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08/01/2021 | FRANCE | N°20NT01630

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 08 janvier 2021, 20NT01630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Erics Associés et la société Altaris ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le ministère de la défense à leur verser la somme de 218 400 euros en réparation du préjudice causé par leur éviction irrégulière du marché à bons de commande scindé en 14 lots conclu le 24 juin 2014 entre le ministre de la défense et la société AFC Formation en vue de la réalisation de prestations de formation au profit du personnel militaire et civil du service du commissariat des arm

ées (SCA) et des commissaires affectés hors SCA, et destinées aux sept plateformes g...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Erics Associés et la société Altaris ont demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le ministère de la défense à leur verser la somme de 218 400 euros en réparation du préjudice causé par leur éviction irrégulière du marché à bons de commande scindé en 14 lots conclu le 24 juin 2014 entre le ministre de la défense et la société AFC Formation en vue de la réalisation de prestations de formation au profit du personnel militaire et civil du service du commissariat des armées (SCA) et des commissaires affectés hors SCA, et destinées aux sept plateformes géographiques du SCA, les lots impairs pour lesquels elles ont soumissionné correspondant aux formations " achats publics ", et d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par le ministère de la défense de leur courrier du 11 février 2015 et de la capitalisation annuelle de ces intérêts.

Par un jugement n° 1501876 du 20 avril 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2017, la société Erics Associés et la société Altaris, représentées par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 avril 2017 ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser une indemnisation de 218 400 euros au titre de la non-attribution irrégulière du marché de réalisation de formations dans le domaine " achats publics " et " finances " pour le personnel militaire et civil du SCA et des commissaires affectés hors SCA pour les lots 1, 3, 5, 7, 9, 11 et 13 ;

3°) d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par le ministère de la défense de leur courrier du 11 février 2015 et de la capitalisation annuelle de ces intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le ministère de la défense a commis plusieurs manquements à ses obligations de mise en concurrence lors de la passation des marchés en cause comme la rupture d'égalité de traitement des candidats lors de la négociation, l'irrégularité des critères de sélection des offres et de la pondération mise en oeuvre conduisant à la neutralisation du critère financier et à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie, l'irrégularité du critère tenant à la nécessité d'être en mesure de dispenser plusieurs formations simultanément, la méconnaissance de l'article 10 du code des marchés publics imposant l'examen des candidatures lot par lot et la méconnaissance du principe d'égalité de traitement des candidats ;

- elles sont fondées à obtenir l'indemnisation du manque à gagner dès lors qu'elles disposaient de chances sérieuses d'obtenir le marché pour les lots 1, 3, 5, 7, 9, et 11 ; ce préjudice évalué à la somme de 218 400 euros comprend les frais de préparation de l'offre, soit 5 600 euros correspondant à 7 jours de travail à 800 euros par jour et la marge nette attendue sur 4 ans soit 212 800 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2018, la ministre des armées conclut au rejet de la requête et demande qu'il soit mis à la charge de cette société la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Erics Associés et la société Altaris ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 17NT01869 du 29 mars 2019 la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 avril 2017, a condamné l'Etat à verser la somme globale de 4 800 euros TTC à la société Erics Associés et à la société Altaris, avec intérêts au taux légal à compter de la date du 11 février 2015 et capitalisation annuelle de ces intérêts, ainsi que 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des demandes.

Par une décision n° 431194 du 10 juin 2020, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la présente cour.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire, enregistré le 14 septembre 2020, la société Erics Associés et la société Altaris, représentées par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 avril 2017 ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser une indemnisation de 218 400 euros au titre de la non-attribution irrégulière du marché de réalisation de formations dans le domaine " achats publics " et " finances " pour le personnel militaire et civil du service du commissariat des armées (SCA) et des commissaires affectés hors SCA pour les lots 1, 3, 5, 7, 9, 11 et 13 ;

3°) d'assortir cette somme des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par le ministère de la défense de leur courrier du 11 février 2015 et de la capitalisation annuelle de ces intérêts ;

4°) subsidiairement, de condamner l'Etat à leur verser une somme de 5 600 euros au titre des frais d'élaboration de leur offre ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les dispositions de l'article 53 du code des marchés publics sont méconnues dès lors que les critères de sélection des offres et la pondération mis en oeuvre conduisent à la neutralisation du critère financier et à ce que l'offre la plus économiquement avantageuse ne soit pas choisie ;

- il y a eu rupture d'égalité de traitement des candidats lors de la négociation au regard de l'article 28 du code des marchés publics en l'absence de négociation organisée à l'exception du prix ;

- le critère tenant à la nécessité d'être en mesure de dispenser plusieurs formations simultanément est irrégulier s'agissant d'un critère d'appréciation de la capacité à exécuter le marché, redondant, et méconnaissant les principes d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ;

