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19/01/2021 | FRANCE | N°19NT00488

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 19 janvier 2021, 19NT00488


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D..., M. A... G..., Mme Q..., Mme H... L..., Mme R... L..., Mme M..., Mme O..., M. I..., Mme P... et M. N... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les décisions des 13 et 17 mai 2016 par lesquelles l'inspecteur du travail a autorisé leurs licenciements pour motif économique.

Par un jugement n° 1603082, 1603083, 1603084, 1603086, 1603087, 1603088, 1603089, 1603091, 1603092 et 1603093 du 3 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procéd

ure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er février 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D..., M. A... G..., Mme Q..., Mme H... L..., Mme R... L..., Mme M..., Mme O..., M. I..., Mme P... et M. N... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les décisions des 13 et 17 mai 2016 par lesquelles l'inspecteur du travail a autorisé leurs licenciements pour motif économique.

Par un jugement n° 1603082, 1603083, 1603084, 1603086, 1603087, 1603088, 1603089, 1603091, 1603092 et 1603093 du 3 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 1er février 2019 et 13 janvier 2020, M. G..., représenté par Me Brand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 13 mai 2016 autorisant son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 600 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'entretien préalable à son licenciement ne s'est pas déroulé régulièrement ;

- l'information donnée à la délégation unique du personnel a été insuffisante ;

- la demande d'autorisation de licenciement n'était pas suffisamment motivée en droit et en fait ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- l'administration a commis une erreur d'appréciation dans la mesure où elle ne disposait d'aucun élément lui permettant d'établir que l'employeur avait satisfait à son obligation de recherche de reclassement en externe et en interne.

Par des mémoires, enregistrés les 10 octobre 2019 et 17 février 2020, Me Erwan Flatres, ès qualité de mandataire judiciaire de la société Conserverie Minerve, représenté par Me Lardoux puis par Me Nolot, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 300 euros soit mise à la charge de M. G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me Nolot représentant Me Flatres.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 1er avril 2016, le tribunal de commerce de Lorient a prononcé la liquidation judiciaire de la société Conserverie Minerve, implantée à Quéven dans le Morbihan et spécialisée dans la culture, la préparation et le conditionnement de marrons et de produits asiatiques. Alors que, par une décision du 19 avril 2016, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, la procédure de licenciement de chacun des salariés de la société a été engagée. M. G..., représentant syndical à la délégation unique du personnel et délégué syndical, relève appel du jugement du 3 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 mai 2016 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement pour motif économique.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L.1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. ". Aux termes de l'article L.1232-3 du même code : " Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié. ". Enfin, l'article L.1232-4 de ce code dispose que : " Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. / Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. / La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition. ".

