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14/01/2021 | FRANCE | N°19NT02223

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 14 janvier 2021, 19NT02223


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2018 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1803049 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 juin et 13 décembre 2

019 et 28 janvier 2020, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2018 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1803049 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 juin et 13 décembre 2019 et 28 janvier 2020, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis d'examiner, d'une part, le moyen tiré de ce que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne mentionne pas le pays dont elle est originaire et ne précise pas si le traitement médical dont elle bénéficie est disponible dans son pays d'origine et, d'autre part, le moyen tiré de l'absence de mention des éléments de procédure visés par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 dans l'avis du collège de médecins de l'Office ;

- il n'est pas prouvé que le médecin auteur du rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- le préfet du Calvados a méconnu les dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le collège médical a rendu son avis le 5 juillet 2018, plus de trois mois à compter de la transmission par elle des éléments médicaux ;

- l'avis est irrégulier dès lors qu'il n'indique pas le pays d'origine au regard duquel son dossier médical doit être examiné ; il ne mentionne pas s'il y a eu des convocations pour examen, des demandes d'examens complémentaires et des justifications de son identité ;

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; de plus, le préfet avait déjà renouvelé son titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 août et 16 décembre 2019, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante nigériane, a demandé, le 10 juillet 2017, le renouvellement de son titre de séjour en tant qu'étranger malade. Par un arrêté du 21 novembre 2018, le préfet du Calvados lui a refusé ce renouvellement, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 21 mars 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, Mme B... soutient que le tribunal administratif a omis d'examiner le moyen tiré de ce que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne mentionne pas le pays dont elle est originaire et ne précise pas si le traitement médical dont l'intéressée bénéficie est disponible dans son pays d'origine.

3. Il ressort de l'avis émis le 5 juillet 2018 que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour Mme B... de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen invoqué par Mme B... en première instance était inopérant. Par suite, le tribunal administratif, qui a visé ce moyen, n'était pas tenu d'y répondre.

4. En second lieu, aucune des dispositions applicables ne fait obligation au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de mentionner dans son avis des convocations pour examen, des demandes d'examens complémentaires et des justifications de l'identité qui n'ont pas eu lieu. Dès lors, le tribunal administratif n'était pas tenu d'examiner le moyen tiré de l'absence de mention des éléments de procédure visés par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 dans l'avis du collège.

5. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas irrégulier.

Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

6. Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet du Calvados, en particulier de l'indication du nom du médecin qui a établi le rapport médical, fourni au préfet par les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le rapport médical sur l'état de santé de Mme B... prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi par le docteur Baril et transmis le 10 janvier 2018 pour être soumis au collège de médecins de l'Office. Ce collège était composé des docteurs Gerlier, Benazouz et Joseph. Dès lors, le préfet apporte la preuve que le médecin auteur du rapport médical n'a pas siégé au sein de ce collège.

7. Aux termes de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. (...). ".

8. Mme B... soutient que le collège médical a rendu son avis le 5 juillet 2018, plus de trois mois à compter de la transmission par elle des éléments médicaux la concernant. Toutefois, d'une part, elle ne précise pas à quelle date elle a transmis les pièces médicales. D'autre part, la méconnaissance de ce délai n'a pas privé l'intéressée d'une garantie et n'a pas exercé d'influence sur le sens de la décision contestée dès lors, notamment, qu'il n'est pas établi ni même allégué que l'état de santé de l'intéressé aurait été sensiblement modifié entre la transmission des éléments médicaux et le 5 juillet 2018.

9. Comme il a été dit au point 3, le collège de médecins n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour Mme B... de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'avis est irrégulier dès lors qu'il n'indique pas le pays d'origine au regard duquel le dossier médical de Mme B... doit être examiné est inopérant.

10. Comme il a été dit au point 4, aucune des dispositions applicables ne fait obligation au collège de mentionner dans son avis des convocations pour examen, des demandes d'examens complémentaires et des justification d'identité.

11. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 de ce code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " (...) un collège de médecins désigné pour chaque dossier (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

12. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Calvados aurait, en estimant que Mme B..., qui se prévaut de certificats médicaux des 3 et 6 décembre 2018 et du 24 janvier 2019, ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance que le préfet ait déjà renouvelé son titre de séjour ne donne pas à Mme B... un droit au séjour compte tenu de l'évolution de son état de santé.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. Si ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, en vertu du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger " résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ", il résulte de ce qui a été dit précédemment au point 13, que l'état de santé de Mme B... ne faisait pas obstacle au prononcé d'une obligation de quitter le territoire.

15. Mme B... reprend en appel sans apporter aucun élément nouveau en droit et en fait le moyen invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ce moyen.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 15, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

17. Mme B... soutient que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de son état de santé. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13, le moyen doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. C..., président assesseur,

- M. Brasnu, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2021.

Le rapporteur,

J.-E. C...

Le président,

F. Bataille Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02223


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02223
Date de la décision : 14/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : HOURMANT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-14;19nt02223 ?
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