- l'article 10 du code des marchés publics imposant l'examen des candidatures lot par lot et le principe d'égalité de traitement des candidats ont été méconnus au regard du critère tenant à l'existence de trois sessions simultanées au sein d'une plateforme et entre plateformes ;

- elles seront indemnisées de leur manque à gagner dès lors qu'elles disposaient de chances sérieuses d'obtenir le marché pour les lots 1, 3, 5, 7, 9, et 11 ; ce préjudice évalué à la somme de 218 400 euros comprend les frais de préparation de l'offre, soit 5 600 euros correspondant à 7 jours de travail à 800 euros par jour avec une marge nette attendue sur 4 ans de 212 800 euros ; subsidiairement, elles seront remboursées des 5 600 euros exposés en frais de préparation de l'offre, dès lors qu'elles n'étaient pas dépourvues de toute chance de remporter le marché.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le ministère de la défense a lancé, le 6 février 2014, par avis d'appel public à la concurrence publié le 11 février 2014 sur le site internet " plateforme des marchés publics de l'Etat ", selon la procédure adaptée prévue par les articles 28 et 30 du code des marchés publics, un marché à bons de commande, reconductible sur trois ans, en vue de la réalisation de prestations de formation au profit du personnel militaire et civil du service du commissariat des armées (SCA) et des commissaires affectés hors SCA, scindé en quatorze lots, d'un montant maximum de 10 000 euros par lot, destinées aux sept plateformes géographiques du SCA (Saint-Germain-en-Laye, Metz, Lyon, Toulon, Bordeaux, Rennes, Brest), les lots impairs correspondant aux formations " achats publics " envisagées pour chacune de ces plateformes et les lots pairs aux formations " finances ". Le groupement constitué de la société Erics Associés et de la société Altaris a présenté sa candidature et son offre pour l'attribution de l'ensemble des sept lots impairs " formations achats " du marché. Après négociation, ces sociétés ont obtenu une note technique pondérée de 76,50 points sur 90 et une note financière de 9,94 points sur 10. Leur offre a été rejetée pour chacun des lots par des décisions du pouvoir adjudicateur notifiées le 14 mai 2014, le ministre de la défense ayant attribué l'intégralité de ces lots à la société ACP Formation qui a obtenu 85,50 points au titre de la valeur technique et 7,90 points au titre de la valeur financière. Le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 218 400 euros en réparation du préjudice causé par leur éviction, qu'elles estiment irrégulière, du marché à bons de commande conclu le 24 juin 2014 entre le ministre de la défense et la société ACP Formation. Saisie par les sociétés Erics Associés et Altaris, par un arrêt du 29 mars 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et a condamné l'Etat à leur verser la somme globale de 4 800 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2015 et capitalisation annuelle de ces intérêts, ainsi que 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de leurs demandes. Par une décision n° 431194 du 10 juin 2020, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Lorsqu'un candidat à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat et qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à cause de son éviction, il appartient au juge de vérifier si le candidat était ou non dépourvu de toute chance de remporter le contrat. En l'absence de toute chance, il n'a droit à aucune indemnité. Dans le cas contraire, il a droit en principe au remboursement des frais qu'il a engagés pour présenter son offre. Il convient en outre de rechercher si le candidat irrégulièrement évincé avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Si tel est le cas, il a droit à être indemnisé de son manque à gagner, qui inclut nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique. En revanche, le candidat ne peut prétendre à une indemnisation de ce manque à gagner si la personne publique renonce à conclure le contrat pour un motif d'intérêt général.

3. En premier lieu, aux termes de l'article 53 du code des marchés publics applicable à la date de passation du marché litigieux : " I - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; / 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix. ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au pouvoir adjudicateur de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse en se fondant sur des critères permettant d'apprécier la performance globale des offres au regard de ses besoins. Ces critères doivent être liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, être définis avec suffisamment de précision pour ne pas laisser une marge de choix indéterminée et ne pas créer de rupture d'égalité entre les candidats. Le pouvoir adjudicateur détermine librement la pondération des critères de choix des offres. Toutefois, il ne peut légalement retenir une pondération, en particulier pour le critère du prix ou du coût, qui ne permettrait manifestement pas, eu égard aux caractéristiques du marché, de retenir l'offre économiquement la plus avantageuse.