3. Par un courrier du 15 avril 2016, M. G... a été convoqué à l'entretien préalable à son licenciement prévu le 22 avril 2016 à 11 h 40. Il lui était indiqué qu'en raison de la liquidation judiciaire de la société Conserverie Minerve au sein de laquelle il était employé, il était envisagé la rupture de son contrat de travail et que les motifs de la mesure envisagée lui seraient exposés lors de cet entretien afin qu'il puisse y apporter les explications qu'il souhaitait. Il lui était également indiqué qu'il recevrait un document d'information concernant le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) auquel il pourrait adhérer ainsi qu'une note reprenant les motifs économiques à l'origine de la procédure. Enfin, le mandataire liquidateur lui faisait savoir qu'il pouvait se faire assister au cours de cet entretien par un salarié de l'entreprise. Ainsi, l'intéressé a disposé en temps utile des informations nécessaires à la préparation de cet entretien. La circonstance que les douze salariés protégés dont le licenciement était envisagé ont été convoqués le même jour pour des entretiens individuels prévus toutes les vingt minutes et que les membres de la délégation unique du personnel devaient se réunir collectivement à la même date à partir de 14 h 30, ne suffit pas à établir que ces entretiens préalables ne se seraient pas déroulés dans des conditions régulières, M. G..., ainsi que l'ensemble de ses collègues, et notamment M. N..., ayant signé les documents qui leur ont alors été remis en main propre. Si le requérant soutient qu'en réalité le mandataire liquidateur s'est borné à lui remettre le formulaire CSP sans aborder la cause économique de son licenciement, ni les conditions de son reclassement, il n'apporte aucun élément à l'appui de ces allégations. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que son entretien préalable ne se serait pas déroulé régulièrement ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement (...) ". Au vu de ces dispositions il appartient à l'employeur, ou en l'espèce au mandataire liquidateur, de mettre le comité d'entreprise ou la délégation unique du personnel à même d'émettre son avis, en toute connaissance de cause, sur la procédure dont fait l'objet le salarié protégé, en lui transmettant des informations précises et écrites sur les motifs de celle-ci.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'ordre du jour et la convocation à la réunion extraordinaire de la délégation unique du personnel (DUP) du 22 avril 2016 indique le nom et les mandats des salariés concernés par les licenciements envisagés. Une note d'information sur le projet de licenciement des salariés protégés dans le cadre du projet de licenciement pour motif économique a également été remise aux membres de la DUP. Ce document, qui comprenait cinq pages, rappelait le contexte des licenciements envisagés, leurs motifs et indiquait qu'aucune possibilité de reclassement n'avait pu être identifiée pour les éviter. Par suite, le moyen tiré de ce que l'information donnée à la DUP aurait été insuffisante manque en fait et ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 2421-10 du code du travail : " La demande d'autorisation de licenciement d'un membre de la délégation du personnel au comité social et économique ou d'un représentant de proximité est adressée à l'inspecteur du travail dans les conditions définies à l'article L. 2421-3. Elle est accompagnée du procès-verbal de la réunion du comité social et économique (...) / La demande énonce les motifs du licenciement envisagé. Elle est transmise par lettre recommandée avec avis de réception. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que dans son courrier du 30 avril 2016, sollicitant l'autorisation de procéder aux licenciements des salariés protégés concernés, le mandataire liquidateur a rappelé que la société Conserverie Minerve avait définitivement cessé son activité. Il s'est en outre référé au procès-verbal de la réunion de la DUP, à l'issue de laquelle cette instance a émis un avis défavorable aux licenciements envisagés. Ce document indique par ailleurs, qu'aucune possibilité de reclassement au sein de la société et des groupes Branco et American Lorain n'a été identifiée. Par suite, contrairement à ce que soutient M. G..., la demande du mandataire liquidateur répondait aux exigences prévues à l'article R. 2421-10 précité du code du travail.

8. En quatrième lieu, la décision contestée du 13 mai 2016 vise la demande d'autorisation de licenciement présentée par le mandataire judiciaire " tendant à obtenir le licenciement pour motif économique " de M. G... ainsi que ses mandats. Elle mentionne les articles du code du travail dont il est fait application, le jugement du tribunal de commerce de Lorient du 1er avril 2016, le procès-verbal de réunion de la DUP du 29 avril 2016 ainsi que la décision du 19 avril 2016 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi portant homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi. L'inspecteur du travail précise que la liquidation judiciaire de la société entraîne l'arrêt de son activité à compter du 9 avril 2016 et " la suppression de la totalité des postes de travail par fermeture de l'entreprise ". Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée manque en fait et doit être écarté.

9. En cinquième lieu, lorsque le licenciement pour motif économique d'un salarié protégé est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'inspecteur du travail saisi de la demande d'autorisation de ce licenciement, ou au ministre chargé du travail statuant sur recours hiérarchique, de s'assurer de l'existence, à la date à laquelle il statue sur cette demande, d'une décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée. En revanche, dans le cadre de l'examen de cette demande, il n'appartient à ces autorités, ni d'apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni, plus généralement, de procéder aux contrôles mentionnés aux articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du code du travail, qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétemment saisi de la demande de validation ou d'homologation du plan. Par suite, le requérant ne peut utilement soutenir que l'administration aurait commis une erreur d'appréciation en accordant l'autorisation sollicitée alors qu'elle ne disposait d'aucun élément lui permettant de vérifier que l'employeur avait satisfait à son obligation de recherche de reclassement en externe et en interne.

10. Il résulte de ce qui précède, que M. G... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. G... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. G... le versement à Me Erwan Flatres, mandataire liquidateur de la société Conserverie Minerve, de la somme qu'il demande au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. G... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Me Erwan Flatres tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G..., à Me Erwan Flatres, ès qualité de mandataire liquidateur de la société Conserverie Minerve et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00488


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : NOLOT ; NOLOT ; NOLOT ; NOLOT ; NOLOT ; NOLOT ; NOLOT ; NOLOT ; NOLOT ; NOLOT ; NOLOT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 19/01/2021
Date de l'import : 29/01/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19NT00488
Numéro NOR : CETATEXT000043031881 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-19;19nt00488 ?
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