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12/01/2021 | FRANCE | N°19NT02250

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 12 janvier 2021, 19NT02250


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Biomasse Énergie du Léon a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 21 octobre 2016 par laquelle le préfet du Finistère a constaté la caducité de son arrêté no 24-13AI du 25 juillet 2013 autorisant cette société à exploiter une usine de méthanisation de déjections animales et de déchets agricoles et une unité de compostage au lieu-dit Kerscao à Plouvorn, ainsi que la décision du 1er mars 2017 confirmant cette caducité.

Par un jugement no 1702090 du 11 a

vril 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Biomasse Énergie du Léon a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 21 octobre 2016 par laquelle le préfet du Finistère a constaté la caducité de son arrêté no 24-13AI du 25 juillet 2013 autorisant cette société à exploiter une usine de méthanisation de déjections animales et de déchets agricoles et une unité de compostage au lieu-dit Kerscao à Plouvorn, ainsi que la décision du 1er mars 2017 confirmant cette caducité.

Par un jugement no 1702090 du 11 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 juin 2019, 21 avril 2020, 30 septembre 2020 et 4 novembre 2020, la SAS Biomasse Énergie du Léon, représentée d'abord par la SELARL Valadou-Josselin et Associés, puis par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions du 21 octobre 2016 et du 1er mars 2017 du préfet du Finistère ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;

- ce jugement est en outre entaché d'une contradiction de motifs ;

- ce jugement a fait application d'une version de l'article R. 512-74 du code de l'environnement qui n'était pas applicable au litige ;

- c'est à tort que le préfet a estimé que l'autorisation accordée était caduque ;

- le préfet a commis une erreur de droit quant au point de départ du délai de caducité.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 août et 23 octobre 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Biomasse Énergie du Léon ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant la société Biomasse Energie du Léon.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. En premier lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rennes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par la SAS Biomasse Énergie du Léon. Cette dernière, contrairement à ce qu'elle soutient, était en mesure de comprendre à la lecture du jugement attaqué pourquoi son autorisation était caduque, alors même que la date de notification de l'autorisation n'y était pas mentionnée. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté.

2. En second lieu, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué souffrirait d'une contradiction de motifs n'est, en tout état de cause, pas susceptible d'entacher sa régularité, mais seulement son bien-fondé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 512-74 du code de l'environnement, dans sa version issue du décret no 2013-5 du 2 janvier 2013 relatif à la prévention et au traitement de la pollution des sols, applicable au litige : " L'arrêté d'autorisation (...) cesse de produire effet lorsque, sauf cas de force majeure, l'installation n'a pas été mise en service dans le délai de trois ans ou lorsque l'exploitation a été interrompue pendant plus de deux années consécutives. / Le délai de mise en service est suspendu jusqu'à la notification à l'auteur de la décision administrative ou à l'exploitant, dans les deux premières hypothèses, d'une décision devenue définitive ou, dans la troisième, irrévocable en cas de : / 1° Recours devant la juridiction administrative contre l'arrêté d'autorisation, (...) ; / 2° Recours devant la juridiction administrative contre le permis de construire ayant fait l'objet d'un dépôt de demande simultané conformément au premier alinéa de l'article L. 512-15 ; / 3° Recours devant un tribunal de l'ordre judiciaire, en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, contre le permis de construire ayant fait l'objet d'un dépôt de demande simultané conformément au premier alinéa de l'article L. 512-15 du présent code. "

4. Il résulte de ces dispositions que, sauf le cas de force majeure et sous réserve des éventuelles suspensions liées aux recours juridictionnels précités, la société bénéficiaire d'une autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement dispose d'un délai de trois ans pour mettre en service cette installation. Outre le cas où des travaux seraient entrepris dans le seul but d'échapper à l'application de la règle qu'elles édictent, seule une absence de fonctionnement effectif des activités faisant l'objet de l'autorisation d'exploiter une installation classée est de nature à emporter la caducité d'une telle autorisation.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 25 juillet 2013 par lequel le préfet du Finistère a autorisé la SAS Biomasse Énergie du Léon (BEL) à exploiter une usine de méthanisation de déjections animales et de déchets agricoles et une unité de compostage au lieu-dit Kerscao à Plouvorn a été notifié à M. A..., président de cette société, par courrier électronique du 26 juillet 2013, dont il a été accusé réception par M. A... le 27 juillet 2013. Ce même arrêté a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception qui a été reçue le 30 juillet 2013 par la SAS Biomasse Énergie du Léon. Dès lors qu'il n'est pas soutenu qu'un des recours juridictionnels visés à l'article R. 512-74 du code de l'environnement aurait été introduit contre l'arrêté préfectoral du 25 juillet 2013 ou un permis de construire ayant fait l'objet d'un dépôt de demande simultané et que la requérante ne fait état d'aucun motif de force majeure, l'autorisation accordée est devenue caduque si l'installation n'a pas été mise en service avant le 28 juillet 2016 ou, en tout état de cause, le 31 juillet 2016.