4. Le règlement de la consultation du marché contesté à procédure adaptée fractionné à bons de commande prévoyait que les offres devaient être appréciées, d'une part, au regard d'un critère de valeur technique noté sur 100 points, représentant 90 % de la note totale, et comprenant les sous-critères suivants : " Clarté, précision et facilité d'exploitation du dossier technique " (15 points), " Qualité du support de cours remis à l'apprenant " (20 points), " Qualifications et expériences des intervenants " (35 points), " Nombre d'intervenants " (15 points), comportant l'obligation de " préciser le nombre d'intervenants susceptibles de couvrir trois sessions en simultané pour les formations achats ", " Lieux de formations en inter-entreprises et seuil de rentabilité " (10 points) et " Moyens matériels et pédagogiques " (5 points), d'autre part, selon un " critère financier " noté sur 10 points et représentant 10 % de la note totale, correspondant au prix. De tels critères, précis, tant techniques que financiers, apparaissent de nature à déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse au regard des besoins particuliers en l'espèce du pouvoir adjudicateur s'agissant de l'attribution d'un marché de formation destiné à un public civil et militaire, réparti sur le territoire métropolitain hors de la Corse, composé de professionnels des achats publics, incluant des acheteurs confirmés, et pour lesquels il est requis des intervenants dotés d'une expérience professionnelle et opérationnelle significative présentés par une société en mesure d'assurer une même formation simultanément sur plusieurs sites. Par ailleurs, l'aspect financier a bien été pris en compte lors du choix du titulaire de chacun des lots, dont le montant était limité annuellement à 10 000 euros, ainsi qu'il résulte d'une part de l'examen des notifications des rejets des offres faites par les sociétés requérantes et dès lors qu'en avril 2014, à l'issue d'un premier examen des offres reçues, le ministre de armées a engagé une négociation sur le seul critère du prix avec les parties, attestant ainsi du fait que cet aspect demeurait un élément essentiel de son appréciation. Dès lors, il n'est pas établi que la pondération des critères retenue, déterminée librement par le pouvoir adjudicateur, ne permettait manifestement pas de retenir l'offre économiquement la plus avantageuse.

5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 28 du code des marchés publics applicable à la date de passation du marché litigieux : " I. - Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils de procédure formalisée définis à l'article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat. / Le pouvoir adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre. Cette négociation peut porter sur tous les éléments de l'offre, notamment sur le prix. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur peut légalement recourir, dans le cadre d'une procédure adaptée, à la négociation en choisissant librement les éléments sur lesquels celle-ci peut porter. Toutefois, si le pouvoir adjudicateur a décidé de faire usage de sa faculté de négocier dans le cadre d'une procédure adaptée, il doit en informer les candidats dès le lancement de la procédure et ne peut alors renoncer à négocier en cours de procédure. S'il choisit, comme il lui est loisible de le faire, de ne négocier qu'avec certains des candidats qui ont présenté une offre, il appartient au juge, saisi d'un moyen sur ce point, de s'assurer qu'il n'a méconnu aucune des règles qui s'imposent à lui, notamment le principe d'égalité de traitement des candidats. D'autre part aux termes de l'article 3.2 du règlement de la consultation du marché lancé par le ministre de la défense : " A la suite de l'analyse des offres, le pouvoir adjudicateur mènera une négociation sur les aspects techniques et/ou financiers avec les deux entreprises dont les offres auront été jugées les plus satisfaisantes au regard des critères d'attribution pour chacun des lots. (...) " .

6. Il résulte de l'instruction qu'après l'analyse des offres reçues, le ministre de la défense a engagé, par un courrier du 15 avril 2014, avec les sociétés requérantes et la société ACP formation une négociation portant exclusivement sur le critère du prix, alors même que les sociétés Erics Associés et Altaris ont souhaité engager une négociation portant également sur les critères techniques. Toutefois, d'une part, les dispositions de l'article 28 cité du code des marchés publics, tout comme les stipulations de l'article 3.2 du règlement de la consultation, permettaient au pouvoir adjudicateur d'engager une négociation limitée au seul critère du prix. D'autre part, les sociétés citées ont été placées dans une situation identique dès lors qu'elles ont toutes pu proposer une révision des prix de leurs prestations, et que leurs propositions ont été prises en compte afin de déterminer l'offre économiquement la plus avantageuse. Enfin la circonstance qu'eu égard à la pondération des critères valorisant celui à caractère technique au détriment de celui du prix, ainsi qu'exposé au point 4, et au fait que la société ACP Formation présentait dès ce stade une avance significative pour l'attribution des lots au regard du critère technique, la négociation sur le seul critère du prix ne pouvait réellement avoir de conséquence que sur l'offre de la société ACP Formation n'est pas de nature à établir une inégalité de traitement entre les entreprises ayant présenté des offres concurrentes qui ont été appelées à négocier. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Erics Associés et Altaris ne sont pas fondées à soutenir que les dispositions de l'article 28 du code des marchés publics, ou le principe d'égalité de traitement des candidats auraient été méconnus en l'espèce.

