dispositions précitées ne subordonnent nullement le bénéfice du dispositif issu de la loi du 9 mai 2014 à la condition que le demandeur ait épuisé ses droits à permission et que le ministre de l'intérieur ne fait valoir aucune considération liée aux nécessités ou à l'intérêt du service qui s'opposerait à la demande de l'intéressée, le ministre a fait une application erronée desdites dispositions. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B... est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement attaqué ainsi que l'annulation de la décision du 6 novembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours administratif préalable obligatoire exercé contre la décision du 22 janvier 2016 lui refusant l'octroi de dons de jours de permission.
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, qu'elle demande, au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 1er février 2019 est annulé.
Article 2 : La décision du 6 novembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté le recours administratif préalable obligatoire de Mme B... exercé contre la décision du 22 janvier 2016 lui refusant l'octroi de dons de jours de permission est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 janvier 2021.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT01378