6. D'une part, en ce qui concerne l'unité de méthanisation, si la SAS Biomasse Énergie du Léon se prévaut de deux déclarations d'ouverture de chantier datées du 13 mai 2016 pour soutenir que son installation avait fait l'objet d'une mise en service au moins partielle, il ressort des pièces du dossier que seuls des travaux de terrassement, préalables à la construction des installations autorisées, ont été réalisés, à une date d'ailleurs indéterminée. En outre, ces travaux ont été entrepris dans le seul but d'échapper à la caducité. De même, si la SAS Biomasse Énergie du Léon soutient, sans en justifier, que " la SARL Hubert A... a fait réaliser " par une société tierce, le 10 avril 2016, une prestation d'ensilage d'herbe sur une surface de 17 hectares situé sur le site de la SAS Biomasse Énergie du Léon, et que la biomasse végétale issue de cet ensilage était nécessaire pour démarrer l'unité de méthanisation, une telle prestation ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme une mise en service de cette unité, dont la construction n'avait pas même débuté à la fin du mois de juillet 2016. Il en va de même de la réception en juin 2016, par la SAS Biomasse Énergie du Léon, de déchets de céréales en vue de leur stockage pour l'activité du méthaniseur.

7. D'autre part, en ce qui concerne l'activité de compostage, la société requérante soutient que l'unité de compostage prévue par l'arrêté du 25 juillet 2013 a été mise en service à compter du 1er juillet 2016, en application d'un " contrat d'exploitation " conclu le même jour entre la SARL Hubert A... et la SCEA de Kergavan, d'une part, et la SAS Biomasse Énergie du Léon, d'autre part, ces trois sociétés ayant pour gérant M. B... A.... Cette convention avait pour objet de confier à la SAS Biomasse Énergie du Léon l'exploitation de l'unité de traitement biologique des effluents d'élevage et de l'unité de compostage des fumiers, jusqu'alors exploitées par la SARL Hubert A... en vertu d'une autorisation préfectorale du 18 mars 2013. Cette convention prévoyait notamment la mise à disposition d'" un bâtiment de compostage d'une surface au sol de 2 000 m2 sur sol en béton armé ". La SAS Biomasse Énergie du Léon soutient également qu'elle a commencé à recevoir, notamment au début du mois de juillet 2016, des lisiers et matières organiques en vue de leur compostage.

8. Cependant, il ressort de l'article 5.5 de l'arrêté du 25 juillet 2013 que " l'unité de compostage est constituée de 5 tunnels de compostage ". Il ressort également de l'annexe 13 au dossier de demande d'autorisation d'exploiter que le " bâtiment de compostage " de la future installation devait être créé dans la " zone D " du chantier, qui était alors à l'état " vierge ", tandis que la " zone B " du chantier, alors occupée par un bâtiment existant de " compostage des fumiers et refus de centrifugation ", devait accueillir le bâtiment de " réception des substrats " ainsi que les " installations techniques ". Or la SAS Biomasse Énergie du Léon ne justifie pas avoir réalisé, ni même commencé, à la fin du mois de juillet 2016, les travaux de construction du nouveau bâtiment de compostage prévu par l'arrêté du 25 juillet 2013. Dès lors, l'activité menée par la SAS Biomasse Énergie du Léon dans le cadre du " contrat d'exploitation " du 1er juillet 2016 ne peut être regardée comme la mise en service de l'installation de compostage prévue par l'arrêté du 25 juillet 2013.

9. En réalité, il ressort des pièces du dossier que la SAS Biomasse Énergie du Léon attendait, en vue de financer son projet et donc de le réaliser, la conclusion d'un " pacte d'associés " avec trente-trois partenaires, qui n'a été finalisé qu'au cours du mois d'août 2016.

10. Par conséquent, ni l'unité de méthanisation ni l'unité de compostage autorisées par l'arrêté du 25 juillet 2013 n'avaient été mises en service à la date du 28 juillet 2016 ou, en tout état de cause, du 31 juillet 2016. Il s'ensuit que c'est sans erreur de droit et par une exacte application des dispositions de l'article R. 512-74 du code de l'environnement que le préfet du Finistère a, par les décisions contestées du 21 octobre 2016 et du 1er mars 2017, constaté que l'autorisation accordée le 25 juillet 2013 était caduque.

11. Enfin, s'il est vrai que le préfet du Finistère a commis une erreur quant au point de départ du délai de caducité de son arrêté du 25 juillet 2013, qui l'a conduit à mentionner comme date de caducité le 24 juillet 2016 au lieu du 28 juillet 2016, une telle erreur est dénuée d'incidence sur la légalité des décisions contestées du 21 octobre 2016 et du 1er mars 2017 dès lors qu'à la date de leur édiction, l'autorisation en cause était bien caduque, ainsi qu'il vient d'être dit.

12. Il résulte de ce qui précède que la SAS Biomasse Énergie du Léon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SAS Biomasse Énergie du Léon demande au titre des frais exposés par elle à l'occasion du litige soumis au juge.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Biomasse Énergie du Léon est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Biomasse Énergie du Léon et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, président-assesseur,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2021.

Le rapporteur,

F.-X. C...Le président,

T. Célérier

Le greffier,

C. Goy

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 19NT02250


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02250
Date de la décision : 12/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL VALADOU JOSSELIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-12;19nt02250 ?
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