7. En troisième lieu, les dispositions de l'article 53 du code des marchés publics permettent au pouvoir adjudicateur de retenir, en procédure adaptée, pour choisir l'offre économiquement la plus avantageuse, un critère reposant sur l'expérience des candidats, et donc sur leurs références portant sur l'exécution d'autres marchés, ainsi que sur le nombre lorsque sa prise en compte est rendue objectivement nécessaire par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser et n'a pas d'effet discriminatoire. Il résulte de l'instruction qu'eu égard à la technicité requise dans le domaine des formations " achats publics " le recours au sous-critère tenant à l'expérience des intervenants, noté sur 35 points, ainsi que le sous-critère afférent au nombre d'intervenants, noté sur 15 points, qui permet d'évaluer la capacité du candidat à assurer matériellement une prestation de formation simultanément sur une zone géographique, qu'il soit attributaire d'un ou plusieurs lots, et qui n'est nullement redondant avec le précédent, était justifié par un impératif d'organisation du service et non par l'intention du pouvoir adjudicateur de privilégier un candidat particulier. Au cas particulier, il résulte de l'instruction que si les sociétés requérantes n'ont obtenu respectivement que 25 points sur 35 et 10 points sur 15 pour les sous-critères relatifs à la qualification et à l'expérience des intervenants et à leur nombre, c'est au motif que les formateurs retenus n'avaient pas tous déjà assuré des formations sur lesquelles ils pouvaient être désignés et que l'offre n'était pas explicite notamment sur la possibilité de trois formations en simultané. Ainsi, il ne ressort ni de son principe ni des appréciations portées sur l'offre du groupement composé des sociétés Erics associés et Altaris que la prise en compte de ces deux sous-critères aurait revêtu un caractère discriminatoire destiné à privilégier l'attributaire du marché.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 10 du code des marchés publics applicable à la date de passation du marché litigieux : " Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de l'article 27. A cette fin, il choisit librement le nombre de lots, en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. Les candidatures et les offres sont examinées lot par lot. Les candidats ne peuvent présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d'être obtenus. (...) / Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s'il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu'elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations ou encore qu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination. (...) ".

9. Aux termes de l'article 2.4 " allotissement " du règlement de consultation du marché litigieux, le pouvoir adjudicateur a scindé le marché à bons de commande en quatorze lots, d'un montant maximum de 10 000 euros par lot, destinés aux sept plateformes géographiques du SCA (Saint-Germain-en-Laye, Metz, Lyon, Toulon, Bordeaux, Rennes, Brest), les lots impairs correspondant aux formations " achats publics " envisagées pour chacune de ces plateformes et les lots pairs aux formations " finances ". Il ne résulte pas que, ce faisant, la décision prise par le ministre de la défense de répartir ainsi distinctement les prestations de formation " achats " et " finances " en lots géographiques aurait eu pour effet de restreindre les possibilités d'attribution du marché aux seules entreprises disposant d'un nombre suffisant d'intervenants susceptibles de couvrir trois sessions en simultané au sein d'un même lot pour les formations achats, dès lors que chaque entreprise pouvait postuler pour un seul lot et que le regroupement d'entreprises, comme l'ont d'ailleurs fait les sociétés Erics Associés et Altaris en l'espèce, était autorisé. Il n'est pas davantage établi que la société ayant remporté le marché aurait été la seule à pouvoir présenter une offre sur la totalité des lots. Par ailleurs, le sous-critère " nombre d'intervenants " qui demande de préciser le nombre d'intervenants susceptibles de couvrir trois sessions de formation en simultané visait l'hypothèse, non exclue, de la tenue de trois formations en même temps au sein du même lot. Enfin la mention, au titre du sous-critère " qualifications et expériences des intervenants " figurant au règlement de consultation, selon laquelle " des formations en simultané entre PFAF [plateformes achats finances] seront privilégiées " avait pour seule objet de prévoir que, dans l'hypothèse où une entreprise serait attributaire de plusieurs lots, ce qui pouvait advenir, une telle possibilité de formation simultanée serait privilégiée. Dans ces conditions la décomposition du marché " achats publics " en autant de lots que de plateformes, justifiée par l'organisation du service et le découpage géographique des zones concernées caractérisant l'existence de prestations distinctes, ne révèle aucun manquement par le ministère de la défense à ses obligations de mise en concurrence. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 10 du code des marchés publics doit en conséquence être écarté.

10. Il découle des points précédents que les sociétés Erics Associés et Altaris n'ont pas été irrégulièrement évincées du marché litigieux. Dès lors, leurs conclusions présentées en conséquence aux fins d'indemnisation ne peuvent qu'être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Erics Associés et Altaris ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Sur les frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par les sociétés Erics Associés et Altaris. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces sociétés une somme demandée par l'Etat sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête des sociétés Erics Associés et Altaris est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Erics Associés, à la société Altaris et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. A..., président de la formation de jugement,

- M. Jouno, premier conseiller,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 janvier 2021.

Le rapporteur,

C. A...

L'assesseur le plus ancien,

T. Jouno

La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT01630


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01630
Date de la décision : 08/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SCP DELAGE BEDON ROUXEL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-08;20nt01630 ?
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