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08/01/2021 | FRANCE | N°20NT01278

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 08 janvier 2021, 20NT01278


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 20 novembre 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français

de protection des réfugiés et apatrides pour examen, enfin, de mettre à la charge ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 20 novembre 2019 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour examen, enfin, de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1912735 du 28 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2020, Mme E... B..., représentée par Me D... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du 20 novembre 2019 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision ordonnant son transfert aux autorités italiennes méconnait les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision ordonnant son transfert aux autorités italiennes est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision ordonnant son transfert aux autorités italiennes méconnaît le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision ordonnant son transfert aux autorités italiennes est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision portant assignation à résidence est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités italiennes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 20 novembre 2019 portant transfert de Mme B... aux autorités italiennes et au rejet du surplus de la requête.

Il fait valoir, d'une part, que l'arrêté portant transfert de l'intéressée aux autorités italiennes n'ayant pas été exécuté dans le délai de six mois à compter de la notification du jugement attaqué, l'Italie est désormais libérée de son obligation de prise en charge et, d'autre part, que l'unique moyen dirigé contre la décision d'assignation à résidence tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes n'est pas fondé, cet arrêté n'étant entaché d'aucune illégalité.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 9 mars 2020.

Vu la décision du 16 novembre 2020 par laquelle le président de la cour a, en application des dispositions des articles R 222-24 et R.222-32 du code de justice administrative, désigné M. A... pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public à l'audience du 11 décembre 2020 de la 6ème chambre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... B..., de nationalité éthiopienne et née le 10 novembre 1994, est entrée irrégulièrement en France le 23 août 2019. Elle a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de Loire-Atlantique le 11 septembre 2019. Les recherches alors effectuées sur le fichier Visabio ont fait apparaître que l'intéressée était en possession d'un visa périmé depuis moins de six mois, délivré par les autorités italiennes au moment du dépôt de sa demande d'asile. Le préfet de Maine-et-Loire a sollicité le 17 septembre 2019 sa prise en charge par les autorités italiennes, lesquelles l'ont implicitement acceptée. Par les arrêtés du 20 novembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire a décidé, d'une part, le transfert aux autorités italiennes de Mme B..., et, d'autre part, son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Mme B... relève appel du jugement du 28 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 20 novembre 2019.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution du transfert de Mme B... vers l'Italie a été interrompu par la saisine du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration du jugement du 28 novembre 2019 rendu par ce dernier. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du mémoire présenté le 4 juin 2020 par le préfet que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas reçu exécution pendant sa période de validité, circonstance permettant, ainsi que le souligne l'administration, de libérer l'Italie de son obligation de reprise en charge. Par suite, la décision de transfert contestée du 20 novembre 2019 est devenue caduque sans avoir reçu de commencement d'exécution à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées ci-dessus. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation du jugement du 28 novembre 2019 qui a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 20 novembre 2019 portant transfert vers l'Italie.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté portant assignation à résidence :

5. L'arrêté portant assignation à résidence de Mme B... ayant été exécuté et ayant produit des effets, il y a lieu de se prononcer sur sa légalité.

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé ci-dessus : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert;/e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ". Enfin selon les dispositions de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) " ;

7. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations, l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 citées au point précédent constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

8. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est vu remettre, le 11 septembre 2019, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, et qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents, dont les pages de garde ont été signées par l'intéressée, sont rédigées en langue amharique, qu'elle a déclaré comprendre, et lui ont été remis avec le concours, par téléphone, d'un interprète assermenté dans cette langue. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'administration l'aurait privée d'une garantie au motif que l'information qui lui a été donnée par les services préfectoraux aurait dû l'être dès son passage dans la structure de pré-accueil qui l'avait accueillie le 1er septembre 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".

10. D'une part, aucune disposition n'impose la mention sur le compte rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité de l'identité de l'agent qui a conduit l'entretien individuel. Par suite, les services de la préfecture de la Loire-Atlantique, et en particulier les agents recevant les étrangers au sein du guichet unique des demandeurs d'asile mis en place dans cette préfecture, doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article.

11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et ainsi qu'il a rappelé plus haut, que l'entretien individuel a été mené par un agent de la préfecture avec l'assistance d'un interprète issu d'un organisme d'interprétariat agréé par l'administration. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet entretien individuel aurait été conduit dans des conditions ne permettant pas à Mme B... de faire valoir toutes observations utiles. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

13. Il résulte de ces dispositions que la présomption selon laquelle un Etat membre initialement désigné comme responsable de l'examen de la demande d'asile respecte ses obligations découlant de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est renversée en cas de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant subi par ces derniers.

14. Mme B... soutient que les autorités italiennes sont confrontées à un afflux massif de migrants, sans précédent, entraînant de grandes difficultés pour traiter les demandes d'asiles correspondantes et que l'Italie connait des dysfonctionnements sérieux dans le traitement de ces demandes présentées par des personnes vulnérables. Toutefois, l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces deux conventions internationales. Si cette présomption peut être renversée lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant, Mme B... n'établit pas l'existence de défaillances en Italie qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par ailleurs, si la requérante se réfère à des rapports émanant d'organisations non gouvernementales - l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés et la Danish Refugee Council - respectivement établis les 16 août 2016 et 9 février 2017 ainsi qu'aux constatations faites dans un rapport de février 2018 de l'organisation Médecins sans frontières qui révèlent l'existence d'une situation extrêmement tendue et problématique en Italie, ces informations qui ne sont pas, au demeurant, actualisées ne concernent que la gestion matérielle de l'accueil initial des flux de réfugiés arrivant dans certaines zones saturées du territoire. Ainsi ces difficultés ne sont pas structurelles, de sorte qu'elles ne sauraient être regardées comme révélant une défaillance systémique. Par suite, les circonstances invoquées par Mme B... ne suffisent pas à établir que le préfet de Maine-et-Loire aurait ainsi méconnu les dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 précité du règlement (UE) du 26 juin 2013.

15. En quatrième lieu, en vertu de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ". Pour soutenir que la décision ordonnant son transfert aux autorités italiennes serait intervenue en violation de ces dispositions, Mme B... n'invoque aucune circonstance autre que celle, évoquée au point 14, mettant en cause le dispositif de traitement de sa demande d'asile en Italie, circonstance qui la placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Pour les motifs rappelés ci-dessus, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

16. Mme B... n'est pas fondée, compte tenu de ce qui a été dit précédemment aux points 6 à 15, à exciper de l'illégalité de la décision de transfert contre la décision l'assignant à résidence.

17. Il résulte ce qui a été dit aux points 6 à 15 que Mme B... ne soulève aucun moyen tiré des vices propres de l'arrêté du 20 novembre 2019 l'assignant à résidence. Par suite, ses conclusions dirigées contre cet arrêté ne peuvent qu'être rejetées.

18. Il résulte de ce tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2019 l'assignant à résidence. Par voie de conséquence doivent être rejetées les conclusions de la requérante aux fins d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme B... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 novembre 2019 rejetant sa demande d'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. C..., président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 janvier 2021.

Le rapporteur

O. C...Le président

O. GASPON

La greffière

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20NT01278 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01278
Date de la décision : 08/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : RODRIGUES-DEVESAS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-01-08;20nt01278 ?
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